1.3.1. LES AEROSOLS ATMOSPHERIQUES A FORTE INCIDENCE CLIMATOPATHOLOGIQUE
L’atmosphère contient des microparticules solides ou liquides en suspension, appelées aérosols. Leur taille varie de quelques nanomètres à presque 100 microns. Ils sont formés par la dispersion de substances sur la surface de la Terre : ce sont les aérosols primaires ; ou par la réaction des gaz dans l’atmosphère, dans ce cas, on parle dans ce cas d’aérosols secondaires. Ils incluent les sulfates et les nitrates de l’oxydation respective du dioxyde de soufre et de l’oxyde nitrique pendant la brûlure des combustibles fossiles, des substances organiques de l’oxydation des composés organiques volatils, de la suie des feux, et particules terrigènes des processus morphogénétiques à dominante éolienne. Bien que représentant seulement une infime partie de la masse de l’atmosphère, ils ont le potentiel d’influencer de manière significative la quantité de lumière du soleil atteignant la surface de la Terre, et donc le climat. Comme les gaz à effet de serre, les aérosols influencent le climat. Les aérosols atmosphériques influencent le transfert de l’énergie dans l’atmosphère de deux façons: directement par la dispersion de la lumière du soleil; et indirectement en modifiant les propriétés optiques et les vies des nuages.
En effet, dans la basse troposphère, où ils sont en général beaucoup plus abondants, les aérosols séjournent quelques jours seulement, cette durée variant essentiellement selon les précipitations. Il en résulte que, contrairement aux gaz à effet de serre, la concentration des aérosols peut varier de plusieurs ordres de grandeur à des échelles régionales ou journalières. De par leur petite taille, ces particules sont soumises à un transport atmosphérique à longue distance (plusieurs milliers de kilomètres). Cette capacité au transport fait que pour certains écosystèmes, et pour certains éléments, les aérosols constituent le vecteur majeur de leur cycle biogéochimique.
On distingue généralement les aérosols d’origine désertique ou lithométéores, dont l’élimination est principalement réalisée par les précipitations ou les hydrométéores. A ces deux rands groupes s’ajoutent les aérosols issus de l’activité anthropique. Ce sont :
– les aérosols carbonés, qui sont des aérosols particulièrement absorbants. Pour ces aérosols, la zone tropicale constitue une région-source majeure en raison de la fréquence des feux de biomasse.
– les aérosols de sulfates dont l’augmentation au cours de la période industrielle, est susceptible de constituer un forçage climatique significatif.
– les aérosols métalliques et les nutriments. Ces espèces ont un impact potentiel positif ou négatif sur le fonctionnement des écosystèmes. Les aérosols peuvent être chimiquement actifs, leurs propriétés évoluant au cours de leur transport dans l’atmosphère. Ils peuvent jouer un rôle dans la création ou la destruction d’espèces gazeuses, incluant l’ozone, en catalysant à leur surface des réactions chimiques.
Tableau 2 : Phénomènes météorologiques courants qui réduisent la visibilité
Source : Manuel des méthodes d’observation et de compte rendu de la portée visuelle de piste(OMM)
Le manuel des méthodes d’observation et de compte rendu de la porté visuelle des pistes d’aviation présente une description des phénomènes météorologiques qui peuvent réduire la visibilité, en particulier ceux qui peuvent l’abaisser jusques sous 1 500 m. Le Tableau 2 contient une liste de ces phénomènes les plus courants avec une indication de certaines de leurs caractéristiques. Il s’agit des lithométéores et des hydrométéores, pour l’essentiel.
1.3.1.1. Des lithométéores variés
La brume et le brouillard sont dans de nombreuses parties du monde les causes principales d’une limitation de la visibilité dont il faut tenir compte en exploitation. Les fortes précipitations peuvent aussi avoir le même effet. Dans les régions froides, la neige est le phénomène qui réduit le plus souvent la visibilité alors que le sable et la poussière (notamment les tempêtes de poussière et de sable) peuvent aussi la réduire très fortement dans les zones arides et désertiques.
a. Brume sèche
On appelle brume sèche, la présence de poussière ou d’autres particules microscopiques, en principe sèches, dans l’air et qui limitent la portée visuelle. Dans la brume sèche, la diffraction de la lumière bleue est plus forte que celle de la lumière rouge, si bien que les objets sombres apparaissent comme à travers un voile bleu pâle. La visibilité n’est pas forcément la même dans toutes les directions parce qu’elle peut être influencée par la présence de fumée et d’autres polluants provenant des zones résidentielles et industrielles. La brume sèche et les autres lithométéores ne sont signalés que quand la visibilité est inférieure ou égale à 5 000 m ; sauf les chasse-sables basses et les cendres volcaniques qui sont toujours signalées pour des raisons liées à l’exploitation.
Ces lithométéores constitués de petites particules peuvent demeurer suspendus plus ou moins indéfiniment dans l’atmosphère. Ces phénomènes ne peuvent faire descendre la visibilité sous 1 500 m que dans des situations anormales, par exemple en présence d’une fumée dense provoquée par de gros incendies. Par contre, les lithométéores constitués de grosses particules ne peuvent rester suspendus dans l’atmosphère. Exceptionnellement, sous l’action de vents assez forts, il se produit les phénomènes suivants :
b. Tempête de sable
C’est un vent violent ou turbulent transportant le sable à travers l’atmosphère, le diamètre de la plupart des particules étant compris entre 0,08 et 1 mm. À la différence des particules des tempêtes de poussière, les particules de sable sont surtout confinées à moins de 2 m du sol et n’atteignent que rarement 15 m. Les tempêtes de sable se produisent le plus souvent dans les régions désertiques dont le sable est mouvant, surtout dans les dunes, et elles ne contiennent pas beaucoup de poussière. Elles sont provoquées par des vents violents causés ou accélérés par le réchauffement de la surface et elles se produisent souvent pendant la journée et meurent la nuit. Le front d’une tempête de sable peut ressembler à un mur très large et très haut. Il s’accompagne souvent d’un cumulonimbus qui peut être occulté par les particules de sable et il peut aussi se produire le long d’un front d’air froid en mouvement.
c. Tempêtes de poussière
Une tempête de sable est l’ensemble des particules de poussière soulevées énergiquement par un vent violent et turbulent au-dessus d’une vaste zone. Ce phénomène se produit en période de sécheresse, dans une zone où la terre normalement arable fournit des très fines particules de poussière, ce qui les différencie des tempêtes de sable des régions désertiques qui sont plus courantes. Une tempête de sable est habituellement soudaine et elle se présente sous la forme d’un mur de poussière en mouvement qui peut mesurer plusieurs kilomètres de long et dont la hauteur dépasse normalement 3 000 m. La tempête peut être précédée de tourbillons de poussière qui se détachent de la masse principale ou qui s’y enfoncent. En avant du mur, l’air est très chaud et le vent léger. Le front s’accompagne souvent d’un cumulonimbus qui peut être occulté par les particules de poussière et il peut aussi se produire le long d’un front d’air froid en mouvement.
d. Tourbillons de poussière ou de sable
On appelle tourbillon de poussières ou de sable, une colonne d’air en rotation rapide normalement au-dessus d’un terrain sec et poussiéreux ou sableux contenant de la poussière et d’autres corpuscules légers aspirés du sol. Ces tourbillons ont un diamètre de quelques mètres. Ils n’atteignent normalement pas plus de 60 à 90 m de haut mais, s’ils sont bien développés dans des zones désertiques très chaudes, ils peuvent atteindre 600 m.
1.3.1.2. Des conséquences variées
En diffusant et absorbant la lumière ou en modifiant le pouvoir réfléchissant des nuages, les aérosols exercent plusieurs effets sur le climat : direct, semi-direct et indirect. L’effet direct n’est autre que l’effet parasol évoqué plus haut. Il réside dans la diffusion, éventuellement accompagnée d’absorption, du rayonnement solaire par les particules. La diffusion est l’effet majeur aux longueurs d’ondes solaires, en particulier dans le cas d’aérosols de pollution ; elle est généralement négligeable dans l’infrarouge thermique. Il s’agit d’un effet refroidissant, sauf dans le cas d’aérosols absorbants au-dessus d’une surface très réfléchissante. Comme les aérosols peuvent également absorber de façon plus ou moins importante le rayonnement solaire, ils modifient les profils de température et, par conséquent, ont un impact sur les conditions de formation des nuages, entraînant leur disparition ou modifiant leur extension géographique. C’est ce qu’on appelle l’effet semi-direct.
L’effet radiatif indirect des aérosols résulte quant à lui des interactions entre aérosols et nuages, qui ont eux mêmes un impact fort sur le bilan énergétique de la Terre. Ainsi les aérosols peuvent servir de noyaux de condensation lors de la formation des nuages, de sorte qu’à contenu en eau fixé, un nuage issu d’une masse d’air pollué contient un nombre de gouttelettes supérieur à un nuage moins pollué. Bien que les gouttelettes soient plus petites, un tel nuage sera plus réfléchissant que celui issu d’une masse d’air sans aérosols. C’est le premier effet indirect, refroidissant. Dans un second temps, puisque les gouttelettes sont plus petites, elles n’atteindront pas la taille critique au-delà de laquelle apparaît la précipitation et la durée de vie moyenne du nuage sera augmentée. La couverture nuageuse moyenne sur la Terre sera donc plus importante. Enfin, en réchauffant l’atmosphère à des niveaux où se forment généralement des nuages, les aérosols peuvent conduire à leur évaporation. L’ensemble de ces processus constitue le deuxième effet indirect des aérosols sur le climat, qui peut être refroidissant ou réchauffant, notamment selon l’altitude du nuage. Dans le cas des zones sahéliennes, ces aérosols dont la présence est de plus en plus importante, sont liés à l’activité morphogénétique du vent.
1.3.2. LES PROCESSUS A L’ORIGINE DE LA GENESE DES LITHOMETEORES
La genèse des lithométéores en milieux sahéliens est difficile à maîtriser. Malgré l’imbrication des multiples éléments précurseurs qui traduisent la réelle difficulté de la formation de ces types de temps, deux facteurs majeurs conditionnent l’apparition des lithométéores. Le premier facteur de la formation des lithométéores est sans conteste le vent. Agent redoutable d’érosion, il agit selon un cadre multidirectionnel et intervient ainsi dans mobilisation des sédiments depuis leur structure de base constituée par le sol. Il effectue ensuite le transfert méridien de ces particules en les transportant sur plusieurs centaines et parfois même sur des milliers de kilomètres. Dans ce contexte, la dynamique éolienne, à travers la force du vent, revêt une part primordiale et son action est différentielle sur le substrat lithologique et pédologique.
Le sol pour sa part, constitue un substratum régi par différentes forces qui règlent la cohésion interparticulaire et s’opposent aux agressions externes. L’enclenchement du système éolien est étroitement lié à sa capacité d’ablation, à la disponibilité d’un matériel mobilisable et à sa possible prise en charge jusqu’aux aires de dépôts.
Il existe trois modes différents d’entraînement des particules: la saltation, la reptation en surface et la suspension (figure 2).
Figure 2 : Mode d’entraînement des particules
a. La saltation
Le mouvement initial des particules du sol est une série de sauts. Le diamètre des particules en saltation est compris entre 0,5 et 1,1 mm. Après avoir sauté, les particules retombent sous l’action de la pesanteur. La partie descendante de la trajectoire est très inclinée vers le sol et pratiquement rectiligne. Peu de particules atteignent une altitude supérieure à 1 m et environ 90 % d’entre elles font des sauts inférieurs à 30 cm. L’amplitude horizontale d’un saut est généralement comprise entre 0,5 et 1 m.
Le phénomène de saltation est indispensable pour amorcer l’érosion éolienne. Il est la cause de deux autres modes de transport des éléments du sol par le vent: la reptation en surface et la suspension dans l’air.
b. La reptation
Les particules de plus grande dimension roulent ou glissent à la surface du sol. Trop lourdes pour être soulevées, leur mouvement est déclenché par l’impact des particules en saltation plutôt que par l’action du vent. Les particules qui se meuvent ainsi ont des diamètres compris entre 0,5 et 2 mm suivant leur densité et la vitesse du vent.
c. La suspension
D’une façon générale les fines poussières ne peuvent être emportées que si elles ont été projetées dans l’air par l’impact des grains plus gros. Une fois parvenues dans la couche turbulente elles peuvent être soulevées à de grandes hauteurs par les courants d’air ascendants et former des nuages de poussière atteignant fréquemment des altitudes de 3 à 4.000 mètres. Même si leur aspect peut être impressionnant, le mécanisme essentiel de l’érosion éolienne demeure la saltation car sans elle de tels nuages ne pourraient se produire.
1.3.2.1. Les mouvements de masse
Les particules en mouvement sont le siège d’interactions dont il faut citer principalement :
a. L’effet d’avalanche
Ce phénomène est la conséquence de la saltation. Les particules qui ont sauté provoquent, en retombant, le départ d’une quantité plus importante de particules. Aussi, lorsque le vent progresse sur un sol dénudé, sa charge en particules augmente sans cesse jusqu’à atteindre un maximum tel que la quantité perdue est égale à la quantité gagnée à chaque instant.
La charge maximale du vent en particules est sensiblement la même pour tous les types de sols et elle est égale à celle que l’on rencontre sur les dunes de sable. La distance nécessaire pour que cette saturation soit atteinte varie en raison inverse de la sensibilité d’un sol à l’érosion. Ainsi sur un sol très fragile elle peut se produire en une cinquantaine de mètres, et demander plus de 1000 mètres sur un sol de bonne cohésion.
b. Le triage
Le vent déplace les particules très fines et très légères beaucoup plus rapidement que les grosses. Plus les particules sont fines, plus leur vitesse est grande et plus la distance qu’elles parcourent et les hauteurs qu’elles atteignent sont importantes. Le vent sépare ainsi les différents éléments du sol en catégories suivant leurs dimensions: mottes non érodables, gravier, sable, argile et loess. Il emporte ainsi les éléments fins et ne laisse sur place que les éléments grossiers. Une autre conséquence de ce triage est la stérilisation progressive du sol car la matière organique elle-même formée d’éléments fins et peu denses, est l’un des premiers éléments à être emporté.
c. La corrasion
La corrasion est l’attaque mécanique de la surface sur laquelle souffle un vent chargé de particules. C’est dans les régions arides, une cause aggravante de l’érosion des sols. Dans un matériau cohérent et homogène la corrasion se traduit par des stries parallèles ou par un remarquable poli. Le polissage affecte les affleurements comme les cailloux des regs, plus ou moins alvéolés ou façonnés en facettes. Les vents de sable associés aux effets des amplitudes thermiques donnent aux buttes résiduelles découpées dans des couvertures gréseuses, des formes de champignons. Dans les roches meubles et en particulier dans les terres agricoles (argile et limons), les vents creusent des sillons parallèles mettant à nu les racines des jeunes plantes. Le résultat est l’injection de ces particules dans l’atmosphère et leur migration ou leur transfert méridien qui donnent à l’ensemble des régions sahélienne, une identité climatologique qui leur est propre.
1.3.3. CONTEXTE PHYSIQUE DE L’EXTREME-NORD
Les gouttelettes d’eau de pluie qui tombent de l’atmosphère en un lieu donné peuvent être stoppées par végétation ou bien atteindre la surface du sol et amorcer le ruissèlement. Une partie de cette eau de surface s’infiltre et une autre partie des précipitations retourne à l’atmosphère, soit par évapotranspiration de la végétation, soit par évaporation des cours d’eau et autres étendues d’eau dans lesquelles se déversent les ruissèlements de surface, les eaux d’infiltration et les flux de. La dynamique relative du cycle climatique dans l’Extrême-Nord est déterminée en grande partie par les schémas spatiaux et temporels de précipitation, les régimes de température et d’humidité atmosphérique, les vents, les caractéristiques pédologiques et topographiques et les caractéristiques végétatives de la zone.
1.3.3.1. Une platitude générale favorable aux flux aériens
L’Extrême-Nord Cameroun forme un ensemble morphologique hétérogène qui s’échelonne d’ouest en est, de la chaîne montagneuse des Mandara à la plaine du Logone en passant par la plaine du Diamaré. Il s’incline du sud au nord en une pente douce. L’altitude varie entre 800 et 1000 m. Les plus hauts sommets sont les pointes de Kapsiki et Rumsiki culminant à 1.224 m. Une grande partie de la plaine camerounaise (8 000 km²), à l’est des inselbergs qui rompent ça et là cette monotonie, est périodiquement inondée par des eaux issues essentiellement des débordements du fleuve Logone. Elle reçoit également des eaux issues des cours d’eau torrentiels des Monts Mandara. Les eaux d’inondation sont conduites vers le Logone et le Chari.
1.3.3.2. Une formation végétale incapable de freiner le vent
Dans l’Extrême-Nord, le couvert végétal est rare. Celle-ci évolue du Sud vers le Nord dans un sens d’aridité croissante. On peut néanmoins distinguer trois formes de plantes. Après les premières pluies, apparait un tapis de graminées éphémères qui accomplissent leur cycle de vie au cours d’une brève saison de quelques semaines. Leur croissance est limitée à la courte période humide de l’année. Ces plantes éphémères survivent pendant la saison sèche, qui peut durer plusieurs mois. Elles peuvent parfois former des peuplements denses et fournir du fourrage.
Toutefois, l’ensemble de la région abrite par endroit une flore et une faune très riches. C’est un ensemble écologique particulier qui se compose en effet de formations végétales d’une rare variété, mais clairsemé. Il s’agit d’une formation végétale mixte qui va, du sud au nord, de la savane arbustive à la prairie herbeuse en passant par la steppe à épineux. Parmi les espèces végétales les plus caractéristiques, on peut citer entre autres le Calotropis procera, le palmier rônier (Borassus aethiopium), et le palmier doum (Hyphaene thebaica). Les bourrelets, les terres exondées et les cordons dunaires sont le domaine de la savane à Acacia, Balanites aegyptiaca, Ziziphus mauritania et Tamarindus indica. Dans la partie centrale, le Yaéré qui est une prairie herbacée inondable occupe les zones les plus basses, tandis que partout ailleurs abonde la savane boisée ou herbacée à Acacia albida.
La végétation de l’Extrême-Nord Cameroun apparaît en fin de compte comme un continuum dans lequel on peut identifier, d’une part, un mélange de graminées, d’herbes et de buissons et arbres de petite taille, ne dépassant pas 2 mètres de haut, entrecoupé de zones dénudées ; d’autre part, une savane boisée composée d’une association de graminées et d’arbres ou d’arbustes (ou les deux) dans lequel la proportion de graminées par rapport aux arbustes ou aux arbres est déterminée par la fréquence et l’intensité des feux.
Figure 3 : Carte orohydrographique de l’Extrême-Nord
1.3.3.3. Un aréisme qui accentue le caractère sec du milieu
Le Chari et le Logone sont les seuls cours d’eau permanents de la région. Le reste du réseau hydrographique est constitué de cours d’eau saisonniers et temporaires appelés mayo. Ils sont issus des monts Mandara, dont les deux principaux sont le Mayo Tsanaga et le Mayo Boula. Ces mayo sont caractérisés par des crues violentes qui durent juste le temps d’un orage, avec un débit qui décroît rapidement de l’amont vers l’aval en raison des infiltrations dans des alluvions.
1.3.3.4. L’Extrême-Nord dans le schéma météorologique africain
D’une manière générale, l’occurrence de la brume sèche est tributaire de la circulation atmosphérique tropicale. Celle-ci est dirigée par la cellule de Hadley, selon le schéma conceptuel de la circulation méridienne de Rossby. Les cellules Hadley nord et sud sont séparées par le Front Intertropical (FIT) associé à la zone de convergence intertropicale (ZIT) qui sépare deux masses d’air d’origine et de caractères différents. Il s’agit de l’air continental chaud et très sec où les vents sont de direction nord-est (Harmattan) et de l’air océanique moins chaud et humide en provenance du golfe de Guinée (Alizé).
Sous l’influence de la force de Coriolis (Modi, Druilhet, Fontan et Domergue 1997: 170), les branches basse et haute de la cellule subissent une déviation, respectivement vers l’ouest et vers l’est, assurant un transport zonal important dans les sens des parallèles. En Afrique de l’Ouest, c’est la position des anticyclones de Sainte-Hélène, des Açores et de Libye qui détermine les déplacements en latitude, au cours de l’année, du FIT et des phénomènes qui lui sont tributaires. Ces déplacements commandent le rythme des saisons.
Ainsi durant l’année, l’Extrême-Nord est balayé par le FIT (figure 13). Sa position au sud du FIT est remarqué lors de la saison des pluies (mai- septembre). Par contre sa situation au nord de celui-ci correspond à la saison sèche dominée par ce vent chaud et sec qu’est l’Harmattan, générateur de brume sèche.
Figure 4 : Masses d’air et saisons
1.3.3.5. Une rudesse climatique agressive pour les organismes
Les précipitations varient d’une année à l’autre dans les différentes stations de l’Extrême-Nord; cela est visible lorsqu’on considère les statistiques des précipitations dans le temps pour ces stations. L’écart entre les plus faibles et les plus fortes précipitations enregistrées au cours de différentes années peut être important, bien qu’il se situe généralement dans une fourchette de plus ou moins 50 pour cent de la précipitation annuelle moyenne. La variation de précipitations mensuelles est encore plus grande. Les tableaux qui figurent en annexe de ce travail (Annexe 2), présentent les données climatiques des stations météorologiques de l’Extrême- Nord. De ces données, nous avons tiré la figure 5 qui présente l’évolution interannuelle de la pluviométrie dans l’Extrême-Nord de 1986 à 2006. Sur l’ensemble des observations, on constate que le total des précipitations se situe entre 650 mm et 1281 mm, la station de Mokolo enregistrant les plus hautes moyennes. Par ailleurs, les années 1992 et 1996 sont celles qui présentent les plus basses moyennes pluviométriques.
Figure 5 : Évolution interannuelle de la pluviométrie dans l’Extrême Nord: 1987-2006
Figure 6 : Climat et végétation de l’Extrême-Nord
Dans la plupart des cas, la précipitation attendue en un lieu donné n’est pas la même que la précipitation annuelle moyenne enregistrée sur un certain nombre d’années.
Le climat y est globalement chaud. Les moyennes calculées sur une période de 20 années consécutives, indiquent 29,14°C à Kaélé, 28,21°C à Maroua, 26,40°C à Mokolo, 27,72°C à Yagoua, et 28,08°C à Kousséri. Les maximal sont observés pendant le mois d’avril. On relève ainsi 41,2°C à Mokolo, 42,4°C à Kaélé, 43°C à Yagoua. Les températures minimales quant à elles sont observables en janvier, avec 11,2°C à Mokolo, 12,4 à Yagoua et 14,5°C à Kaélé. Le schéma climatique de l’Extrême-Nord se caractérise souvent par une saison sèche relativement fraîche, suivie d’une saison sèche relativement chaude et finalement d’une saison des pluies. En général, on observe à l’intérieur de ces saisons des fluctuations importantes des températures diurnes. Très souvent, pendant la saison sèche fraîche, les températures diurnes atteignent entre 35 et 45 degrés centigrades, pendant que les températures nocturnes tombent à 10 à 15 degrés centigrades.
Les températures diurnes peuvent approcher de 45 degrés centigrades au cours de la saison sèche chaude et tomber à 15 degrés centigrades au cours de la nuit. Pendant la saison des pluies, les températures peuvent aller de 35 degrés centigrades le jour à 20 degrés centigrades la nuit. Dans bien des cas, ces fluctuations des températures au cours d’une même journée influence directement les végétaux et les organismes supérieurs et l’homme.
Les diagrammes ombrothermiques des stations de Maroua, Yagoua, Kousséri, Mokolo et Kaélé (figure6) permet de contacter que les pluies sont concentrées entre le mois d’Avril et octobre mais la saison pluvieuse elle-même s’installe à partir du mois de Juin et dure de 3 à 5 mois. On constate également que les température moyennes de 1987 à 2006 restent élevées et oscillent entre 25°et 30°. Les températures mensuelles sont élevées les maximal atteignent facilement 44°C aux mois de mars et avril, par exemple pour le cas de Yagoua respectivement en 1996 et en 2000. Les minimal quant à eux descendent jusqu’à 13°C voire 12°C entre décembre et Janvier. C’est dire que les écarts thermiques sont de plus de plus importants il n’est donc pas rare de voir des amplitudes thermiques de l’ordre de 10°C. Enfin, l’amplitude thermique annuelle y est forte, avec 7,37°C à Kaélé, 7,35°C à Maroua 7,18°C à Mokolo, 6.1°C à Yagoua et 9°C à Kousséri.
1.3.3.6. Une présence abondante et cyclique de la brume sèche
Le tableau ci-dessous représente sa variation, ainsi que les moyennes obtenues en rapportant ces totaux au nombre des stations.
Tableau 3 : Nombre moyen de jours de brume sèche
Figure 7 : Variations saisonnières de la brume sèche dans l’Extrême-Nord
On constate (figure7) que le nombre de jours de brume sèche, dont l’intensité augmente avec la saison disparait totalement en saison des pluies. Le nombre de jour de brume sèche varie selon les stations, ce qui peut se traduire par une différenciation spatiale. En effet, l’une des caractéristiques de notre site d’étude est la présence de la brume sèche pendant la saison sèche. Ainsi, la station de Maroua totalise 91 jours de brume sèche, celle de Kaélé 83, celle de Mokolo 58, celle de Kousséri 99 et celle Yagoua 45.
Ces lithométéores introduits dans la troposphère subissent un transfert méridien sélectif (Suchet:1986) vers d’autres latitudes à la faveur de la circulation atmosphérique. Car les particules les plus grossières (100 micromètres) vont se déposer rapidement alors que les plus fines (80 -100 micromètres) essentiellement composées d’argile, d’illite, de chlorite et interstratifiés gonflants restent en suspension. Pour ce qui est du Sahel camerounais, l’essentiel de la brume sèche qui y parvient et transite provient du Sahara, à la faveur de l’Harmattan, lors de sa poussée vers le sud, poussée quelque fois vigoureuse, de sorte à réduire la visibilité pendant plusieurs mois. Cette opacification de l’atmosphère vaut d’ailleurs à ce phénomène d’être pris en compte par la météorologie, car il est capable d’interrompre le trafic aérien pendant plusieurs jours.
Partout, la brume sèche n’apparait que lorsque les précipitations diminuent et s’annulent, d’octobre à mai avec un maximum global entre décembre et janvier.
Ainsi, la corrélation géographique entre les précipitations et la brume sèche permet de constater que la brume sèche est surtout observable pendant la saison sèche lorsque les précipitations sont nulles. On constate que partout, lors de l’apparition progressive de la brume sèche, les écarts thermiques deviennent plus importants. Précisément, pendant la période dite de saison sèche qui va de novembre à mars. Il existe en outre, une corrélation entre les écarts thermiques et les données de la brume sèche. Le maximum du nombre de jours de brume sèche se situe entre Janvier et février pendant cette période, les écarts thermiques sont les plus élevés.
Figure 8 : Situation météorologique au sol dans l’Extrême-Nord
1.3.3.7. La brume sèche, un type de temps caractéristique de l’Extrême-Nord
La vitesse et la direction des vents changent selon les saisons. Ainsi en Janvier, la direction dominante des vents est le nord (39%) puis le nord-est (31%). Cette période coïncide avec la présence de l’harmattan qui est un vent sec originaire de l’anticyclone saharien. Au sol on note la récurrence des tourbillons. La cause principale des tourbillons est l’intense rayonnement solaire reçu par le sol dénudé de l’Extrême-Nord, qui surchauffe la masse d’air située juste au-dessus du sol. Cette masse d’air s’élève alors sous forme d’une colonne cylindrique, aspirant les débris de surface, tels que la poussière, le sable et les feuilles. La hauteur des tourbillons varie de 30 à 100 m, mais il en est qui atteignent ou dépassent 1 500 m d’altitude. Les vortex des tourbillons vont de quelques mètres à plusieurs centaines de mètres. Ces phénomènes peuvent disparaître en quelques secondes ou durer des heures, selon leur force et leur taille.
Les tourbillons brefs se déplacent peu, mais ceux qui durent plus longtemps se déplacent doucement en suivant les vents dominants. Par conséquent, l’érosion du sol par le vent se produira chaque fois que les conditions pédologiques, végétatives et climatiques y sont favorables. Ces conditions (sol peu compact, sec ou fin, surface du sol lisse, couvert végétal rare et vent suffisamment fort pour induire des déplacements de terre) se rencontrent fréquemment dans les zones arides.
L’intensité de la brume sèche dépend de la compétence de ce vent, c’est-à-dire sa capacité à soulever et à transporter des débris. Ces particules forment l’ensemble des aérosols, incluant les particules fines d’argiles, de limons, de sables, de cendres et autres poussières. Les sables grossiers (0,5 mm à 1 mm) sont déplacés par roulage. Les sables moyens (0,1 mm à 0,5 mm) effectuent des bonds successifs jusqu’à 2 m de hauteur (saltation). Les particules inférieures à 0,08 mm sont emportées en suspension. Le vent en agissant là où la végétation est discontinue et les climats secs, opère un tri appelé vannage, soulevant les particules fines et laissant sur place les débris grossiers.
Par contre au mois d’août, deux directions prédominantes sont observées, les vents sont alors de direction ouest avec 18,5%, suivis du sud-ouest avec 18%. Nous sommes au coeur de la saison des pluies ou de mousson. La carte de la situation météorologique de l’Extrême-Nord inspirée de Suchel (figure 8), montre qu’au moment où apparaît la brume sèche. On note une évolution vers le sud de l’anticyclone saharien et le rapprochement du FIT de l’Équateur.
1.3.3.8. Une forte insolation annuelle
La durée de l’insolation est déterminée grâce à l’héliographe Campbell. La durée moyenne mensuelle déterminée pour Kousséri donne 3150 heures contre 2900 heures pour Maroua. C’est donc une zone fortement ensoleillée. Cette forte insolation est à l’origine d’un phénomène atmosphérique circulaire de moindre envergure, le tourbillon de poussière, qui apparaît le plus souvent en pleine saison sèche dans les plaines semi-arides du Logone et du Diamaré, pendant les journées chaudes et calmes. Mais la durée d’ensoleillement atteint son paroxysme en saison sèche et chaude, alors que pendant les périodes de brume sèche, le rayonnement est diffus. De même pendant la saison des pluies, c’est la nébulosité qui joue en atténuant l’insolation.
1.3.3.9. Une abondante évapotranspiration
Bien que les précipitations et la température soient les facteurs essentiels de l’aridité, d’autres facteurs interviennent également. L’humidité de l’air a une importance pour l’équilibre hydrique du sol et des êtres vivants. L’humidité est généralement faible dans les zones arides. Et pendant la période dominée par la présence de la brume sèche, l’évapotranspiration est importante. En raison de la rareté de la végétation capable de réduire les déplacements d’air, les régions arides sont en général venteuses. Les vents évacuent l’air humide qui se trouve autour des plantes et du sol et accroissent par conséquent l’évapotranspiration. Ainsi, on note 235 mm d’eau évaporée en février à Maroua contre 85 mm au mois de juillet. Mais d’une manière générale, c’est une zone sujette à une abondante évapotranspiration. Par exemple le total annuel d’évapotranspiration donne 2150 mm à Kousséri et 2000 mm à Maroua.
1.3.4. CONTEXTE HUMAIN ET SANITAIRE DE L’EXTREME-NORD
1.3.4.1. Une population diversifiée et en pleine expansion
La population de l’Extrême-Nord est formée de plusieurs groupes ethniques dont les plus nombreux se retrouvent dans les Départements (Atlas de la Province Extrême-Nord Cameroun). Dans le département du Mayo Danay, on note la présence des Massa, les Mousgoum et des Toupouri; les Arabes Choa et Kotoko quant à eux se partagent les terres du Logone et Chari. Dans le Diamaré et le Mayo Kani, on a les Moundang et les Guiziga. Les Mafa et les Peulhs. Les Mandara, les Mada et les Kanouri se retrouvent dans le Mayo Sava et le Mayo Tsanaga. Maroua la capitale provinciale nous permet par exemple de mieux voir la configuration de la population globale comme le montre le tableau suivant :
Tableau 4 : Groupes ethniques dans Maroua urbain
Source : Christian Seignobos (1985) cité par Tourneux et Iyébi-Mandjek (1994)
Dans cette région à ethnographie fortement diversifiée, les mouvements non naturels sont importants, essentiellement les flux migratoires. Aux populations étrangères (Sara originaires du Tchad par exemple) s’ajoutent celles venues des autres provinces que compte le pays. Mais un des faits marquants reste la rapide croissance des populations autochtones.
Le tableau ci-après présente l’effectif de population de la Province, de 1987 à 2000.
Tableau 5 : Effectif de population de la Régionale
Source : MINPAT/Délégation Provinciale de l’Extrême-Nord (2002)
De 1987 à 1992, cette population s’est accrue de 285222 habitants, soit à un taux d’accroissement de 28 000 , mais de 35 000 respectivement de 1996 à 1996 et de 1996 à 2000. Les statistiques de la Délégation Régionale de la Santé Publique de l’Extrême-Nord indiquent 3 620 363 habitants. C’est donc une population à fort taux d’accroissement, évoluant dans un milieu à risque, notamment épidémique, risque contre lequel le niveau d’éducation et même le contexte social dans son ensemble ne permettent pas une lutte toujours efficace.
1.3.4.2. Une région à risque épidémiologique élevé
La situation épidémiologique actuelle de l’Extrême-Nord Cameroun se caractérise par une forte prédominance des maladies infectieuses et parasitaires dont les pathologies principales sont le paludisme qui sévit avec des variations saisonnières et les pathologies endémo-épidémiques qui regroupent la rougeole, la méningite cérébro-spinale, la fière jaune et le choléra. Ces maladies constituent également des maladies climato-sensibles dont nous disposons d’une longue série de donnée épidémiologiques détaillées pour des conclusions statistiques fiables.
1.3.4.3. La part marginale de la méningite dans les programmes de santé
De la période coloniale marquée par la médecine moderne par le docteur Jamot, le Cameroun après l’indépendance a connu une phase d’expérimentation d’idées novatrices qui ont abouti à la création des zones de démonstration des actions de santé publique (DASP) dans lesquelles devaient s’appliquer les politiques de santé élaborées par le Ministère. Il y avait ainsi 4 zones en fonction des principales régions écologiques et de la diversité géographique du pays. Parmi celles-ci figure la région de savane pure au climat sec.
L’évaluation des DASP en 1975, a dévoilé plus de points négatifs que positifs. C’est pourquoi en 1982, sous l’impulsion des résolutions de Alma Ata en Russie, le Cameroun s’est fixé comme nouvel objectif général d’amener d’ici à l’an 2000, toutes les populations à un niveau de santé leur permettant de mener une vie socialement et économiquement productive, c’est-à-dire limiter ou réduire l’indisponibilité des personnes en âge de travailler. La stratégie adoptée ici se résume à la création des villages de santé.
Les activités des villages de santé ont présenté par la suite, de nombreuses insuffisances liées à la qualité de soin, aux problèmes internes des communautés, à l’interface communauté / service de santé et aux problèmes inhérents aux prestataires. Il fallait donc réorienter les soins de santé primaires, d’où une implication plus prononcée de l’État, conforme aux nouvelles résolutions de l’OMS (Août 1987). C’est ainsi que des reformes sont élaborés en rendu publique en 1989, mais officiellement adopté en 1992 à travers la déclaration de politique sectoriel de santé et la déclaration de mise en oeuvre de la réorientation de soin de santé primaire en 1993.
Toutes ces démarches ont abouti à l’organisation actuelle du secteur de santé au Cameroun, qui se structure en 3 sous secteurs : le sous secteur public, le sous secteur privé et le sous secteur traditionnel. C’est au niveau central que sont élaborés les programmes et les projets spécialisés. Pour l’heure, on en dénombre 9. Cependant, on remarque après examen des objectifs de ceux-ci que la lutte contre la méningite cérébro-spinale ne bénéficie pas d’un programme spécifique, mais est diluée dans le programme élargi de vaccination et le programme de lutte intégré conte la maladie de l’enfant. C’est dire à priori la difficulté qui est celle de venir à bout de cette maladie, car les attaques de méningite sont le plus souvent inopinées et régulières, et obligent les populations tout comme le personnel médical, à réagir tant bien que mal.
1.3.4.4. Des stratégies officielles de lutte circonstancielles
Il s’agit en fait du rôle de l’Etat et de l’implication des ONG et Missions oeuvrant dans le domaine de la santé à l’Extrême Nord.
a. L’OMS et les recommandations en cas d’alerte
Dans les pays à risques épidémique, il est recommandé de recourir à la vaccination de circonstance. Celle-ci est déclenchée sous la menace épidémique détectée en utilisant deux seuils épidémiologiques (OMS, 2000) :
– le seuil d’alerte: il permet de donner l’alarme et de lancer une enquête en début d’épidémie; de vérifier l’état de préparation pour faire face à une épidémie; de déclencher une campagne de vaccination en cas d’épidémie dans une zone proche et de déterminer les zones prioritaires au cours d’une campagne de vaccination lors d’une épidémie ;
– le seuil épidémique : il permet de confirmer l’émergence d’une épidémie afin de renforcer les mesures de contrôle par la vaccination de masse et une prise en charge thérapeutique adaptée.
La vaccination de circonstance est déclenchée sous la menace épidémique. Ce n’est dont pas une arme prophylactique, mais un recours en cas d’épidémie avérée. Lorsque le seuil épidémique est atteint, la vaccination de masse doit être mise en oeuvre. Celle-ci concerne une population cible de 6 mois à 30 ans et doit débuter à l’épicentre de l’épidémie débutante, puis le long des principales voies de déplacement.
Si la vaccination débute en un minimum de temps, les résultats sont rapidement favorables avec en prime une chute brutale du taux d’incidence dès le cinquième jour. Il est conseillé aux personnes se rendant dans les zones risque, c’est-à-dire là où sévit l’épidémie, de se faire vacciner au préalable.
b. Les conduites dictées par l’Administration en cas de menace
Les actions entreprises par le ministère de la santé, s’inscrivent en général en droite ligne des grandes orientations de l’OMS, en matière de santé publique. Sur le terrain ces orientations sont complétées par une série de mesures pratiques. C’est ainsi qu’il est recommandé à la population menacée de :
– se lubrifier les narines par temps poussiéreux, en vue d’éviter l’irritation des muqueuses nasales. Cette recommandation vise à limiter l’infection par voie rynopharyngée ;
– conduire immédiatement toute personne et surtout tout enfant présentant les signes prémonitoires de la méningite, à savoir : une forte fièvre, une raideur de la nuque, des violents maux de tête, des vomissements. Et particulièrement chez l’enfant, on note un bombement de la fontanelle, l’irritation et le plafonnement du regard, auxquels s’ajoute la perte d’appétit avec souvent diarrhée ;
– veiller à faire vacciner les enfants et, dans une certaine mesure, les adultes, contre la méningite ;
– et enfin, éviter la promiscuité. Toutes ces séries de mesures qui visent essentiellement la population menacée, peuvent être complétées.
Aujourd’hui, les mesures draconiennes d’isolement de la population imposées par l’administration coloniale -l’interdiction totale pour les «indigènes» de se déplacer ou s’attrouper lors de l’épidémie – sont annulées par l’Etat moderne. Par contre, certaines pratiques subsistent. C’est le cas des campagnes massives de vaccination organisées par le MINSANTE à travers la Délégation Provinciale de la Santé Publique, comme celles des années 1992 et 1993. Par ailleurs, il dispose d’un réseau de surveillance des maladies dites à potentiel épidémique, chargé de l’alerte en cas de prise d’ampleur de la méningite.
c. Les ONG et les Missions
La tâche du gouvernement, après son désengagement de la gestion des pro pharmacies, est facilitée par l’entrée en jeu des diverses Organisations non gouvernementales oeuvrant dans des secteurs distincts (figure 1, p. 4). Les principales sont : la Croix Rouge, Care International, Save The Childe et Médecins Sans Frontière. Mais surtout, ce sont la Coopération Belge dans le Diamaré, le FED dans le Logone et Chari, la Banque Mondiale dans les Monts Mandara qui sont fortement impliqués dans le domaine de la santé. A cela il faut ajouter le rôle important que jouent certains dispensaires et centre de santé privés parrainés par les Missions, à l’instar du Centre de Santé de Djarengol-Kodek à Maroua, le dispensaire de Pété, de l’hôpital Adventiste de Koza, pour ne citer que ceux-là.
d. Les médias et la méningite
Lorsqu’un phénomène quelconque devient cause de perturbation collective, les médias dont l’un des rôles primordiaux est de sensibiliser l’opinion divulguent l’information nécessaire. Lors d’attaques vigoureuses, les quotidiens nationaux, le poste national et la CRTV télé informent sur l’Etat des lieux de l’épidémie. Cependant les preuves matérielles justifiant cette affirmation sont difficiles à obtenir contrairement au quotidien Cameroon Tribune dont les archives sont disponibles.
En parcourant les archives de 1990 à 1999, Cameroon Tribune parle de la méningite, on peut le noter, mais pas chaque année. Il ne fait allusion à elle qu’en 1992, au mois de février et mars. Les moments forts de la maladie sont alors relatés. Ce comportement, celui de ne rechercher que l’extraordinaire, confirme une fois de plus ces mots de Mc Luhan cité par Kemche (1993 : 19) selon lesquels « la presse semble plus à l’aise quand elle dévoile les vilains côtés de la vie » et que les bonnes nouvelles seraient les mauvaises !
1.3.4.5. Des armes traditionnelles peu certaines
Nous avons remarqué que, en ce qui concerne les méthodes et stratégies traditionnelles de lutte contre la méningite, les réponses sont diverses. Le tableau ci-après présente les différents remèdes et moyens de lutte contre cette maladie.
Tableau 6 : Les moyens de lutte contre la méningite selon les populations
Près de la moitié de nos enquêtés affirme que l’hôpital (43%) est le meilleur moyen de lutte contre la méningite. Les femmes sont de cet avis (50%) que les hommes (39%). La proportion de ceux qui sont encore attachés aux méthodes traditionnelles (guérisseurs) est également importante avec 38% chez les hommes et 37% chez les femmes. Si très faible est l’effectif de ceux qui pensent qu’il n’y a pas de traitement contre la méningite (7 personnes, soit 1% de l’effectif) 18% par contre évoquent l’Arky comme moyen de lutte, du moins dès les signes prémonitoires de la maladie : 90 personnes dont 73 hommes (22% de leur effectif) et 17 femmes (10% de l’effectif féminin). A côté des moyens de lutte ci-dessus détaillés, il existe d’autres armes traditionnelles de lutte contre la méningite. Il s’agit des croyances religieuses, des migrations de masse et des méthodes pratiques.
1.3.4.6. Autres méthodes traditionnelles de lutte contre la méningite
a. Les croyances religieuses
On n’assiste plus aux sacrifices humains, les populations ayant acquis certaines connaissances et oublié les précédentes. Le recours aux guérisseurs par contre existe toujours. Ceux-ci pour entretenir leur compétence et efficacité s’il y a, n’hésitent pas à garder pour eux les méthodes de travail et les produits utilisés. Lorsque le malade pris en charge par l’un d’eux vient à mourir, c’est la puissance du maléfice ou le retard du traitement amorcé par la famille qui est indexé.
b. Les mouvements de population
Les migrations de masse, lors de la persistance de l’épidémie, vers des zones plus salubres et moins touchées, soulignées par Beauvilain (1989) n’ont pas été remarquées depuis 1990 au moins. Les causes actuelles des déplacements des personnes actives sont à rechercher dans les grandes métropoles et non à une psychose à l’origine de laquelle se trouverait la méningite. C’est d’ailleurs ce qui explique la présence, dans les grandes villes telles que Douala et Yaoundé, d’un grand nombre de jeunes venus des Mandara.
c. Quelques méthodes pratiques de lutte
Le port de masque qui en fait est un morceau d’étoffe dont se servaient les populations pour couvrir la partie inférieure du visage, pratique décrite par Lembezat (1950) pendant l’époque coloniale, est presque inexistant aujourd’hui, du moins, au sein des Kirdis. Serait-ce le turban des peuhls actuels? La tentation est pourtant forte de dire que c’est une façon de s’habiller juste. Par contre la lubrification des marines est courante, ainsi que celle des lèvres.
Un autre moyen de lutte bien connu des populations selon les informations recueillies serait l’Arky, pratique qui subsiste encore aujourd’hui. Cette liqueur traditionnelle est utilisée à titre préventif et quelques fois dès les signes prémonitoires de la méningite dont la raideur du cou. S’agit-il ici d’une simple justification par les consommateurs de ce produit fréquemment interdit par les autorités administratives ? La réponse pourrait être affirmative car cette liqueur peut être considérée à juste titre comme un bien économique et constitue par endroit, la source majeure de revenu des femmes qui la distillent, partant de leur famille.
Enfin, les populations se rendent de plus en plus dans les différents centre hospitaliers, ce que confirment quelques anciens infirmiers de métier que nous avons rencontré, mais certains le font beaucoup plus lors des campagnes de vaccination, poussés par la crainte de l’épidémie surtout lorsqu’elle s’est avérée meurtrière la période précédente.
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