2.3.1. LA MENINGITE CEREBRO-SPINALE : UNE PATHOLOGIE TROPICALE A MANIFESTATION ENDEMO-EPIDEMIQUE
La Méningite suppurée ou purulente à Méningocoque ou encore cérébro-spinale, est une maladie infectieuse, de déclaration obligatoire, due à la localisation du Méningocoque au niveau des méninges. Elle reste la plus fréquente des méningites aigües suppurées et la plus sensible à la thérapeutique. C’est une urgence médicale, diagnostique et thérapeutique.
2.3.1.1. Étiologie
a. Le germe
Figure 10 : Le méningocoque vu au microscope (d’après médicine tropicale publié en ligne le vendredi 15 février 2008)
Le Méningocoque en est l’en est l’agent causal. C’est un diplocoque en grain de café, non encapsulé, gram négatif, extra et surtout intracellulaire. Ce germe est fragile ; sa culture doit être immédiate faite sur milieu riche (gélose ascite, gélose sang). Plusieurs sérogroupes ont été décrit : A et B les plus fréquents, C Y W … Beaucoup plus rares.
b. Le terrain
La maladie peut s’observer à tout âge, mais elle touche essentiellement l’enfant, l’adolescent et l’adulte jeune.
2.3.1.2. Épidémiologie
La méningite apparaît comme la complication d’une rhino-pharyngite à méningocoques. C’est la rhino-pharyngite qui est contagieuse. La contamination est directe, par voie aérienne. Le germe est disséminé par les gouttelettes de pflügge et pénètre par voie respiratoire chez des sujets en contact étroit avec les porteurs de germes. La méningite évolue par cas sporadiques et par petites épidémies à prédominance hiverno-printanière, frappant les collectivités.
2.3.1.3. Anatomie pathologique et physiopathologie
C’est une infection des enveloppes du système nerveux central. Au microscope, il s’agit d’une arachnoïde suppurée, le parenchyme nerveux sous-jacent est en règle indemne. A partir du rhino-pharynx le germe gagne les méninges par voie hématogène sous forme d’une simple bactériémie ou d’une septicémie ou Lymphatique et péri- nerveuse trans-ethmoïdal.
2.3.1.4. Étude clinique
L’incubation dure 2 à 4 jours, parfois 5 à 8 jours en général asymptomatique, ou marquée par rhino-pharyngite. La phase d’invasion quant à elle débute brutalement par une sensation de malaise générale intense, des céphalées violentes avec vomissements, des rachialgies, des frissons répétés, de la fièvre à 39° – 40°C.
L’examen physique met en évidence une discrète gêne à la flexion de la nuque (plus rarement une raideur franche), parfois des éléments pétéchiaux rares mais très évocateurs. La ponction lombaire systématique ramène un liquide louche ou déjà franchement purulent imposant un traitement d’urgence. Cette phase dure 2 à 3 jours puis survient la phase d’état qui associe un syndrome méningé et un syndrome infectieux :
a. Le syndrome méningé
Les signes fonctionnels ou trépied fonctionnel, sont :
– La céphalée : intense, rebelle aux antalgiques habituels, en casque, irradiant vers le cou et le dos, exagérée par le bruit et la lumière.
– Vomissement : de type cérébral en jet.
– Constipation : souvent absente, parfois remplacée par de la diarrhée.
Les signes physiques associent :
– La contracture intense, permanente et douloureuse. Elle est parfois évidente dés l’inspection devant l’attitude en «chien de fusils » du malade avec tête rejetée en arrière et rachis cambré, dos tourné à la lumière. Elle est facilement identifiée par la raideur de la nuque dont la flexion est à la fois limitée et douloureuse ; l’impossibilité d’extension complète des jambes quand on met les membres inférieurs à angle droit sur le bassin ou quand le malade tente de s’asseoir ; la flexion provoquée de la tête entraîne la flexion des membres inférieurs, ou l’hyperflexion d’membre inférieur provoque la flexion de l’autre membre ou son extension si on l’avait au préalable fléchi ;
– L’hyperesthésie cutanée marquée, le malade se plaignant dés qu’on le touche.
– Les troubles vasomoteurs inconstants : alternance de rougeur et de pâleur de la face, bouffées de sueurs. Par contre il n’y a pas de trouble de la conscience, parfois le malade est agité et confus. Les troubles moteurs sont rares et les réflexes ostéo-tendineux sont souvent vifs mais symétriques. Quelque fois convulsions surtout chez le petit enfant.
b. Le syndrome infectieux
On note une fièvre à 39-40°C, irrégulière, avec pouls en rapport, parfois légèrement dissocié et un état général variable. Certains signes inconstants permettent de suspecter la nature méningococcique de la méningite à savoir :
– Splénomégalie discrète ;
– Arthralgies, parfois véritables arthrites ;
– Érythèmes éphémères (rashs) scarlatiniformes ou morbilliformes ;
– Herpès très évocateur, surtout naso-labial ;
– Purpura pétéchial de grande valeur, à rechercher avec soin.
Les examens complémentaires confirment le diagnostique de méningite suppurée et précisent le germe en cause. La ponction lombaire ramène un L.C.R, imposant le traitement d’urgence par son seul aspect avant même les résultats de l’examen. Le liquide est le plus souvent louche, en « eau de riz » hypertendu, parfois purulent et épais. Son analyse révèle une hypercytose importante supérieur à 1000 éléments mm3, faite de polynucléaires, altérés en majorité. L’albuminorachie est élevée : 1 à 2 g / l, quelque fois plus, avec chute de la glycorachie, les chlorures sont normaux, le taux d’acide lactique est élevé. Le Méningocoque peut être retrouvé des l’examen directe. Par ailleurs le germe n’est retrouvé qu’à la culture, qui doit être immédiate (germe fragile) sur milieu enrichi.
D’autres examens peuvent retrouver le Méningocoque, tels que le prélèvement naso-pharyngé, l’hémoculture, le prélèvement de la sérosité d’un purpura vésiculo-gangraineux, la contre immunoélectrophorèse (C.I.E) du L.C.R. recherche les antigènes solubles méningococcique. Sans traitement, l’évolution de la maladie est fatale dans un tableau de coma fébrile. Sous traitement précoce et adapté, par contre, la guérison est en règle complète.
2.3.1.5. Formes compliquées et séquelles
Chez le nourrisson et le jeune enfant lié le plus souvent, à un traitement tardif ou insuffisant dans sa durée, des Troubles circulatoires intracrâniens peuvent apparaître. Ils se traduisent notamment par la persistance ou la réapparition des signes infectieux et méningés et une stase papillaire au fond d’oeil. Le liquide céphalo-rachidien est clair, parfois xanthochromique, hypotendu, pauvre en éléments et riche en albumine. On peut aussi obsever un syndrome d’hypertension intracrânienne. Il est dû à un oedème de la méninge molle, il apparaît précocement, et se traduit par des céphalées, des vomissements, des convulsions, une hypertonie diffuse, une obnubilation, parfois un oedème papillaire, au fond d’oeil et une hyper pression du L.C.R.
Les Atteintes sensorielles sont fréquentes. Elles sont soit auditives (surdité plus ou moins complète, souvent bilatérale, d’installation rapide. La surdité survient avant l’établissement définitif du langage entraîne une mutité), soit visuelles (cécité soit corticale, soit par névrite optique). De même, les atteintes centrales (hémiplégie transitoire ou définitive, abcès du cerveau et paraplégie) et périphériques (paralysies occulo-motrices et des membres) peuvent survenir. Les séquelles concernent surtout les patients d’âge inférieur à 2 ans. Il s’agit de la surdité, de la surdi-mutité, de la cécité, de l’hydrocéphalie, de l’encéphalopathie post-méningitique encore appelée retard du développement psychomoteur, de l’épilepsie, des troubles de l’attention, de la mémoire et du comportement.
2.3.1.6. Traitement et prévention
Le traitement de la M.C.S. est une urgence, il doit être précoce, suffisamment prolongé 10 jours en milieu hospitalier, il reposera sur l’ampicilline ou l’amoxicilline. Les mesures de prophylaxie générale préconisent l’isolement du malade en milieu hospitalier, la déclaration obligatoire de la maladie ; la désinfection des locaux est inutile, le germe très fragile ne survivant pas dans le milieu extérieur. La chimioprophylaxie au moyen de la rifampicine et de la rovamycine concerne les sujets vivant sous le même toit dans les 10 jours précédant l’hospitalisation, les amis intimes, voisins immédiats de classe de réfectoires ou de chambrée et même l’ensemble de la classe si plusieurs cas surviennent dans cette classe. Enfin, la vaccination est préconisée ; il s’agit des vaccins anti-méningococciques (anti- A +C et anti- A +C + W).
2.3.2. LA MENINGITE : UNE MALADIE DONT L’AMPLEUR VARIE DANS L’ESPACE ET LE TEMPS
2.3.2.1. Un endémisme avéré de la méningite dans l’Extrême-Nord
Le tableau ci- après présente l’évolution de la méningite, de 1987-2007.
Tableau 7 : Cas et décès de méningite dans l’Extrême-Nord
On remarque (figure 10) que nombres de cas et décès sont observés chaque année, avec cependant une intensité variable. En nous servant de ce tableau, nous avons obtenu le graphique ci-dessous.
Figure 11 : Variation interannuelle des cas et décès de méningite dans l’Extrême-Nord (1987-2000)
2.3.2.2. Une ampleur variable dans l’espace
Le tableau 8 ci-après présente la situation de l’épidémie entre le 30 Novembre 1996 et le 17 mai 1999. Deux grandes zones sont touchées. Il s’agit de Makari dans le Logone et Chari et les zones de montagne (Meri, Kolofata, Mogode, Bourha, Mokolo).
Tableau 8 : Répartition des cas/décès de méningite cérébro-spinale par départements (1997-1999)
Figure 12 : Evolution interannuelle des cas/décès de méningite cérébro-spinale par départements (1997-1999)
La figure 11 ci-dessus est la traduction graphique du tableau 8. Elle présente le nombre de cas et décès de méningite dans les différents districts de santé de l’Extrême Nord lors de xtrois années d’épidémie (1997, 1998 et 1999). On remarque pour ces années, que l’ampleur de la méningite varie selon les localités. Pour l’année 1998, les districts de santé de Kolofata (11.4% de cas pour 1% de décès), de Mokolo (20.2% de cas pour 21.8% de décès), de Bourha (12.8% de cas pour 0.5% de décès) de Kousséri (13.8% de cas pour 13.5% de décès) et de Kaélé (12% de cas pour 1% de décès) ont été les plus durement touchés par les bouffées de méningite. Par contre en 1999, le district de santé de Yagoua détient le plus grand nombre de cas déclaré de méningite (50.6% du total) et de décès (37% du total). En fait, le Mayo-Danay avec 77% de cas déclarés pour 63% de décès, a souffert plus que les autres départements.
2.3.2.3. Une maladie dont l’intensité varie selon les mois
Les cas de méningite sont en général concentrés dans la période sèche de l’année, entre les mois de novembre et mai (tableau 11).
Tableau 8 : Répartition des cas de méningite cérébro-spinale par mois dans l’Extrême Nord (1998-1999)
Le tableau ci-dessous présente la variation mensuelle de la méningite de 1990-2000.
Tableau 9 : variation mensuelle de la méningite de 1990-2000
De ce tableau, nous avons tiré le graphique ci-après :
Figure 13 : variation saisonnière des cas et décès de méningite dans l’Extrême-Nord (1990-2000)
On remarque que les cas de méningite sont beaucoup plus observés entre décembre et juin avec un maximum en mars, correspondant à la saison sèche.
2.3.3. UN FORT TAUX DE MORTALITE DE LA MENINGITE PARMI LES MALADIES A POTENTIEL EPIDEMIQUE
Les rapports relatifs à la situation sanitaire dans l’Extrême-Nord font état de plusieurs risques épidémiologiques. Les maladies à potentiel épidémiques y sont presque toutes présentes. La figure ci-dessous dresse le bilan desdites maladies.
Figure 14 : Évolution interannuelle de 4 MAPE dans L’Extrême-Nord: 1989-2005
Le bilan des maladies à potentiel épidémique fourni par la Délégation régionale de la Santé Publique de l’Extrême Nord et se rapportant aux dix dernières années de 1990 à 2000 se présente ainsi qu’il suit :
Tableau 10 : Evolution des Maladies à potentiel Epidémique dans l’Extrême-Nord (1990-2000)
De ce tableau, nous avons obtenu des graphiques suivants :
Figure 15 : distribution des cas de maladies à potentiel épidémique (1990-2000)
Figure 16 : distribution des décès de maladies à potentiel épidémique (1990-2000)
2.3.4. LA MENINGITE : UNE MALADIE DONT L’INTENSITE VARIE EN FONCTION DE LA STRUCTURE DEMOGRAPHIQUE DES VICTIMES
2.3.4.1. Une maladie qui touche surtout les jeunes
Il s’agit de la variation de cas et décès de méningite au sein de la population pour l’année 1997, telle que présenté dans les tableaux ci-dessous.
Tableau 11 : distribution des cas de méningite à l’Extrême Nord par district et par âge
Tableau 12 : distribution des décès de méningite à l’Extrême-Nord par district et par âge
On remarque que les cas de méningite ne sont pas uniformément repartis selon l’espace et selon les tranches d’âge. La tranche d’âge de 0 à 15 ans est la plus touchée par les cas et décès.
Figure 17 : Pourcentage de cas de méningite à l’Extrême Nord par district et par âge
Figure 18 : Pourcentage de décès de méningite à l’Extrême Nord par district et par âge
2.3.4.2. Une maladie mal connue par les populations
Nous présentons ici les causes de la méningite.
L’effectif soumis au questionnaire est composés de 330 hommes contre 170 femmes, soit 500 individus adultes âgés d’au moins 50 ans.
Tableau 13 : Les différentes causes de la ménigite selon les populations
Figure 19 : Histogramme de fréquence des causes de la ménigite selon les populations
41% de l’effectif estiment que la méningite est causée par et la poussière (brume sèche) ; les femmes sont les plus nombreuses à le penser (47%) par rapport aux hommes (38%).
Ensuite viennent ceux qui croient que ce sont les microbes d’une manière générale, qui sont à l’origine de la méningite (33% chez les hommes et 18% chez les femmes) avec 28%. Toutefois, à coté des premiers, on note la présence de ceux qui attribuent la maladie à la sorcellerie (16%) et à la colère divine (16%). Plus faible est l’effectif des indécis ou plutôt ceux qui ignorent les causes de la méningite.
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