La mission d’information commune sur l’indemnisation des victimes d’infections nosocomiales et l’accès au dossier médical a déposé un rapport d’information (A) ayant conduit à une proposition de loi n’ayant pas abouti (B).
A) Propositions émises par le rapport d’information émis en date du 8 juillet 2009
Six points du dispositif d’indemnisation des infections nosocomiales peuvent mériter un réexamen au regard du rapport d’information enregistré à l’Assemblée Nationale en date du 8 juillet 2009 :
1) « La mise en place d’une évaluation du risque infectieux en cabinet libéral et une politique de lutte contre ce risque » :
Les médecins libéraux réalisent eux aussi des actes invasifs notamment en matière de chirurgie dentaire ou de dermatologie qu’il ne faut pas négliger. Mais, les infections contractées en médecine de ville sont beaucoup moins connues d’où la nécessité de réaliser une évaluation du risque infectieux en médecine libérale pour envisager une quelconque évolution du régime de responsabilité des médecins en cas d’infection nosocomiale.
2) « Clarifier et unifier la définition des infections nosocomiales indemnisables, en excluant de leur champ celles pouvant être considérées comme irrésistible » :
Cette difficulté a déjà été évoquée précédemment. Il convient d’ajouter que les représentants des assureurs dénoncent une jurisprudence trop extensive ne distinguant pas les infections nosocomiales résistibles et irrésistibles.
3) « Etendre le régime d’indemnisation de plein droit aux infections associées aux soins contractées en médecine de ville, sous réserve d’une concertation préalable sur les conséquences de cette extension en matière d’assurance » :
Il faut souligner que cette proposition vise à rétablir une certaine équité entre les victimes traitées, à ce jour, différemment selon que l’infection nosocomiale a été contractée au sein d’un établissement de santé ou au sein d‘un cabinet médical libéral de ville. Pour cela, la proposition n°1 énoncées précédemment devra être réalisée et les conséquences assurantielles d’une telle extension devront avoir été évaluées en concertation avec les professionnels et établissements de santé et les assureurs.
4) Après évaluation des conséquences au regard du nombre annuel prévisible de dossiers supplémentaires et attribution des nouveaux moyens nécessaires, supprimer tout seuil d’accès aux CRCI dans leur mission de règlement amiable.
L’instauration des seuils de gravité ouvrant droit à la procédure de règlement amiable en cas d’infection nosocomiale conduit à exclure un grand nombre de victime dont les dommages subis nécessitent une indemnisation. Les représentants des associations des patients souhaitent que le seuil d’accès aux CRCI de 24% soit réduit à 20%. Mais l’abaissement du seuil entrainerait une augmentation du nombre de dossier à gérer par les CRCI qui ne serait alors pas forcément en mesure d’y faire face d’où la nécessité de réaliser une évaluation précise du nombre de dossiers supplémentaires prévisibles.
5) « Après concertation avec les professionnels concernés et évaluation des conséquences financières, mettre en place une aide à l’assistance juridique et médicale devant les CRCI pour les personnes les plus démunies » :
Même si l’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire devant une CRCI, son rôle reste important notamment au moment du dépôt de la demande et au cours de l’expertise médicale. En effet, une victime profane sera désarmée face à un vocabulaire juridique et médical notamment face à un assureur avisé. Pour cela depuis janvier 2009, le Médiateur de la République formule sur son site internet des recommandations directement adressées aux victimes de dommages médicaux.
Concernant l’aide juridictionnelle, elle ne peut être accordée dans le cadre d’une procédure devant une CRCI pénalisant les victimes les plus démunies.
6) « Supprimer la condition d’inscription préalable sur les listes d’experts judiciaires pour pouvoir postuler à l’inscription sur la liste de la Commission nationale des accidents médicaux » :
Il ne faut pas confondre inscription sur la liste d’expertise et qualité de l’expert.
7) « Permettre à l’Office national d’indemnisation de se substituer à l’assureur en cas d’offre manifestement insuffisante, sous réserve de la possibilité de l’exercice d’une action récursoire » :
Les avis émis par les CRCI n’ont pas force contraignante à l’égard de la personne envers laquelle ils sont prononcés et ils ne chiffrent pas le montant des dommages dus par le responsable.
Ce rapport d’information a conduit à l’élaboration d’une proposition de loi déposée le 24 février 2010 à l’Assemblée Nationale (B).
B) La proposition de loi déposée le 24 février 2010
Le 24 février 2010, la Présidence de l’Assemblée Nationale a enregistré une proposition de loi tendant à renforcer l’effectivité du droit d’accès au dossier médical et à rendre plus juste le régime d’indemnisation des dommages subis à l’occasion d’un acte médical, émise par les messieurs les députés Guénhaël HUET et Jean-Pierre DOOR.
Suite au rapport d’information précédemment évoqué, certaines propositions ont été reprises par la proposition de loi.
1) Concernant la définition des infections nosocomiales
L’article 3 de la proposition de loi énonce :
Le dernier alinéa du I de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique est complété par les mots : « ou du caractère irrésistible de ces infections ».
Cet article unifie la définition des infections nosocomiales indemnisables, en excluant de leur champ celles pouvant être considérées comme irrésistibles :
La proposition de loi relève la difficulté actuellement rencontrée en jurisprudence, évoquée à plusieurs reprises dans ce mémoire, en l’absence de définition légale notamment par la création d’une divergence jurisprudentielle entre le juge administratif et le juge judiciaire. Ainsi, cela conduit à considérer que les infections nosocomiales endogènes constituent une cause étrangère d’exonération devant le juge administratif contrairement au juge judiciaire. La proposition de loi met en avant le côté choquant de la différence d’indemnisation des victimes selon le lieu de survenance de l’infection.
2) Concernant les infections contractées en cabinet libéral
Les articles 4 et 5 de la proposition de loi énoncent :
– Au premier alinéa de l’article L. 1413-14 du code de la santé publique, le mot : « nosocomiale » est remplacé par les mots : « associée aux soins ».
– Au premier alinéa de l’article L. 1142-29 du code de la santé publique, la deuxième occurrence du mot : « nosocomiales » est remplacée par les mots : « associées aux soins ».
Ces articles étendent aux infections liées aux soins réalisés en cabinets libéraux l’obligation de signalement à l’autorité administrative, aujourd’hui applicable aux seules infections nosocomiales contractées en établissement.
De plus, la proposition de loi prévoit que l’Observatoire des risques médicaux rattaché à l’ONIAM a pour objet d’analyser les données relatives aux infections associées aux soins
Ces dispositions vont permettre de réaliser une évaluation du risque infectieux en cabinet libéral.
3) Concernant l’inscription sur la liste d’experts
L’article 6 de la proposition de loi énonce :
« Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1142-11 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est supprimée ;
b) Au début de la deuxième phrase du premier alinéa, les mots :
« Cette inscription vaut pour » sont remplacés par les mots : « L’inscription sur la liste nationale des experts en accidents médicaux, subordonnée à une évaluation des connaissances et des pratiques professionnelles dont les conditions sont fixées par décret en Conseil d’État, est accordée pour une durée de » ;
c) L’avant-dernière phrase du dernier alinéa est supprimée ;
2° Après la date : « 29 juin 1971 », la fin du deuxième alinéa de l’article L. 1142-12 est ainsi rédigée : « relative aux experts judiciaires. »
Cet article prévoit la suppression de la condition d’inscription préalable sur les listes judiciaires pour pouvoir postuler à la liste de la Commission nationale des accidents médicaux.
Par conséquent, la proposition de loi a repris trois propositions énoncées par le rapport d’information. Mais, cette proposition de loi n’a pas aboutie en étant renvoyée à la Commission des affaires sociales.