Ces deux notions ont toutes les mêmes bases juridiques, à savoir l’article 34 et la résolution 1803. Nous aborderons tour à tour la nationalisation, l’expropriation pour cause d’utilité publique ensuite on pourra distinguer ces deux notions entre elles et d’avec leurs notions voisines.
I. Notion
La nationalisation(117) consiste en un transfert, décidé autoritairement, de propriétés privées à l’Etat ou à une collectivité publique pour des raisons d’intérêt public. Pour le professeur MUGANGU S., c’est la manière la plus radicale et à première vue, la plus simple d’acquérir une terre, par l’État.
Trois critères doivent être réunis pour que l’on puisse parler de nationalisation s’ils viennent à manquer, on est en présence d’un phénomène différent :
– En premier lieu, le transfert de propriété doit être décidé automatiquement.
– Mais il existe d’autres modes d’acquisition, par les collectivités publiques, de biens appartenant à des personnes Privées. L’Etat peut recourir à l’achat, soit dans des conditions commerciales normales soit en combinant l’usage de prérogatives(118) de puissances publique(119) et le recours aux mécanismes du droit privé, mais la cession se fait par contrat et non à la suite d’une décision unilatérale de l’Etat, qui constitue l’un des critères de la nationalisation (même si le montant de l’indemnité est ensuite négocié, ce qui ne change rien à la nature de l’opération).
– Pour que l’on puisse parler de nationalisation, il faut, en deuxième lieu, que le bénéficiaire du transfert de propriété soit l’Etat ou une autre collectivité publique. Il peut arriver, par ailleurs, que l’Etat oblige un propriétaire étranger à transférer les avoirs qu’il détient sur son territoire à des personnes privées ayant sa nationalité. Une telle décision répond à certains des objectifs poursuivis par les nationalisations des propriétés étrangères, mais non à celui de socialisation de la vie économique. Ce mode de transfert autoritaire des propriétés étrangères a été utilisé par certains pays du Tiers-Monde adhérant aux principes de l’économie capitaliste libérale (Brésil, Corée du Sud, Côte-d’Ivoire, Maroc).
– Enfin, la nationalisation consacrée par la résolution 1803(XVII) est inspirée des motifs politiques, économiques ou sociaux de caractère général et ceci permet de la distinguer de la confiscation dont le mobile est punitif : il s’agit alors de sanctionner le propriétaire évincé.
En revanche, la transposition au plan international de la distinction parfois effectuée en droit interne, entre nationalisation et expropriation n’entraîne aucune différence de régime juridique (cfr. art. 2 §2 de la charte des droits et devoirs économiques des Etats).
La nationalisation n’a d’incidence internationale que dans deux hypothèses : si elle porte sur des biens et intérêts appartenant à des propriétaires étrangers et situés sur le territoire de l’Etat qui nationalise, ou elle vise des biens appartenant à des nationaux mais situés en territoire étranger. Dans le premier cas, la compétence territoriale de l’Etat nationalisant se heurte à la compétence personnelle de l’Etat dont le propriétaire a la nationalité ; dans le second, c’est l’inverse qui se produit. Des difficiles problèmes de droit international, tant public que privé surgissent alors (qui ne se posent pas lorsque l’Etat nationalise des biens appartenant à ses nationaux et situés sur son propre territoire), les principes de la plénitude et de l’exclusivité des compétences étatiques trouvent pleinement application,
II. Le droit de nationaliser ou de privatiser
La souveraineté (imperium(120)) n’implique pas forcement la propriété (dominium(121)), du moins ne la prohibe-t-elle pas. Corollaire direct du principe de l’exclusivité de la compétence territoriale et élément de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles et les activités économiques, le droit de nationaliser les propriétés étrangères situées sur le territoire national ne peut être mis en doute et n’est aujourd’hui nié par personne.
II.1. Controverse sur le droit de nationaliser
Il existe plusieurs controverses juridiques à ce sujet. Le droit des Etats de nationaliser les biens étrangers ne fait l’objet actuellement d’aucune contestation. Mais le consensus ne va pas plus loin. Il existe des sérieuses oppositions entre pays développés et pays en développement sur le fondement, les limites et les conditions d’exercice de ce droit.
II.2. Conditions d’exercice du droit de nationaliser
Tout en reconnaissant pleinement le droit de l ‘État de nationaliser, le droit international subordonne(122) la validité de son exercice à trois conditions :
1°- la nationalisation devait répondre à un motif d’intérêt public,
2°- ne pas être discriminatoire,
3°- être accompagnée d’une indemnité.
Sans être abandonnées, les deux premières sont, aujourd’hui, interprétées de manière très large. La résolution 1803(XVII) de l’assemblée générale qui, malgré son ancienneté, est souvent considérée comme traduisant le droit positif du fait des conditions de son adoption, dispose : “ la nationalisation, l’expropriation et la réquisition devront se fonder sur des raisons ou des motifs d’utilité publique, de sécurité ou d’intérêt national, reconnus comme primant les simples intérêts des particuliers ou privés, tant nationaux qu’étrangers ”.
Bien que certaines sentences(123) postérieures aient affirmé que “ le droit international ne s’occupe pas des mobiles ” (voir sentence Liamco, 12/04/1997, Rev. Arb. 1980, p. 163 et Texaco-Calasiatic, préc. J.D.I. 1977, p.372), cette condition ne paraît pas devoir être répudiée ; cependant elle a perdu toute autonomie et l’intérêt public souverainement apprécié par l’Etat qui nationalise, se confond largement avec les exigences du développement.
Il convient maintenant de distinguer l’expropriation de certaines notions voisines que sont :
. La réquisition,
. la confiscation, la nationalisation,
. l’emprise, voie de fait et l’alignement.
117 Voir les différents procédés des marchés publics.
118 Guy FEUER et Hervé CASSAN, op. cit., p. 346.
119 Idem, p.347.
120 Dominique ROSENBERG, op. cit. p. 222.
121 Idem, p. 223.
122 Dominique ROSENBERG, op. cit., p.224.
123 Idem, p. 227.