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Section 2 : Les objectifs poursuivis par la mise en place de dispositifs d’épargne salariale

ADIAL

L’épargne salariale est une forme de rémunération alternative qui profite aussi bien à l’entreprise, qui peut via ce système, optimiser sa politique sociale et augmenter sa croissance économique (§1), qu’au salarié, qui peut bénéficier d’une rémunération additionnelle, susceptible d’être épargnée dans des conditions avantageuses ou perçue immédiatement (§2).

§1) Du coté de l’entreprise : la rémunération des performances salariales dans un contexte social et fiscal avantageux

Pour l’employeur, la mise en place d’un ou plusieurs dispositifs d’épargne salariale est l’occasion d’associer les salariés à la croissance économique de l’entreprise par l’octroi d’un supplément de rémunération (A), à moindre coût (B).

A/ L’association de tous les salariés aux performances de l’entreprise…

L’épargne salariale permet à l’entreprise d’optimiser sa politique sociale (1) et donne la possibilité aux salariés mais également aux chefs d’entreprise et aux dirigeants de profiter des dispositifs (2).

1. L’optimisation de la politique sociale de l’entreprise

Si nous exceptons le cas un peu particulier de la participation rendue obligatoire pour les entreprises de 50 salariés et plus, la mise en place de l’épargne salariale relève d’une volonté d’optimiser la politique sociale de l’entreprise.
La question qui se pose, est celle de l’opportunité de la mise en place de ces dispositifs qui sont encore largement facultatifs.
Parmi les buts recherchés, nous pouvons citer en premier lieu les objectifs sociaux. En effet, l’entreprise qui décide de mettre en oeuvre un ou plusieurs dispositifs d’épargne salariale, va véhiculer une image positive auprès de ses salariés, d’une part à travers la reconnaissance de la contribution apportée aux performances de la société, et d’autre part en favorisant l’épargne des collaborateurs par le biais de l’abondement. Les objectifs sociaux sont différents selon l’importance de l’entreprise. En effet, si les grandes entreprises sont souvent contraintes de s’équiper, les entreprises de taille plus modeste voient dans ces mécanismes un excellent moyen de se différencier et ainsi apporter un élément attractif de plus par rapport à leurs concurrents.
L’épargne salariale est également un outil managérial important pour l’entreprise. Il s’agit ici de motiver, fédérer et fidéliser de nouveaux salariés autour d’objectifs communs ou de remotiver une équipe qui a besoin d’un élément déclencheur pour se remobiliser. L’intéressement en est le parfait exemple. De part sa modularité, le chef d’entreprise va pouvoir fixer des objectifs très précis et gommer certains comportements néfastes à la progression des résultats. Par exemple, en répartissant la prime d’intéressement en fonction du temps de présence, l’entreprise va pouvoir combattre efficacement l’absentéisme. A l’inverse, la participation a moins d’impact sur la motivation des salariés car le bénéfice net de l’entreprise a un caractère aléatoire sur lequel les salariés n’ont que peu d’emprise. La formule de calcul est beaucoup plus abstraite que celle de l’intéressement qui peut intégrer des critères compréhensibles de tous. Néanmoins, l’application volontaire de la participation et/ou l’utilisation d’une formule dérogatoire plus favorable, sont autant d’éléments qui véhiculent une image sociale positive de l’entreprise.

Les aspects économiques sont également un élément central de la réflexion qui s’opère lors de la mise en place d’un accord d’intéressement ou de participation. Une part de rémunération variable va pouvoir être introduite sans que l’entreprise en subisse les conséquences financières, notamment grâce aux exonérations de cotisations sociales, exonérations dont elle ne pourrait bénéficier si elle décidait d’octroyer une gratification individuelle ou collective à ses salariés. Ainsi l’épargne salariale est un bon moyen de diminuer le coût du travail dans l’entreprise.

Le corolaire de cet aspect économique, c’est l’amélioration de la performance de l’entreprise. En effet, le supplément de rémunération dont bénéficiera le salarié, sera conditionné à l’atteinte d’objectifs, qu’ils soient purement quantitatifs (augmentation du chiffre d’affaires…) pour la participation ou bien à la fois quantitatifs et qualitatifs (meilleur sécurité, meilleur taux de satisfaction des clients…) pour l’intéressement.

Enfin, l’épargne salariale répond à un besoin stratégique pour l’entreprise. Il s’agit du levier parfait pour calquer l’avantage offert aux salariés sur sa situation économique. Là où le versement de primes pourrait s’analyser comme constitutif d’un usage sur lequel l’employeur ne pourrait revenir qu’en respectant un formalisme contraignant, l’intéressement et la participation peuvent être établis sur la base d’un accord à durée déterminée, permettant ainsi une modification ou une suppression en cas de difficultés économiques rencontrées par l’entreprise. En d’autres termes, la tangibilité des dispositifs sécurise l’employeur dans sa démarche, évitant ainsi un risque de déséquilibre entre l’avantage offert et la situation économique de l’entreprise.
L’optimisation de la politique sociale à travers la promotion de l’épargne salariale sera d’autant plus efficace que les mécanismes sont accessibles au plus grand nombre.

2. Des dispositifs profitant à tous

Les dispositifs d’épargne salariale sont marqués par un principe fondamental : leur caractère collectif. En effet, mis à part la condition d’ancienneté qui peut être instaurée dans un accord d’intéressement ou de participation, tous les salariés peuvent en bénéficier sans possibilité d’exclusion. En ce sens l’épargne salariale est perçue comme un outil « égalitaire » à la différence des régimes de retraite supplémentaire qui laissent la possibilité à l’entreprise de mettre en place des collèges de bénéficiaires. Un collège est une catégorie objective de salariés comme par exemple celle des « cadres » ou des « non cadres ».

Si d’un point de vue extérieur, on ne peut que se féliciter du caractère collectif de l’épargne salariale, certaines entreprises, notamment les petites structures voient ce caractère collectif comme un frein à la mise en place d’un mécanisme d’épargne. Lorsque le dirigeant décide par exemple de mettre en place un PEE, il doit en ouvrir l’accès à tous les salariés sans distinction, que l’accord soit négocié avec les partenaires sociaux ou octroyé sur décision unilatérale. De même pour l’abondement distribué, il ne peut être ni fonction de la rémunération ni du temps de présence. La raison souvent invoquée pour rejeter ce caractère collectif est la présence d’un ou plusieurs salariés à qui le chef d’entreprise ne souhaite pas accorder un centime de plus.
Exception faite des petites entreprises qui voient parfois le caractère collectif de l’épargne salariale comme un frein à sa mise en oeuvre, la perspective de fédérer, motiver et fidéliser l’ensemble du personnel est un argument de poids en faveur de l’épargne salariale. Ceci est d’autant plus vrai aujourd’hui, que les dispositifs sont désormais largement ouverts aux chefs d’entreprise et aux dirigeants.

En ce qui concerne l’intéressement, seuls les salariés pouvaient en bénéficier. Le mandataire social en était exclu, exception faite de celui qui cumulait son mandat social avec un contrat de travail. Ce n’est plus le cas depuis 2005 et le passage de la loi « pour la confiance et la modernisation de l’économie »(38) qui a élargi le champ des bénéficiaires des accords d’intéressement, aux entreprises dont l’effectif habituel comprend au moins 1 salarié en sus du chef d’entreprise et au plus 100 salariés. Ainsi, peuvent bénéficier de l’intéressement, les chefs d’entreprise ainsi que le conjoint du chef d’entreprise s’il a le statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé. S’il s’agit de personnes morales, les gérants, présidents et directeurs généraux, peuvent également avoir accès à l’intéressement. Notons toutefois, que l’accès à l’avantage n’est pas automatique pour ces nouveaux bénéficiaires potentiels : il doit être expressément prévu dans l’accord d’intéressement. Enfin, depuis la loi de 2008(39) « en faveur des revenus du travail », l’accès au dispositif a été étendu aux dirigeants d’entreprises, dont l’effectif est compris entre 100 et 250 salariés.

En ce qui concerne la participation, pour favoriser son développement dans les petites entreprise, le législateur a rendu le chef d’entreprise ainsi que son conjoint (collaborateur ou associé) éligible au dispositif dans deux hypothèses. La première concerne les entreprises de moins de 50 salariés ayant mis en place volontairement un régime de participation. La seconde concerne les entreprises dont l’effectif habituel est compris entre 1 et 250 salariés. Dans ce dernier cas, l’accès est limité à la part de réserve spéciale de participation qui excède le montant résultant de l’application de la formule légale. En d’autres termes pour pouvoir bénéficier de la participation, les dirigeants doivent mettre en place une formule dérogatoire plus favorable aux salariés que celle de droit commun. Précisons que la participation calculée proportionnellement à la rémunération annuelle est plafonnée au niveau du salaire le plus élevé versé dans l’entreprise, ce qui revient à dire que le dirigeant ne peut percevoir une participation supérieure à celle de son employé touchant la plus forte rémunération.

Concernant le PEE, celui-ci est également accessible pour le dirigeant d’une entreprise et son conjoint, à condition que l’effectif de la société soit compris entre 1 et 250 salariés.

L’ouverture des dispositifs au chef d’entreprise est un argument très efficace pour la mise en place de l’épargne salariale dans les petites structures car généralement le chef d’entreprise dispose de rémunérations importantes et donc d’un fort potentiel d’épargne. L’investissement des sommes issues de l’intéressement ou de la participation sur un PEE ou PERCO, permettront au dirigeant d’épargner tout en profitant d’exonérations fiscales. C’est une stratégie patrimoniale très intéressante pour des personnes qui sont généralement fortement imposées. Le versement de l’intéressement sur un plan d’épargne, couplé à l’abondement, peut permettre de placer beaucoup d’argent chaque année et ainsi défiscaliser une partie de son patrimoine. Les plans d’épargne entreprise possèdent également l’avantage de ne pas être plafonnés, ce qui n‘est pas le cas des supports traditionnels comme par exemple le plan d’épargne en actions (PEA).

Nous venons de voir les raisons qui poussent les entreprises à s’équiper en épargne salariale, observons maintenant l’application concrète de ces avantages.

B/… à moindre coût pour l’employeur

L’entreprise qui met en place des mécanismes d’épargne recherche différents objectifs. Le plus important d’entre eux est l’amélioration des performances de la société. Pour être complètement atteint, cet objectif ne doit pas constituer un coût supplémentaire trop important pour la société. Au contraire, l’efficacité des dispositifs implique un allègement du coût du travail. Nous allons maintenant étudier concrètement les bienfaits de l’épargne salariale à travers l’intéressement (1) et la participation (2). (Sur l’efficacité sociale de l’épargne salariale : Cf Annexe 5)

1. L’allègement du coût du travail à travers l’intéressement

Nous l’avons vu précédemment, l’employeur peut encourager et récompenser ses salariés par l’octroi de primes individuelles ou collectives. L’autre possibilité serait d’augmenter les salaires des collaborateurs. Ces différentes méthodes pour gratifier les salariés posent plusieurs problèmes. D’une part, ces usages peuvent devenir des avantages acquis sur lesquels il sera difficile de revenir. Pour supprimer ces avantages, l’employeur devra respecter de lourdes formalités et se heurtera probablement à la réticence des partenaires sociaux. D’autre part, ces gratifications représentent un coût très important pour l’entreprise. En effet, au même titre que les salaires, elles sont assujetties aux charges sociales qui pèsent en grande partie sur la société. Enfin, l’avantage attendu, c’est-à-dire l’augmentation de l’implication des employés dans leur travail, est en partie atténué par l’imposition des sommes allouées.
L’intéressement est donc très avantageux pour l’entreprise qui va grâce à ce mécanisme, améliorer l’efficacité « psychologique » du supplément de rémunération. Le salarié touchera une gratification supérieure à moindre coût pour l’entreprise. L’avantage essentiel de l’intéressement est que les sommes attribuées aux salariés n’ont pas le caractère de rémunération. Elles seront donc exonérées de cotisations sociales. Il en va de même pour le chef d’entreprise, lorsque celui-ci bénéficie de l’accord d’intéressement.

Pour autant, les sommes issues de l’intéressement seront quand même assujetties à la CSG et à la CRDS, avec un abattement de 3% (sauf pour le chef d’entreprise).

Enfin, l’entreprise devra également s’acquitter d’un forfait social pour les sommes versées au titre de l’intéressement, au taux de 6% (en 2011)(40).
Malgré ces différentes contributions sociales qui s’imputent sur les primes versées, l’employeur tirera un bénéfice considérable des exonérations sociales.
Au niveau fiscal, l’intéressement représente un double avantage pour l’entreprise.

D’une part, le régime fiscal de base de l’intéressement permet à la société de déduire la prime d’intéressement de l’assiette de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu. De même, l’intéressement est également exonéré des taxes sur les salaires, sur l’apprentissage, etc.

D’autre part, l’intéressement bénéficie d’un régime fiscal temporaire très intéressant : le crédit d’impôt, c’est-à-dire d’une créance sur l’Etat déduite de l’impôt sur les sociétés (ou sur le revenu). Ce régime a été mis en place en 2008(41) et vise à inciter les entreprises à conclure un accord d’intéressement ou pour celles qui en sont déjà pourvues, à associer leurs salariés plus étroitement aux fruits de leur croissance par le biais de l’établissement d’une formule de calcul plus favorable. Cette niche fiscale pour les entreprises a été largement « rabotée » par la loi de finances pour 2011. Depuis, seules les entreprises de moins de 50 salariés sont concernées par le crédit d’impôt intéressement et elles doivent être imposées d’après leur bénéfice réel ou entrer dans l’une des catégories suivantes : entreprises nouvellement crées, jeunes entreprises innovantes, entreprises implantées en Corse, entreprises présentes dans un bassin d’emploi à redynamiser, etc. De plus, le régime du crédit d’impôt n’est que temporaire et suppose la conclusion d’un accord d’intéressement ou d’un avenant avant le 31 décembre 2014. Enfin, en tout état de cause, le crédit d’impôt intéressement sera plafonné à 200.000 € sur trois exercices fiscaux consécutifs. Depuis la loi de finances pour 2011, le crédit d’impôt est égal à 30% des primes d’intéressement dues au titre de l’exercice (si un accord est mis en place pour la première fois) ou bien à 30% de la différence entre les primes dues au titre de l’exercice et la moyenne des primes dues au titre de l’accord précédent. Si les primes de l’ancien accord étaient plus élevées, le crédit d’impôt sera égal à 30% de leur montant. Pour mieux comprendre (Cf Annexes 2, 3 et 4).

Intéressons nous désormais aux avantages financiers que va retirer l’entreprise de la participation.

2. L’allègement du coût du travail via la participation

L’autre grand mécanisme de l’épargne salariale qu’est la participation est également avantageux. Bien sûr, il est obligatoire pour les entreprises de 50 salariés et plus, mais rappelons qu’il peut être mis en oeuvre par les entreprises de taille plus modeste, et qu’il est également possible de mettre en place une formule plus favorable que la formule légale. Il s’agit donc bien d’un mécanisme incitatif, qui contribue à améliorer l’implication et la performance des salariés.

Au niveau social, le régime des droits acquis, constitue indéniablement un des avantages de la participation pour l’employeur. Tout comme l’intéressement, ces sommes n’ont pas le caractère de rémunération au sens du Code de la Sécurité Sociale(42) et sont donc exonérées de cotisations de sécurité sociale. Le respect des principes fondamentaux de l’épargne salariale (caractère collectif, aléatoire, plafonds…) conditionne le bénéfice des ces exonérations. Enfin, comme l’intéressement, la participation est soumise à la CSG et à la CRDS ainsi qu’au forfait social de 6%.

Concernant les avantages fiscaux procurés par la participation, ils seront étudiés sous le double aspect de la réserve spéciale de participation et de la provision pour investissement.

Les sommes portées à la réserve spéciale de participation sont déductibles des bénéfices pour l’assiette de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, exigible au titre de l’exercice au cours duquel elles sont réparties entre les salariés. En résumé, la déduction de la RSP du bénéfice imposable est réalisée au cours de l’exercice suivant celui dont les résultats servent de base à son calcul. Si en raison des plafonds individuels, il subsiste un reliquat de participation, celui-ci demeurera dans la RSP et ne donnera droit aux avantages fiscaux, qu’au titre des exercices au cours desquels il sera réparti.

Ainsi, la quotité des sommes déductibles est appréciée en fonction, non pas du montant global de la participation, mais des droits revenant effectivement aux salariés. Enfin, précisons que la déductibilité fiscale des sommes issues de la participation, n’est pas remise en cause par le sort que leur réservera le salarié : perception immédiate ou placement sur un plan d’épargne.

La participation, tout comme l’intéressement, est exonérée de la taxe sur les salaires, de la taxe d’apprentissage, etc.
En ce qui concerne la provision pour investissement, le code général des impôts permet à certaines entreprises de constituer en franchise d’impôt, une provision pour investissement égale à 50% de la part supplémentaire entre la formule légale et la formule dérogatoire (pour les entreprises obligatoirement soumises à la participation et qui appliqueraient une formule plus favorable) ou une provision égale à 25% du montant des sommes portée à la RSP résultant de la formule de droit commun. Si les provisions ne sont pas utilisées dans un délai de deux ans à l’acquisition d’immobilisations, elles seront réintégrées au bénéfice imposable et par conséquent l’avantage fiscal escompté n’aura pas lieu.

Enfin, terminons ces développements sur les avantages sociaux et fiscaux qui concourent à l’efficacité des dispositifs d’épargne salariale, en disant quelques mots sur le PEE. L’abondement octroyé par l’entreprise lorsque le salarié décide d’épargner les sommes issues de la participation, bénéficie des exonérations sociales et de la déductibilité fiscale. Ces versements complémentaires accentuent encore un peu plus pour l’entreprise, l’efficacité des dispositifs mis en place. (On peut observer l’impact chiffré dans l’annexe 5), d’autant qu’ils sont modulables très facilement. En effet, l’entreprise peut par exemple réserver l’abondement à la seule affectation de l’intéressement au PEE. Ainsi, l’effet mécanique d’une forme de majoration de la prime d’intéressement par l’abondement de l’entreprise, accroit l’incitation financière à la performance collective. Autre hypothèse, celle de majorer l’abondement lorsque les versements sont affectés à l’acquisition de titres émis par l’entreprise. Cette formule d’abondement permet d’inciter les salariés à investir dans leur entreprise.
Nous venons d’étudier les avantages que peut retirer l’entreprise des outils d’épargne salariale, penchons nous à présent sur les attentes des salariés.

§2) Du côté salarié : la constitution d’une épargne à moyen terme ou un surplus de pouvoir d’achat immédiat

Si l’entreprise poursuit plusieurs objectifs lorsqu’elle met en place un accord d’intéressement ou de participation, le salarié n’attend qu’une seule chose de ces mécanismes : obtenir un supplément de rémunération. Ce qu’il va être intéressant d’observer, c’est la manière dont le salarié va employer les sommes perçues. Il peut profiter de l’intéressement et/ou de la participation de deux manières : soit en décidant de percevoir immédiatement les sommes acquises (A), soit en décidant de les épargner sur un plan d’épargne (B).

A/ La perception immédiate des primes : un surplus de pouvoir d’achat

La perception immédiate des sommes issues de l’épargne salariale répond à un besoin de liquidités mais n’est pas sans inconvénient (1). En effet, le législateur avantage nettement le salarié qui épargne, ce qui dans une certaine mesure est critiquable (2).

1. La perception immédiate des primes : un bénéfice à court terme moins avantageux

Pour l’intéressement, il s’agit de la norme. La perception immédiate est le principe et le placement de cette somme sur un plan d’épargne est l’exception. La disponibilité immédiate des primes d’intéressement est une caractéristique qui intéresse plus particulièrement les salariés qui bénéficient d’une faible rémunération. En effet, les faibles revenus sont moins fiscalisés, par conséquent les déductions d’assiette de l’impôt sur le revenu qui découlent du placement de ces sommes, représentent pour eux un intérêt moindre. L’autre raison principale qui incite ces salariés à profiter immédiatement de la prime d’intéressement, est la recherche d’un avantage à court terme, à savoir un surplus de pouvoir d’achat. Une enquête(43) de la DARES (service statistique ministériel rattaché à l’INSEE) a illustrée cet état de fait par une statistique révélatrice : la proportion des versements aux PEE provenant de l’intéressement serait de 6,20% pour les entreprises dont le salaire moyen est inférieur à 15.000 € et de 29,60% pour celles dont le salaire moyen est supérieur ou égal à 30.000 €. Nous voyons bien à travers ces chiffres que les salariés les plus modestes privilégient la disponibilité immédiate de l’intéressement à son blocage sur un PEE, ce qui est moins évident pour les salariés à hauts revenus.

Ce besoin de liquidité est pourtant préjudiciable au salarié. En effet, à la différence de l’épargne, les sommes perçues immédiatement sont soumises à l’impôt sur le revenu. Le bénéfice retiré du dispositif est donc moindre qu’en cas de blocage de la somme sur plan d’épargne. Seuls les avantages sociaux (exonération de charges) profiteront au salarié.

A l’inverse de l’intéressement, la participation a longtemps été obligatoirement soumise à une durée d’indisponibilité. En effet, ce n’est qu’à partir de 2008 que la loi a laissé une option pour le salarié quant au sort réservé aux sommes issues de la participation. Le salarié peut toujours décider de laisser ses droits bloqués pendant une durée de cinq ans, mais il peut également choisir le versement immédiat de ceux-ci. La disponibilité immédiate des sommes s’avère largement utilisée et donc attractive pour ceux des salariés qui privilégient le cash. Tout comme l’intéressement, la participation versée directement ne bénéficie pas des avantages fiscaux offerts à celle bloquée pendant cinq ans. Ainsi, les sommes sont imposables au titre de l’impôt sur le revenu, seules les exonérations de charges salariales bénéficient au salarié.

En définitive, l’avantage retiré par le salarié de tous ces mécanismes sera nettement plus intéressant lorsque les primes seront épargnées. Si nous comprenons aisément que le législateur ait cherché à encourager l’épargne des sommes distribuées par l’entreprise, nous constatons que le système contribue d’une certaine manière à accroitre les inégalités entre les salariés.

2. L’incitation à l’épargne : l’accroissement des inégalités dans l’entreprise ?

Le constat est simple, la perception immédiate de l’intéressement ou de la participation est plus fréquente chez les salariés modestes. Dans le même temps, le versement direct est le mode de perception qui présente le moins d’avantages. La question de savoir si le législateur en incitant au placement des sommes distribuées, ne contribue t-il pas indirectement à creuser les inégalités, mérite d’être posée. Nous l’avons déjà vu, le caractère collectif de l’épargne salariale contribue au succès des dispositifs et les rend de ce fait très égalitaires. En revanche, les incitations fiscales et sociales sont selon nous plus discutables. Les exonérations sociales favorisent par leur manque à gagner pour l’Etat, la fragilisation de notre système social. Les déductions fiscales quant à elles pénalisent les salariés qui ont de faibles revenus et qui n’ont pas la possibilité d’épargner, alors que dans le même temps elles représentent un avantage considérable pour les salariés les plus aisés, à fort potentiel d’épargne. Cette différence de traitement entre les sommes versées directement et les sommes épargnées est en plus accentuée par la présence d’un abondement. Le salarié qui épargne, en plus des avantages fiscaux liées à la prime elle-même, va bénéficier d’une aide de son entreprise à travers les versements complémentaires. Enfin, les revenus des sommes placées seront également soumis à un traitement fiscal avantageux.

Pour toutes ces raisons, nous sommes en droit de nous demander si le système actuel est juste et équilibré. Certes, le législateur a conçu ce système pour « forcer » les salariés à épargner et ainsi répondre aux besoins de financement de notre économie, mais peut-être pourrait-on imaginer des règles différentes qui, sans remettre totalement en cause l’incitation à l’épargne, permettraient de ne pas pénaliser les salariés qui décident de percevoir immédiatement leurs primes. Par exemple, nous pourrions imaginer que les salariés dont le revenu est inférieur à un certain seuil, puissent percevoir directement une fraction de leur prime en franchise d’impôt ou bien encore instaurer un abondement modulable en fonction des catégories de salariés. Cette dernière hypothèse, bien que délicate à mettre en oeuvre car contraire au caractère collectif de l’épargne salariale, permettrait par exemple de majorer l’abondement des non cadres. Le « sacrifice » de la perception immédiate de la prime, serait quelque part récompensé par une aide plus importante de l’entreprise.
Nous venons de voir que le salarié recherche parfois un profit immédiat à travers l’intéressement et/ou la participation, mais il lui arrive également d’utiliser ces mécanismes en vue de se constituer une épargne.

B/ L’affectation des primes d’intéressement et/ou de participation à un PEE : la constitution d’une épargne à moyen terme

Le salarié qui décide de placer les sommes distribuées par son employeur sur un PEE, va bénéficier d’un double avantage : un régime fiscal de faveur pour l’épargne constituée (1) et une aide de la part de son entreprise (2).

1. Un régime fiscal de faveur pour les sommes épargnées

Contrairement au salarié qui opte pour une perception immédiate de ses droits, celui qui prend l’initiative de les bloquer sur un PEE va bénéficier des avantages fiscaux (exclusion des sommes versées de l’assiette de l’impôt sur le revenu) propres aux différents dispositifs que nous avons déjà détaillés auparavant. L’exonération fiscale concerne également les revenus et plus-values résultant des placements réalisés à l’intérieur du PEE, à condition qu’ils soient réinvestis ou frappés de la même indisponibilité que les titres auxquels ils se rattachent. Ceci est l’un des grands avantages du PEE car bien souvent le contribuable supporte l’imposition des plus-values sur les produits d’épargne individuelle.

Le salarié qui se constitue une épargne avec son PEE, a la possibilité de faire des versements volontaires (hors épargne salariale) à hauteur d’un montant ne pouvant excéder 25% de sa rémunération annuelle. Néanmoins, ces versements personnels ne sont favorisés par aucun régime social ou fiscal incitatif.
Pour obtenir ces avantages le salarié devra accepter en contrepartie un blocage de ses avoirs pendant au moins 5 ans. Ceci étant cela ne constitue pas un frein puisqu’il existe de nombreux cas de déblocage (mariage, invalidité, surendettement, etc.) qui permettent de récupérer le capital investi de manière anticipé sans pour autant perdre le bénéfice des avantages fiscaux précédemment décrits.

En plus des avantages conférés par le législateur, le salarié qui opte pour la constitution d’une épargne obtiendra obligatoirement une aide de son entreprise.

2. Les versements complémentaires de l’entreprise : un encouragement supplémentaire à l’épargne

Comme nous l’avons déjà évoqué dans le paragraphe consacré au PEE, le code du travail(44) impose obligatoirement une aide de l’entreprise au salarié qui fait la démarche de se constituer une épargne via le PEE. Le législateur ne fixe pas à proprement parler le montant de cette aide mais elle doit comprendre au minimum la prise en charge des frais de fonctionnement du plan d’épargne. L’entreprise peut y ajouter si elle le souhaite un versement complémentaire. Son montant ou ses modalités de calcul sont fixés dans l’accord mettant en place le PEE. Cette aide de l’employeur est plafonnée au triple de la contribution du bénéficiaire et ne peut être supérieure à 8% du PASS.

L’abondement de l’employeur, en plus de l’avantage intrinsèque qu’il représente, bénéficie d’avantages sociaux (exonérations de charges sauf CSG/CRDS/forfait social) et d’avantages fiscaux (exonération d’impôt sur le revenu) profitables au salarié.
En conclusion sur ce point, nous pouvons dire que le législateur avantage plus beaucoup plus sensiblement le bénéficiaire qui épargne que celui qui privilégie un bénéfice immédiat. Selon nous, ce « déséquilibre » de l’épargne salariale ne doit pas s’analyser comme une volonté du législateur de favoriser les plus aisés mais relève plutôt d’un désir de voir les salariés épargner davantage. Du coup tout le mécanisme est pensé pour inciter à l’épargne, la loi ayant un peu vite oubliée que tous les salariés n’en ont pas la capacité.

Nous arrivons à la conclusion de notre premier chapitre consacré à l’épargne salariale. Ces dispositifs qui profitent à l’ensemble des salariés d’une entreprise possèdent beaucoup d’atouts. D’un côté l’employeur pourra optimiser sa politique sociale et motiver ses salariés pour un coût raisonnable, de l’autre les employés pourront bénéficier d’un supplément de rémunération qu’ils pourront percevoir directement ou bien épargner à des conditions avantageuses. Dans ce chapitre, nous avons volontairement ignoré un mécanisme d’épargne salariale : le Plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO). En effet, jusqu’en 2003, le législateur n’offrait pas d’horizon « retraite » à l’épargne salariale. Les mécanismes, notamment le PEE, étaient conçu pour favoriser une épargne à court et moyen terme. En parallèle, à l’épargne salariale, des dispositifs de retraite supplémentaire permettent à l’entreprise et aux salariés de répondre à une autre problématique : la constitution d’une épargne en vue de la retraite. Le PERCO a notamment permis un rapprochement entre l’épargne retraite d’entreprise et l’épargne salariale. Ce mélange des dispositifs sera étudié dans la seconde partie. Pour l’heure, intéressons nous aux régimes collectifs de retraite supplémentaire.

38 La loi n°2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie.
39 La loi n°2008-1258 du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail.
40 On parle même d’un projet visant encore à augmenter ce forfait social et le faire passer à 8 %.
41 Loi en faveur des revenus du travail du 3 décembre 2008.
42 Art. L. 242-1.
43 Dares, Acemo-Pipa 2004.
44 C. trav., art. L. 3332-1

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