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SECTION II : DROIT PROPRE DE LA VICTIME CONTRE L’ASSUREUR DU RESPONSABLE

ADIAL

Le tiers victime peut se heurter à quelques obstacles selon le droit de chaque pays qui
l’empêcher d’obtenir totalement l’indemnité d’assurance (§II). Mais, dans un premier temps, il
est nécessaire d’envisager l’action directe qui est un outil essentiel pour garantir le droit à
réparation de la victime (§I).

§I : ACTION DIRECTE : NOTION ABSENTE EN DROIT CAMBODGIEN

L’action directe se définit comme le droit accordé, en dehors de tout autre lien juridique,
à un créancier contre le débiteur de son débiteur, d’exercer en son nom et pour son compte
exclusif, l’obligation qui pèse sur ce sous-débiteur à l’égard du débiteur principal, et plus
précisément comme un procédé de mainmise sur une créance du débiteur, autorisant un
créancier à exiger paiement du débiteur de son débiteur, équivalent par son résultat à une
sureté, et par sa mise en oeuvre, à une véritable voie d’exécution privée(48). Existe-elle cette
action en droit cambodgien ? La réponse est négative. L’article 23 de la loi sur les assurances
dispose qu’en cas de sinistre, la compagnie d’assurance doit verser directement l’indemnité
d’assurance à la victime. Mais, il ne prévoit pas que la victime dispose d’une action directe
contre l’assureur. Ce qui nous conduit à penser que le législateur oblige l’assureur à verser
directement l’indemnité d’assurance à la victime sous peine de voir son paiement inopposable
à cette dernière s’il ne respecte pas cette disposition mais sans donner à la victime le moyen
direct pour exiger les indemnités sur lesquelles elle a droit. Toutefois, selon l’article 7 de
l’arrêté interministériel sur l’assurance de responsabilité du fait de véhicule, l’assureur est
obligé d’indemniser les victimes au nom de propriétaire du véhicule. Par l’interprétation de cet
article, l’assureur joue un rôle de mandataire de responsable dans la réparation de préjudice de
la victime. Ce qui nous permet de dire que l’action directe n’existe pas au Cambodge.

En droit français, l’évolution est plus vite que celle en droit cambodgien. D’ailleurs, le
droit français est l’un des plus avancés en la matière en Europe. Cela est logique car le droit
des assurances cambodgien ne revoit le jour qu’en 2000. Avant la loi de 28 mai 1913, la victime
ne pouvait pas saisir directement l’assureur du responsable car elle n’est pas partie au contrat.
Elle ne pouvait qu’agir en tant que créancier du responsable par voie d’action oblique. Mais le
résultat de cette action n’est pas satisfaisant car le gain reçu peut être réclamé par tous les
créanciers du responsable de l’accident.

Puis, la loi du 28 mai 1913 a changé cette situation en obligeant l’assureur à verser
l’indemnité d’assurance à la victime. Tout paiement par l’assureur à l’assuré responsable ne
libère pas l’assureur de son obligation envers la victime. C’était de même en droit cambodgien.
Toutefois, l’évolution ne cesse par là. La cour de cassation en voyant l’inconvénient invoqué
sous-dessus a offert à la victime une action directe comme moyen pour obliger l’assureur à lui
payer l’indemnité d’assurance(49).

Ensuite, elle est officiellement transposée dans le code des assurances dans son article
L.124-3 en vertu duquel « le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de
l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. L’assureur ne peut
payer à une autre personne que le tiers lésé, tout ou partie de la somme due par lui, tant que
ce tiers n’a pas été désintéressé, jusqu’à concurrence de ladite somme, des conséquences
pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l’assuré ».

En assurance de responsabilité en général, l’action directe est dite duale par la doctrine
car elle est née du droit à réparation de la victime mais dont l’exercice est limité par le contrat
d’assurance de responsabilité, ce qui ne semble pas vrai en assurance automobile obligatoire
car la plupart des franchises et exceptions ne sont pas opposables à la victime. Autrement dit,
la victime peut demander la réparation intégrale de son préjudice auprès de l’assureur du
responsable peu important la limite du contrat d’assurance.

Comment créer cette action au Cambodge ? La création simple devrait se faire par la
voie de la jurisprudence. Malheureusement, ce n’est pas le cas au Cambodge. L’affaire n’est
jamais portée devant la juridiction. Et s’il y en a un, cet arrêt ne peut pas constituer en un arrêt
de principe. De plus, la décision n’est pas publiée et nous ne pouvons pas la consulter. Il
vaudrait mieux que le législateur mentionne clairement que la victime dispose d’un droit
propre contre l’assureur de responsable pour éviter tout conflit éventuel et pour donner la
priorité à la victime.

§II : OBSTACLES A L’OBTENTION DE L’INDEMNITE

La faute de la victime(A), le fait du tiers et la force majeure(B) sont des obstacles
principaux pour la victime dans l’obtention de l’indemnité d’assurance en droit cambodgien.
Mais, ce n’est pas vraiment le cas en France.

A. Faute de la victime : une faute simple opposable à la victime en droit cambodgien

La faute de la victime est une cause d’exonération de la responsabilité pour le responsable
en droit commun. Est-ce que cette position est reprise par le droit des assurances ? La réponse
à cette question est positive si nous nous replaçons en droit cambodgien. L’article 37 de la loi
sur les assurances disposent que « tous ceux qui respectent le code de la route et ont subi le
dommage matériel ou corporel causé par les véhicules à usage commercial ont droit à une
réparation intégrale par la compagnie d’assurance ». En vertu de cet article, la faute simple de
la victime suffit de libérer soit totalement soit partiellement l’auteur du dommage et par
conséquent son assureur. A titre d’exemple, si un passager dépasse au feu rouge et est
renversé par un véhicule assuré, il ne pourrait pas obtenir la réparation intégrale car sa faute
est prise en considération pour déterminer son droit. C’est la reprise fidèle de la conception
classique posée par le droit commun de la responsabilité.

Par contre, en droit français, il faut tenir compte de la qualité de la victime pour savoir si
une faute simple suffit d’exonérer le responsable ou pas. L’article 3 de la loi Badinter prévoit
que « les victimes, hormis les conducteurs de véhicule terrestre à moteur, sont indemnisés des
dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subies, sans que puisse leur être
opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle est la cause exclusive
de l’accident ». L’article 4 de cette même loi rajoute que les conducteurs victimes se voient
réduire leurs droit à indemnisation s’il a commis une faute.

Selon ces deux articles, nous pouvons conclure que seule la faute inexcusable peut réduire
le droit à indemnisation de la victime si celle-ci est une victime non conductrice. La faute
inexcusable se définit comme une faute volontaire d’une exceptionnelle gravité, exposant sans
raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience(50). D’après cette
définition, la faute inexcusable n’est pas facile à caractériser. De plus, en pratique, la cour de
cassation admet rarement cette faute.

Nous constatons que la distinction entre la victime conductrice ou non conductrice n’est pas
convaincue du fait que toutes les victimes ont subi le dommage dans son corps peu important
son statut lors de l’accident. Il serait donc nécessaire de supprimer cette distinction. Toutefois,
la réparation intégrale de la victime fautive sauf celle qui a commis une faute inexcusable
constitue un régime d’indemnisation spécial dérogeant au droit commun de la responsabilité
selon lequel la victime peut être opposée par sa propre faute afin de réduire son droit
d’indemnisation. Cette disposition spécifique est bienvenue car elle mesure la finalité de
l’assurance automobile tout en équilibrant le droit des assureurs en lui accordant la possibilité
d’opposer la faute inexcusable à la victime.

B. Force majeure et fait du tiers : causes d’exonération en droit cambodgien

En droit français, l’article 2 de la loi Badinter du 5 juillet 1985 dispose que « les victimes, y
compris les conducteurs ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers par le
conducteur ou le gardien d’un véhicule mentionné à l’article premier ». D’après cet article, le
responsable ne peut s’exonérer même partiellement de sa responsabilité en invoquant la force
majeure ou le fait d’un tiers comme il peut le faire en droit commun de la responsabilité. En
conséquence, l’assureur de responsable doit obligatoirement indemniser la victime même si le
dommage résulte de ces événements.

Par contre, le droit cambodgien est silencieux en la matière. Nous retournons alors au droit
commun qui les considère comme causes d’exonération. En profitant de la faiblesse de la loi,
les assureurs stipulent dans leurs conditions générales une clause visant à exclure
systématiquement les dommages aux tiers causés par ces événements. A titre d’exemple, les
conditions générales de la compagnie d’assurance Forte qui est la plus grande compagnie
d’assurance au Cambodge stipulent dans son Chapitre Exception que la compagnie n’est pas
responsable si les accidents sont directement ou indirectement causés par les inondations,
typhon, ouragan, volcan, tremblement de terre et ou par autres événements naturels, etc.

Analyse et critique : la position du droit français est plus favorable à la victime car il tient
compte à titre de priorité la finalité de l’assurance automobile qui consiste à réparer le
dommage subi par la victime. De plus, cette position est bienvenue car ces événements ne
résultent pas de la faute de responsable, ni de la victime. Alors, ils ne visent pas à supprimer, ni
à réduire l’aléa qui est une condition indispensable au contrat d’assurance.
Il conviendrait alors pour le Cambodge d’envisager cette position dans son droit positif pour
améliorer la situation de la victime.

48 M.COZIAN, L’action directe, préf.A.PONSARD, LGDJ, bibl. dr. Priv., t. 92, 1969, n° 9 et n° 555.
49 Cass.Civ., 14 juin 1926, D.P.1927, 1, p.57, rap. COLIN et note J.JOSSERAND, S 1925, 1, p.25, note P. ESMEN
50 Cass. 2eme civ., 20 juillet 1987, 11 arrets

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