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Section 2 – Conception adaptée à la matière contractuelle

ADIAL

Une partie de la doctrine plaide en faveur de l’autonomie de la faute dolosive. Cette
volonté est compréhensible en matière contractuelle puisque l’assuré fautif n’a pas
recherché le dommage. Néanmoins, cette conception se heurte à un certain nombre de
difficultés.

§ 1 – Travaux préparatoires

La lettre de l’article L. 113-1 vise la faute « intentionnelle ou dolosive ». D’où un
premier argument doctrinal pour justifier la distinction entre les deux fautes(83). En effet,
les travaux préparatoires de la loi de 1930 énoncent que « seule la faute intentionnelle
n’est pas prise en charge par l’assureur, et l’expression « dolosive » n’ajoute rien au
terme « intentionnelle ». Le rapporteur ajoute que « ces deux qualifications données à
la faute exclue de la garantie de l’assureur sont équivalentes, elles répondent à la
même notion : tout dommage causé avec intention est dolosif, le dol est un
manquement intentionnel à une obligation »(84).

Or, si tout dommage causé avec intention est dolosif, un manquement à une obligation
l’est aussi : ça n’implique pas pour autant que tout manquement à une obligation soit
forcément intentionnel dans la recherche du dommage. En conséquence, la volonté du
législateur d’assimiler les deux fautes reste douteuse. Qui plus est, pourquoi énumérer les
deux fautes si celles-ci sont strictement équivalentes ?

§ 2 – Conditions de la faute dolosive

La faute intentionnelle au sens classique du terme suppose la réunion de deux éléments :
une faute volontaire et consciente, et la recherche du dommage survenu. Or, s’il faut
distinguer entre la faute dolosive et la faute intentionnelle, seul le premier critère leur est
commun : une faute volontaire et consciente. Le second critère diverge car il s’agit de la
suppression de l’aléa propre au contrat d’assurance, fondé sur l’article 1964 du Code civil.
En commettant une faute volontaire et en sachant qu’il s’en suivrait un dommage pour son
cocontractant, l’assuré a supprimé l’incertitude inhérente à l’opération d’assurance. La
recherche du dommage n’est donc plus nécessaire(85).

§ 3 – Admission en jurisprudence

La faute dolosive semble avoir été admise à plusieurs reprises en jurisprudence. A titre
d’exemple, selon un arrêt du 22 septembre 2005(86), la SAPN avait lancé un appel d’offres
en vue de la construction d’un viaduc. Deux sociétés avaient candidaté mais une seule
avait respecté la procédure, laquelle est strictement régie par le Code des marchés
publics. Pourtant, l’offre de la société Bouygues fut retenue alors que celle-ci n’avait pas
respecté la procédure. Comme il fallait s’y attendre, le concurrent évincé a agi devant les
juridictions administratives et la SAPN a été condamnée au versement de dommages et
intérêts. Néanmoins, son assureur a dénié sa garantie en se retranchant derrière la faute
intentionnelle de l’article L. 113-1 du Code des assurances. La Cour d’appel lui a donné
raison en considérant que les fautes commises par la SAPN devaient nécessairement
donner lieu à une réclamation amiable ou judiciaire ; en outre, en évinçant le meilleur
candidat, ladite société a fait perdre tout caractère incertain à l’évènement dommageable.
Un pourvoi en cassation a donc été formé contre cet arrêt, mais la Cour régulatrice l’a
également rejeté au motif que « de ces énonciations et constatations, desquelles il résulte
que tout aléa avait disparu, la Cour d’appel a exactement déduit que l’assureur était
déchargé de son obligation de garantie ».

Même si la Cour vise la faute intentionnelle, c’est bien d’une faute dolosive dont il s’agit,
car le critère de la recherche du dommage est remplacé par la suppression de l’aléa du
fait de l’assuré.

Dans un arrêt postérieur(87) , la faute intentionnelle a aussi été reconnue à l’encontre d’un
avocat qui, en versant tardivement le prix d’une adjudication, avait causé un préjudice à
ses clients adjudicataires. Dans cette espèce, la Cour a considéré que la faute
intentionnelle était caractérisée dès lors que spécialisé depuis des années dans les ventes
adjudicataires, l’avocat ne pouvait ignorer le dommage qu’il causait à ses clients.
Néanmoins, connaitre la survenance certaine du dommage n’est pas le rechercher, même
si la frontière est mince. Selon les termes du Professeur Groutel, « la suppression de
l’aléa remplace la recherche du dommage ».

83 J. Kullmann, Lamy assurances 2011, n°1296 ; S. Abravanel-Jolly, Maintien regrettable d’une conception
unitaire de la faute intentionnelle en droit des assurances, Actuassurance 2011, n°18.
84 Rapp. Godard, JO Doc. parl. ch., 2e séance, 7 avril 1925, ann. n°1544, p. 637.
85 S. Abravanel-Jolly, Notion de faute intentionnelle en droit des assurances : une nécessaire dualité,
Actuassurance 2009, analyse n°10.
86 Cass. 2e civ. 22 sept. 2005, n°04-17.232, RGDA 2005, p. 907, note J. Kullmann ; Resp. civ. et assur. 2005,
comm. 370, note H. Groutel.
87 Cass. 2e civ. 24 mai 2006, n°03-21.024, RGDA 2006 p. 632, note J. Kullmann.

CHAPITRE 2 – OBSTACLES À L’AUTONOMIE DE LA FAUTE DOLOSIVE

Les obstacles à la reconnaissance de l’autonomie de la faute dolosive seront présentés en
deux points successifs. Le premier consistera à expliquer en quoi les critères de cette
faute sont inadéquats (section 1), et le second à illustrer l’hostilité de la jurisprudence visà-
vis de cet assouplissement (section 2).

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