Comme le souligne à juste titre le Professeur Mayaux, les critères traditionnels de
l’inassurabilité semblent aujourd’hui dépassés. Il conviendra donc d’analyser cette
§ 1 – Critère technique
Traditionnellement, le critère technique vise la disparition de l’aléa : l’assuré dont la faute
volontaire n’a laissé aucune place à l’aléa ne peut être couvert par l’assurance.
Néanmoins ce critère semble inadéquat : peu importe les agissements fautifs de l’assuré,
il subsiste toujours une part d’aléa, aussi infime soit elle.
C’est la raison pour laquelle le Professeur Mayaux a proposé une conception plus
moderne de ce critère technique : selon cet auteur, si l’assurance répond à un besoin de
sécurité, ce besoin ne peut exister que pour les risques sur lesquels l’assuré n’a pas la
maîtrise totale. Néanmoins, l’assuré peut aussi souhaiter se prémunir contre les
conséquences de ses propres fautes volontaires : dans cette hypothèse, il existe un risque
mais l’assurance n’a pas vocation à le couvrir, car l’équilibre financier calculé par les
entreprises d’assurance serait tronqué.
Or, la faute intentionnelle suppose une faute volontaire et consciente, tendue vers un
dommage déterminé : une telle faute entre alors en contradiction avec le critère technique
en raison de son caractère volontaire. Il en va de même lorsque l’assuré, sans avoir
souhaité nuire à autrui mais en connaissant le dommage qui s’en suivra, commet tout de
même une faute volontaire. Dès lors, le caractère volontaire de la faute, couplé avec la
connaissance du dommage, la rend inassurable au regard du fondement technique.
§ 2 – Critère moral
Classiquement, l’assurance de la faute intentionnelle est prohibée car, selon la doctrine
classique, elle inciterait les individus à porter impunément atteinte aux personnes et aux
biens. Les assurés seraient ainsi tentés de sacrifier leurs biens et les intérêts des tiers,
afin de tirer profit de l’assurance. Mais comme le fait logiquement remarquer le Professeur
Mayaux(98), ce raisonnement ne semble pas pertinent. En effet, par le jeu des plafonds de
garantie, des exclusions, des franchises, et des valeurs prises en compte pour
l’indemnisation (valeur à neuf, valeur vénale, etc.), l’assuré ne sera presque jamais
indemnisé pour le montant total de son préjudice. Il n’est alors guère probable que
l’assurance puisse aussi facilement être taxée d’incitation à l’immoralité.
Néanmoins, selon cet auteur, l’assurance doit rester au dessus de tout soupçon : même si
elle est irréprochable, c’est-à-dire sans incidence sur les méfaits des assurés, elle ne peut
s’offrir le luxe d’être ne serait-ce que suspectée. C’est la raison pour laquelle la faute
intentionnelle ne peut pas être prise en charge : « il faut que celle-ci (l’assurance) puisse
se développer sur des bases saines, qu’elle ne puisse être accusée d’être destructrice
alors qu’elle devrait être seulement réparatrice ».
Or, le fait que la connaissance du dommage soit assimilée à la recherche de celui-ci, par
le jeu d’une présomption, ne change rien à son caractère inassurable. L’assurance peutêtre
soupçonnée, à juste titre ou non, d’encourager les manquements dès lors que sont
prises en charge les conséquences dommageables des fautes pour lesquelles l’assuré
connaissait le préjudice qu’il causerait en agissant de la sorte.
98 L. Mayaux, Les grandes questions du droit des assurances — La notion de faute intentionnelle de
l’assuré : quelle évolution ? LGDJ 2011.
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