Dans un premier temps, seront étudiés les effets vertueux d’une telle solution pour
l’assureur. Puis, dans un second temps, sera envisagée la situation de l’assuré et de la
victime.
§ 1 – Solution vertueuse pour l’assureur
Depuis la fin du 18e siècle jusqu’à aujourd’hui, le champ de l’assurabilité n’a cessé de
s’étendre : de la faute simple à la faute inexcusable, les assureurs tendent à offrir le plus
de garanties possibles à leurs assurés. Néanmoins, il existe et existera toujours une limite,
et il s’agit de la faute intentionnelle. Comme le rappelle le Professeur Mayaux : « le
mouvement amorcé avec l’admission de l’assurance des fautes ordinaires de l’assuré puis
de sa faute inexcusable ne saurait trouver son épilogue dans la possibilité d’assurer sa
faute intentionnelle »(99). Et pour cause, l’assurance des fautes volontaires, tendues vers la
production d’un dommage connu, ne relève pas du rôle de l’assurance.
Or, lorsque les juges exigent que l’assuré ait recherché la production du dommage
effectivement survenu, ils rendent assurables les fautes volontaires. En effet, puisque la
preuve est quasiment impossible à rapporter (« probatio diabolica » disaient nos ancêtres
latins), la faute intentionnelle ne peut pas être retenue et l’assureur sera tenu à garantie.
Cette situation n’est pas satisfaisante : l’assurance ne peut et ne doit pas être assimilée à
un fonds de garantie dont l’objet est l’indemnisation systématique des victimes. Au
contraire, il semble plutôt que l’assurance soit un instrument de protection du patrimoine,
un contrat de droit privé. Partant de ce constat, l’assurance ne doit pas être dénaturée ou
détournée de son objet comme c’est actuellement le cas en jurisprudence : les affaires
dans lesquelles la faute intentionnelle est retenue restent très marginales, alors que la
mauvaise foi de l’assuré est souvent plus que flagrante.
D’où l’intérêt de recourir à la présomption proposée par le Professeur Mayaux : dès lors
que l’assureur, par une appréciation in concreto, aura démontré que l’assuré ne pouvait
pas ignorer les conséquences dommageables qui découleraient nécessairement de sa
faute, la garantie ne sera pas due. Cette solution permettra d’instaurer une situation
juridique vertueuse dans laquelle la mauvaise foi de l’assuré ne restera pas impunie.
§ 2 – Solution vertueuse pour l’assuré et la victime
Retenir la faute intentionnelle de l’assuré dès lors que celui-ci connaissait le dommage qui
suivrait nécessairement ses actes fautifs permettrait également d’aboutir à un certain
nombre d’avantages non négligeables.
Tout d’abord, cela permettrait de retrouver une certaine cohérence vis-à-vis des règles de
la responsabilité civile. En effet, celles-ci retiennent de plus en plus facilement la
responsabilité des justiciables et l’assurance a naturellement pour objectif de prendre en
charge les conséquences de leurs fautes. Néanmoins, lorsqu’un assuré commet une faute
dolosive ou intentionnelle, au sens du droit civil, les clauses pénales ou limitatives de
responsabilité sont écartées, et le dommage doit être réparé intégralement. Ces sanctions
spécifiques accompagnent les fautes les plus graves et visent à véritablement « punir » le
responsable. Dès lors, pourquoi un assuré condamné civilement pour une faute volontaire
devrait-il pouvoir appeler son assureur en garantie ? Certes, indemniser la victime est le
rôle de l’assureur, sauf lorsque la faute est volontaire et tendue vers la réalisation d’un
dommage. Dans cette hypothèse, le responsable devrait affronter seul les conséquences
de ses errements.
Quant à la victime, ses intérêts ne sont nullement sacrifiés, loin de là. En effet, la faute
intentionnelle doit rester l’exception, puisqu’elle suppose que la faute soit volontaire et que
l’assuré ait connaissance du dommage qui surviendra inéluctablement. Ainsi, la
qualification de cette faute reste à la marge.
Enfin, la faute intentionnelle doit être sanctionnée au stade de l’assurance, comme le
suggère astucieusement le Professeur Bigot(100). Un juste équilibre doit être trouvé entre les
intérêts des uns et des autres, et cet équilibre ne passe pas nécessairement par une
indemnisation systématique de la victime (étant précisé que dans certaines situations bien
précises, les fonds de garantie sont amenés à intervenir(101)).
99 L. Mayaux, Les grandes questions du droit des assurances — La notion de faute intentionnelle de
l’assuré : quelle évolution ? LGDJ 2011.
100 J. Bigot, Les limites du risque assurable, RGAT 1978, p. 174
101 Notamment, le Fonds de Garantie des victimes des actes de Terrorisme et d’autres Infractions (FGTI)
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