Tout d’abord, il sera opportun de démontrer que l’assimilation de la connaissance à la
recherche du dommage a déjà été admise en jurisprudence, au moins implicitement.
Ensuite, sera proposé un attendu de principe prenant en compte la modification apportée
à la notion de faute intentionnelle, au sens de l’article L. 113-1.
§ 1 – Notion plusieurs fois admise en jurisprudence
En prenant les arrêts par ordre chronologique, la Cour de cassation a jugé en 1993(102) que
devait être approuvée une Cour d’appel d’avoir admis la faute intentionnelle d’un agent
immobilier, au motif que ledit agent avait eu « conscience » du dommage qu’allaient subir
les acquéreurs. En l’espèce, un agent immobilier avait reçu mandat pour vendre un
immeuble d’habitation contre la somme de 300.000 francs et une rente viagère de 5.500
francs mensuels. Pourtant, il fit ratifier deux promesses d’achat, et comme il fallait s’y
attendre, un acquéreur agit contre lui en paiement de dommages et intérêt. Le point le
plus intéressant de cette affaire est que l’assuré invoqua le fait que la faute intentionnelle
suppose la volonté de réaliser le dommage et de le provoquer sciemment. Or, la première
chambre civile a écarté l’argument en considérant que le fait d’avoir menti aux vendeurs
faisait supposer la volonté de provoquer le dommage. Ainsi, dans cet arrêt la
connaissance du dommage vient à l’appui de manoeuvres dolosives pour qualifier la faute
intentionnelle.
De façon beaucoup plus récente, le 30 juin 2011(103), la deuxième chambre civile de la Cour
de cassation a implicitement retenu cette solution : en l’espèce, le syndic d’une
copropriété a souscrit une assurance « multirisque immeuble » mais la nullité de ce
contrat a été prononcée pour fausse déclaration intentionnelle, par une décision
irrévocable. Suite à une série de dégâts de eaux, le syndic a été condamné à garantir la
copropriété des condamnations mises à sa charge et a donc assigné en garantie son
assureur responsabilité civile professionnelle. Néanmoins, la Cour d’appel d’Aix-en-
Provence fera droit à l’assureur, d’où la formation d’un pourvoi en cassation. Ainsi, l’assuré
invoque le fait que la faute intentionnelle, au sens de l’article L. 113-1 du Code des
assurances, est celle qui implique, de la part de son auteur, la volonté de créer le
dommage tel qu’il est survenu. En effet, la Cour de cassation, dans ces motifs reprendra
cette définition, mais ajoutera qu’en souscrivant de mauvaise foi une police d’assurance
multirisque immeuble, et en sachant que cette police encourait la nullité pour un motif
évident, la société avait voulu faire supporter à son propre assureur de responsabilité la
charge du sinistre non indemnisée par l’assureur du contrat multirisque.
Dans cette affaire, le point intéressant est que la Cour régulatrice observe d’abord que
l’assuré connaissait le risque de nullité dont le contrat était entaché, pour en déduire la
volonté de faire supporter ses condamnations par son assureur de responsabilité.
Toutefois, cet arrêt manque de clarté, tant dans ses faits que dans son dispositif ; il faut
donc se garder de toute conclusion hâtive.
§ 2 – Nécessaire clarification issue de la Cour de cassation
La faute intentionnelle est à l’origine d’une insécurité juridique préoccupante depuis bien
trop longtemps. Il serait donc sage que la Cour de cassation intervienne pour fixer la
jurisprudence en apportant une solution équilibrée qui tiendrait compte des particularités
de la matière contractuelle.
Or, la présomption selon laquelle la connaissance du dommage qui surviendra
nécessairement suppose la recherche de celui-ci, est à même de d’instaurer ce nouvel
équilibre : l’assureur protège son équilibre financier des sinistres volontaires, l’assuré de
bonne foi sera garanti, et la victime aussi puisque la qualification de faute intentionnelle
reste très à la marge. Dans le cas contraire, il est parfois possible de faire appel au Fonds
de garantie des victimes d’infractions.
Ainsi, l’attendu de principe de la Cour de cassation pourrait se présenter comme tel :
« Attendu que la faute intentionnelle, au sens de l’article L. 113-1 du Code des
assurances, suppose non seulement un geste volontaire et conscient de l’assuré, mais
aussi la connaissance du dommage qui en sera la conséquence inéluctable, laquelle
fait irréfragablement présumer la recherche de celui-ci ».
Cette solution aurait le mérite de la clarté et permettrait d’aboutir à une solution équilibrée
entre les différentes parties en présence.
102 Cass. 1re, 7 juill. 1993, n°91-18.075, RGAT 1994, p. 230.
103 Cass. 2e, 30 juin 2011, n°10-23.004.
Retour au menu : ÉVOLUTION DE LA FAUTE INTENTIONNELLE EN DROIT DES ASSURANCES