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Section 1 : L’intervention des marchés financiers : les dérivés climatiques

ADIAL

Ces produits, dont les dérivés climatiques sont les plus courants, sont très différents des produits d’assurances même s’ils ont une finalité commune, la couverture d’un risque(A). En raison de leur complexité et de leur caractère inédit, le transfert alternatif des risques d’intensité est encadré par un formalisme boursier particulier (B).

A- Un mécanisme divergent de l’assurance

L’assurance et la réassurance classiques ne sont pas toujours en capacité de pouvoir répondre au besoin de couverture de certains risques, soit parce qu’ils sont démesurés en rapport du marché, soit parce que leur coût de transfert au marché de l’assurance serait exorbitant. Les risques environnementaux, de par leur conséquence, sont une charge importante pour les entreprises qui veulent s’en prémunir, tout comme pour l’assureur et le réassureur qui doivent s’engager à l’indemnisation en cas de survenance d’un sinistre. De manière classique, les assureurs ont recours au marché de la réassurance afin de céder une partie de leurs engagements et libérer du cash-flow. Le marché de la réassurance est également soumis à des variations tarifaires cycliques « hard » et « soft market ». Les variations à la hausse peuvent être engendrées par un épuisement des capacités, du fait de la survenance d’un sinistre majeur. Les risques de catastrophes naturelles sont extrêmement volatiles et l’intégralité des capacités en présence sur le marché de l’assurance et de la réassurance pourraient s’avérer insuffisante en cas de survenance d’un « big one ». La titrisation, ou l’émission de dérivés climatiques sur les marchés boursiers a pour effet vertueux de soulager le marché de la réassurance de ces risques à forte volatilité que sont les catastrophes naturelles. Ce mécanisme propre à l’assurance porte le nom d’ILS(141) L’intérêt du transfert des risques réside principalement en sa capacité à mobiliser des sommes colossales, présentes sur les marchés financiers, dans une période de temps très courte. Ce qui accélère les temps d’indemnisation et réduit les risques de dérive des coûts de frais supplémentaires d’exploitation ou de perte d’exploitation consécutive à un sinistre garanti.

Les entreprises tendent à transférer les risques les plus défavorables pour leurs activités, et dont elles ne pourraient pas internaliser les conséquences, ce qui peut, pour l’assureur, avoir un effet anti-sélectif et concourir à des niveaux de primes élevés. Le risque climatique a un impact financier pour les entreprises estimé «à 30% du PIB d’une économie développée », il s’agit de la part de l’activité météo-sensible.(142) Les entreprises du secteur privé ont dès 1997 élaboré des contrats dont l’objet était le risque climatique. La première en la matière fut Enron, entreprise américaine du secteur énergétique qui souhaitait se prémunir contre les risques d’un hiver trop doux.

Le contrat de dérivés climatiques ont été les premiers instruments de transfert du risque. Ce type de contrat diverge du contrat d’assurance pur dans le sens où ce dernier est une « opération par laquelle un assureur s’engage à exécuter une prestation au profit d’une autre personne en cas de réalisation d’un événement aléatoire en contrepartie du paiement d’une prime. » L’assurance implique juridiquement l’intervention d’un « assureur », d’une « prime » et d’un « événement aléatoire ». L’assureur est celui défini par les articles L.310-1et suivants du code des assurances ; il est soumis à des conditions drastiques d’entrée sur le marché et d’exercice de la profession.

Le contrat d’assurance est une convention juridique régie par le code des assurances, et qui induit pour être valide, le versement d’une prime, contrepartie de l’engagement de l’assureur. La prime est déterminée en fonction de la déclaration des risques par l’assuré au moment de la souscription. Elle est modulée par un calcul actuariel précis, en vue de la détermination de la prime pure, le coût du risque, puis un taux de chargement, les surprimes des garanties CatNat et GAREAT(143) sont ajoutées ainsi qu’une marge qui inclut les frais fixes et variables de l’entreprise et les taxes, ce qui correspond à la prime nette, soit le prix proposé de l’engagement. La prime est un élément déterminant qui évolue avec le risque au sens de l’article L.113-2, 3°) du code des assurances. Elle doit être payée selon une périodicité, à l’échéance établie au contrat d’assurance. La prime en la matière est un « pay-off » qui peut être réglé au moment de la conclusion de la transaction boursière ou à l’échéance du sous-jacent. Les modalités de calculs du pay-off sont régis par la logique boursière de l’espérance de gains futurs.

La prestation d’assurance, objet de la convention est évaluée en cas de survenance de l’événement couvert. L’indemnisation sera fonction d’une validation à dire d’expert ou encore d’une indemnité fixe, selon ce qui aura été établi contractuellement et ce, en fonction d’un préjudice matérialisé qui peut être matériel, corporel ou immatériel. A l’inverse, le contrat de dérivé climatique ne concerne que les entreprises dont l’activité peut être altérée par le climat. Ce mécanisme est une solution moins large que l’assurance, convention de gré à gré et intuitu personae dans ses modalités de primes et d’indemnités.
Le dérivé climatique est un support qui pallie les limites de capacités du marché de l’assurance et de la réassurance. Il pallie le risque de crédit auquel les assureurs peuvent faire face en cas d’une éventuelle faillite du réassureur cédant. Il s’agit d’un placement basé sur de la diversification de portefeuille, à fort rendement et notamment plus avantageux que le rendement des obligations privées de rating équivalent, du fait de l’existence d’un risque de crédit absent des placements climatiques.

Il s’agit de la mise sur le marché d’un produit financier à but spéculatif qui ouvre droit au versement d’un montant, à partir du moment où une limite prédéfinie – le sous-jacent, est atteint. Le dénouement de la dérivée climatique est basé sur des lois mathématiques de stochastiques, il est dénué de la notion de préjudice, ce qui est diamétralement opposé à la philosophie de la notion d’assurance. L’élément déclencheur pour une dérivée n’est pas la survenance d’un fait générateur, mais de manière analogique au mécanisme de l’assurance classique, il s’agit de la réalisation d’une condition déterminée lors de la transaction, autrement dit l’atteinte d’une limite. Le fondement est l’indexation, notamment en matière de température. Les dérivés climatiques sont adossés sur cette notion et plusieurs conceptions sont envisagées.

Au sein des dérivés climatiques existent les Catbonds, qui sont également des produits dédiés aux risques climatiques. Elles répondent aux mêmes besoins de couverture que les dérivés climatiques mais leur fonctionnement diverge. Le schéma diffère, il est basé sur une SPV (special purpose vehicle) qui est la contrepartie d’un contrat de réassurance avec une société. La SPV émet un produit financier, dit Catbond ou OPCVM de nature catastrophique dont des parts sont proposées à des investisseurs institutionnels. Le bénéfice est utilisé afin d’acquérir des titres non-risqués tels que des obligations. Le placement a une durée limitée et sa résolution est soumise à la définition d’un paramètre ou d’un index.

Lors de la durée du placement et dans l’hypothèse où aucun sinistre ne survient, les actionnaires de la SPV reçoivent des coupons provenant des intérêts des obligations collatéralisées renforcés par les primes de réassurance. A l’échéance, et à défaut de sinistre, les investisseurs récupèrent le capital versé initialement.

Par contre, si une catastrophe naturelle survient pendant la durée du placement, alors les titres collatéralisés viennent financer les pertes dues à l’événement. Les investisseurs perdent, par conséquent, tout ou partie du capital de départ investi. Ce capital est versé à l’assureur qui peut l’utiliser afin d’indemniser les préjudices causés par l’évènement en question. Les Catbonds sont émis en fonction d’une modélisation impliquant la maîtrise de données d’évènements catastrophiques, l’évaluation des coûts probables des dégâts subis par chaque typologie de catastrophe et l’estimation des pertes supportées par l’assureur et le réassureur. Ces indices de déclenchement d’un Catbond peuvent être liés à la survenance d’un premier événement ou d’un second, ce qui a pour avantage un rechargement de ligne de réassurance catastrophique, qui est en temps normal difficile et d’autant plus s’il s’agit d’un événement majeur. Le lien de réassurance est fondamental dans la prise en compte de la couverture et ses marges de solvabilité, la nature juridique du contrat de réassurance doit être évoqué et plus particulièrement les déclencheurs liés à des indices de marché ou paramétriques. Les mouvements financiers ne sont pas liés à des remboursements de sinistres réels mais à des modélisations.

Les produits dérivés sont une réponse originale qui évolue dans un cadre juridique particulier.

B- Le cadre de la titrisation

La titrisation est un mécanisme efficace tendant à dégager, dans un temps assez réduit, des capacités financières importantes. Ces produits sont très appréciés des investisseurs mais dans un cadre délimité par le risque sous-jacent. Dans ce registre, les risques de tremblement de terre et d’ouragan sont les plus titrisés et les Etats-Unis représentent le marché principal, même si certains marchés de gré à gré se développent dans d’autres zones géographiques.
Malgré la crise financière de 2007-2010, la confiance des acteurs n’a jamais faibli en ce qui concerne les dérivés climatiques.

En 2010, ces titres particuliers sont arrivés à un pic avec un encours global annuel de 4,3 milliards, soit 80% des volumes d’émissions totales de la titrisation assurance. Les risques d’ouragans et de tremblement de terre aux Etats-Unis sont les sous-jacents principaux, avec des titres s’élevant à 2,7 milliards pour les ouragans et à 2,3 milliards pour les tremblements de terre. La plupart des produits jouissent d’une très bonne notation, « BB » pour la plupart(144). Leur maturité d’émission oscille entre 3 et 3 ans et demi. Les titres arrivant à échéance sont en général renouvelés directement. La stratégie d’investissement de court terme permet d’attirer et de renouveler l’intérêt des investisseurs. Pour ce faire, si le cadre financier des produits les rend attractifs, il n’en demeure pas moins impératif que le sous-jacent soit le levier principal d’intérêt pour les investisseurs qui peuvent trouver ces produits dans des lieux d’échanges bien spécifiques. Le scope de ces produits est délimité par un indice, géographique voire micro-géographique pour les dérivés, ou paramétrique pour les Catbonds. La couverture du « risque » est spécifique à une zone et une durée, à savoir celle de placement. Ces produits doivent être conçus au cas par cas et de manière ponctuelle, ce n’est possible que dans l’hypothèse d’une disponibilité de modèles statistiques sur le risque tel que défini.

La titrisation des risques climatiques est un marché hypra concentré, quelques places offrent ces prestations. Le Chicago Board of Trade est le plus ancien dans le domaine, il existe également le Bermuda Commodity Exchange. Le marché des matières premières de Chicago est l’un des tous premiers à s’être intéressé aux risques climatiques et à leur transposition en produits financiers, source d’appétence pour divers investisseurs. Il est réputé pour sa spécialisation dans les produits dérivés innovants.

A l’origine, il s’est appuyé sur une gamme d’indices appartenant au registre des dommages enregistrés par l’industrie assurantielle aux Etats-unis, les PCL Loss index. Il s’agit d’indices locaux et liés à la survenance d’événements climatiques dans une zone et une période déterminées. A partir de ces indices, ont émergés trois grands types de produits :

– les futures sur indices catastrophiques ;
– des options dont le principe était calqué sur les options basées sur les indices de marché, à la différence près qu’il inclut des pay-off identiques à des couvertures en excédents de sinistres offertes par des réassureurs. Par conséquent, en 2 000, la concurrence des réassureurs dans un marché de réassurance soft, a entrainé la suspension des cotations de ce type d’options ;
– des obligations indexées ou Catbonds.

Ce marché fonctionne avec deux principaux indices : HDD et CDD. Ils sont le résultat de la modélisation de divers relevés de températures aux Etats-Unis, en Europe et en Asie. Ils permettent de mesurer l’écart entre température moyenne et de référence pour un territoire donné et bien défini. Ces indices ont été modélisés afin de répondre aux besoins des entreprises énergétiques telles qu’Enron. Leur préoccupation première était de se prémunir contre les hivers trop froids ou trop chauds qui les contraignaient à acheter des réserves d’énergie à des producteurs à prix hauts lorsque l’hiver était plus froid(145) que prévu, ou à réduire leur stock d’énergie en cas d’hiver trop doux.

En parallèle, s’est développé une deuxième place d’échange, le CATEX ou Catastrophe Risk Exchange qui est un marché de gré à gré dédié uniquement aux transactions de nature catastrophiques. Il s’agit d’un marché créé à cet effet en 1995 dans le New Jersey et réservé (146)à la diversification des portefeuilles en cédant des risques sur certaines zones par le truchement d’un swap. La renommée du CATEX est basée sur son système informatique très performant, offrant la possibilité d’obtenir des informations modélisées sur les risques proposés. Il existe également le Bermuda Commodity Exchange situé aux Bermudes qui a développé des contrats futures sur indices catastrophiques sur un marché de gré à gré.

Outre, les Etats-Unis, les places boursières européennes ont étendu leur domaine d’activités aux dérivés climatiques. Euronext avait développé les indices NextWethear en France, et en Europe ; puis, le London International Financial Futures proposait en parallèle des produits similaires ainsi que des futures et des options climatiques avant de les retirer du marché vers 2003.

A ce jour, Euronext propose encore cette gamme de produits par l’intermédiaire de sa filiale dédiée PowerNext, il s’agit d’un marché de gré à gré. Ces produits sont basés sur des indices français et européens. Toutefois, les encours en présence sur ce marché ne sont pas du même ordre quantitatif que ceux des marchés Nord-Américains du Catex et du Chicago Board of Trade. Le risque climatique ne fait pas l’objet de la même prise en considération d’une rive à l’autre de l’Atlantique.

En effet, le sous-continent Nord-Américain est soumis depuis des décennies à des événements naturels dévastateurs(147) et l’assurance locale s’est développée corrélativement, en phase avec ces événements. Or, dans les pays européens, la notion d’Etat repose sur une conception interventionniste, proche de la pensée de John Locke(148), qu’il soit Etat Providence à tendance Bismarkienne ou Beveridgienne. Ce propos est clairement illustré par les créations de régimes spéciaux d’indemnisation des dommages causés par des catastrophes naturelles dans la majeure partie des Etats de l’Union Européenne.(149) A leur image, le transfert alternatif des risques connait également des limites (Section 2).

141 ILS : Insurance Linked Securities
142 Un rapport du Département du Commerce Américain souligne que 30% du PIB mondial – soit l’équivalent de 18 000 Milliards de dollars de produits et de services -, sont dépendants de la météo.
143 Article L.125-1 et L.422-1 du code des assurances
144 Standard and Poor’s : interview de Lotfii Elbarhdadi directeur assurance de S&P, la Tribune de l’Assurance N°156- Mars 2011.
145 Indice HDD dont la température de référence est de 18.3C° pour les USA.
146 http://catex.com
147 Tremblement de terre à Sans Francisco en 1906.
148 Qui estime que le droit positif est soumis aux lois de la nature qui se manifeste par le corps législatif in « Laws of Nature »
149 Consorcio de Seguros au Royaume d’Espagne, Régime des CatNat en France.

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