Gagne de la cryptomonnaie GRATUITE en 5 clics et aide institut numérique à propager la connaissance universitaire >> CLIQUEZ ICI <<

INTRODUCTION

ADIAL

« Notre santé est chose bien trop importante pour la laisser aux seuls médecins »(1), c’est pourquoi très tôt la protection de la santé est devenue un combat universel.

« La Nation […] garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ».(2)

La santé a été définie comme « un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». La place que l’on attribue à la protection de la santé dans notre société est telle que « la possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain. » (3)

Les progrès incessants de la médecine ont permis, et continuent de permettre, l’apparition de produits de santé destinés à améliorer l’état de santé des patients. La liste de ces produits est en constante extension. En effet, l’expression « produit de santé » recouvre une réalité multiple, toutefois en simplifiant quelque peu, trois catégories de produits peuvent être ainsi distinguées.

On inclut tout d’abord la catégorie des matériels et instruments qui comprend non seulement les instruments utilisés pour traiter les patients, mais aussi l’ensemble des équipements et machines nécessaires aux soins en général, ainsi qu’au maintien de l’hygiène, notamment dans un établissement de soins: le matériel de diagnostic, les défibrillateurs, les gants ou encore les cathéters.

Puis, la jurisprudence avait déjà qualifié et traité certains dispositifs mis en place pour suppléer des fonctions mécaniques ou vitales comme des produits de santé(4). La loi est venue confirmer cette position à travers la notion de dispositif médical défini par l’article L5211-1 du Code de la santé publique comme « tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l’exception des produits d’origine humaine, destiné par le fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins médicales et dont l’action principale voulue n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens. »

Les médicaments font également partie de cette catégorie des produits de santé. On entend par médicament, au sens de l’article L5111-1 du Code de la santé publique « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique ». Sont notamment considérés comme des médicaments les produits diététiques.

Il est important de noter que la notion de « progrès de la médecine » ne semble pas adaptée, il conviendrait mieux d’utiliser l’expression « d’évolutions ou de découvertes médicales ». En effet, nous sommes face à une situation paradoxale dans laquelle les produits de santé destinés à l’origine à produire un effet positif sur l’état de santé des patients ont pu et peuvent encore se révéler nocifs pour ces derniers.

Les exemples de dommages causés aux patients par des produits de santé ont été nombreux et l’actualité reste très riche en la matière.

On peut évidemment penser à l’affaire du sang contaminé dans laquelle entre 1980 et 1985 plus de 6000 personnes ont été contaminées par le virus du SIDA et plus de 100 000 autres par le virus de l’hépatite C à la suite de transfusions sanguines. De très nombreuses actions contentieuses ont par la suite été intentées, tant devant les tribunaux judiciaires que devant les juridictions administratives. Compte tenu de l’ampleur du problème, un fonds d’indemnisation a été créé par la loi du 31 décembre 1991(5) concernant uniquement le virus HIV.

Le gel silicone, très utilisé dans les prothèses et en particulier pour les prothèses mammaires a également posé problème. En effet, un nombre important de prothèses se sont révélées non étanches peu après leur implantation, le gel de silicone alors répandu dans le corps a pu provoquer des douleurs, des maladies voire des cancers.

Le scandale du Médiator® continue à faire couler de l’encre aujourd’hui. Ce médicament a été développé dans les années 70 à partir d’une nouvelle substance: le benfluorex, puissant anorexigène. Vingt ans plus tard, les anorexigènes, communément appelés « coupe-faim » sont interdits mais le Médiator® continue à être vendu et remboursé. Puis l’on découvre que ces médicaments sont dangereux pour les poumons. Le Médiator® est alors retiré du marché français le 18 mai 2010. De nombreuses victimes seraient décédées de son fait (entre 500 et 2000) et l’on estime à plus de cinq millions le nombre de personnes en France qui l’auraient consommé. L’affaire la plus récente concerne les pilules de troisième génération accusées d’augmenter le risque d’embolie pulmonaire.

Cette dangerosité potentielle du produit de santé en fait un produit à part, ne pouvant pas être appréhendé comme un produit quelconque. Pour tenir compte de cette nature spécifique, une régulation relativement stricte a été progressivement mise en place par le législateur.

Tout d’abord concernant la mise sur le marché, tout médicament doit faire l’objet d’une procédure d’autorisation préalable dite « Autorisation de Mise sur le Marché » (AMM). D’autre part, certains produits sont soumis à des normes complémentaires, plus contraignantes. Il en est ainsi, par exemple, des dispositifs implantables dont le contrôle et les règles de mise sur le marché ont fait l’objet d’une refonte visant à uniformiser la réglementation française avec le droit européen.(6) Il est notamment prévu un renforcement de l’évaluation clinique des dispositifs médicaux, avant comme après leur mise sur le marché.

En outre, le scandale provoqué par l’affaire du Médiator® a amené les pouvoirs publics à initier un durcissement de la législation sur le contrôle des produits de santé.(7) Désormais, la procédure d’AMM est complétée par l’obligation de réaliser des études de sécurité ou d’efficacité post-autorisation. Ainsi, une AMM peut être suspendue, retirée ou modifiée.

Au vu de toutes ces affaires mettant en cause la sécurité de certains produits de santé, le législateur est intervenu par une loi du 29 décembre 2011(8) en substituant à l’Afssaps (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé) une nouvelle (ANSM) qui reprend l’ensemble des compétences de la première à savoir garantir l’efficacité, la qualité et le bon usage des produits de santé mais en apportant quelques évolutions notables. Les principaux axes de cette réforme résident dans plus de transparence dans les relations entre les différents acteurs du secteur du médicament ainsi que dans l’accroissement des exigences de pharmacovigilance(9). La pharmacovigilance devient une notion incontournable, elle a pour objet la surveillance, l’évaluation, la prévention et la gestion du risque d’effet indésirable résultant de l’utilisation des médicaments et autres produits de santé.(10)

Malgré cette régulation assez stricte, le risque que des personnes soient victimes de dommages provoqués par des produits de santé est encore fort. Il est donc indispensable d’avoir un dispositif légal efficace tant dans la mise en cause des personnes responsables que dans l’indemnisation des victimes.

Les acteurs concernés par ce secteur du produit de santé sont les fabricants et vendeurs de produits de santé ainsi que les fournisseurs et utilisateurs de ces produits tels que les professionnels et les établissements de santé.

Le « droit commun » de la responsabilité du fait des produits de santé est issu de la directive du 25 juillet 1985(11), transposée par la loi du 19 mai 1998(12), qui consacre plus généralement la responsabilité du fait des produits défectueux. Cette directive règle de façon efficace la situation du producteur de produits de santé en le rendant responsable du dommage causé par un défaut de son produit, et ce sans faute de sa part.(13)

Concernant la mise en cause du fournisseur et de l’utilisateur du produit de santé, en particulier les professionnels de santé, elle a d’abord été résolue par la jurisprudence qui a instauré une obligation de sécurité-résultat au profit du patient, en cas de dommage causé à ce dernier.

Puis, face à la progression constante des mises en jeu de la responsabilité des professionnels de santé et des établissements de soins et au montant des indemnisations allouées sans cesse croissant, la souscription de contrats d’assurances spécifiques s’est très largement développée. Le contrat de responsabilité civile professionnelle est en effet fondamental tant pour la victime que pour l’assuré. Pour la victime c’est la garantie d’avoir en face d’elle un responsable solvable, pour l’assuré c’est la faculté de mutualiser un risque et éviter ainsi le risque de ruine.

C’est principalement pour atteindre cet objectif louable de protection des victimes que la loi n°2002-303 du 4 mars 2002(14), également connue sous le nom de « loi Kouchner » pose le principe d’une assurance obligatoire.(15)

Cette problématique se répercute évidemment sur les assureurs à tel point que l’offre d’assurance de responsabilité civile professionnelle pour les médecins s’est considérablement réduite sous la pression conjuguée de la dégradation du risque liée d’une part à l’augmentation de la fréquence des sinistres, les bouleversements induits par l’émergence des sinistres sériels et d’autre part l’augmentation de leur coût moyen; de l’évolution jurisprudentielle constatée ainsi qu’à l’absence pendant longtemps de solution donnée au délicat problème de l’aléa médical.

Tout cela a conduit, à la fin de l’année 2002 à une grave crise de l’assurance de la responsabilité médicale à la suite du retrait de plusieurs sociétés d’assurance intervenant sur ce marché, retrait créant le risque que de nombreux établissements de soins privés ainsi que des praticiens se retrouvent sans garantie d’assurance.

Le législateur a été, dans ces conditions, contraint d’intervenir une seconde fois par la loi du 30 décembre 2002(16) pour réglementer la période de garantie prévue au contrat d’assurance de responsabilité médicale.

Ces deux lois des 4 mars et 30 décembre 2002, complétées par des textes règlementaires d’application, introduisent donc en droit français des mécanismes juridiques et contractuels afin de règlementer la responsabilité civile médicale.

Cette intervention très attendue des pouvoirs publics poursuivait de nombreux objectifs pour encadrer au mieux le risque médical qui demeure un risque complexe et inconstant. Après 10 ans d’application de ces lois, il est intéressant de faire le bilan: les objectifs initiaux sont-ils atteints?

Sous l’angle de la responsabilité : où en est-on? Aujourd’hui quelles sont les personnes qui peuvent avoir à répondre des dommages causés par un produit de santé et selon quelles modalités?

D’autre part, en ce qui concerne l’indemnisation des victimes: le fonctionnement du contrat d’assurance est-il satisfaisant? Les nouvelles procédures d’indemnisation mises en place ont-elles tenu leur promesse?

Le régime de responsabilité des produits de santé a incontestablement été clarifié par la loi du 4 mars 2002 à la suite d’un gros travail d’unification et d’encadrement et ce au plus grand bénéfice des victimes d’accidents médicaux. Toutefois, la loi, n’étant pas allée jusqu’à la reconnaissance d’un régime spécifique, laisse subsister des difficultés. En effet la coexistence de régimes couplée à des dysfonctionnements d’ordre procédural contribuent à nuancer le bilan (partie 1).

L’assurance de responsabilité civile médicale rendue obligatoire par la loi Kouchner constitue le régime d’indemnisation principal des victimes. Cette assurance obligatoire, en apparence satisfaisante, se révèle insuffisante au vu de son manque d’encadrement et des incertitudes qui en découlent aussi bien pour les professionnels de santé que pour les victimes. Du fait, la nécessité d’intervenir pour combler ces imperfections s’est imposée au législateur. Par ailleurs et à juste titre, la loi du 4 mars 2002 a prévu un régime d’indemnisation subsidiaire par le biais de la solidarité nationale mais la mise en œuvre de ce régime n’est pas sans défaut (partie 2).

1 Voltaire
2 Préambule de la Constitution de 1946
3 Préambule de la Constitution de l’Organisation Mondiale de la Santé, tel qu’adopté par la Conférence Internationale sur la santé, New York, 19-22 juin 1946
4 CA Versailles, 22 juin 1996, Assur. fr. n°724, p. 16: en matière de prothèses
5 L. n° 91-1414 du 31 décembre 1991 modifiant le code du travail et le code de la santé publique en vue de favoriser la prévention des risques professionnels et portant transposition de directives européennes relatives à la santé et à la sécurité du travail
6 Ord. N°2010-250 du 11 mars 2010. rel. Aux dispositifs médicaux, J.O du 12 mars 2010.
7 C. santé publ, art. L5121-8 et L5121-8-1
8 L. n°2011-2012, 29 déc. 2011: JO 30 déc. 2011, p. 22667.
9 RAJOT B., « Renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé », RCA janv. 2012, p. 2
10 C. santé publ., art. L. 5121-22.
11 Dir. n°85/374/CEE du 25 juillet 1985, JO n° L210 7 août 1985, p.29, voir infra annexe n°1
12 L. n° 98-389, 19 mai 1998, modifiée par des lois du 9 décembre 2004 et du 5 avril 2006, codifiée aux art. 1386-1 à 1386-18 du c. civ.
13 Art. 1386-1 c.civ
14 L. n° 2002-303, 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, JO 5 mars 2002
15 Art. L1142-2 C. santé publ.
16 L. n° 2002-1577, 30 déc. 2002 relative à la responsabilité civile médicale, JO 31 déc. 2002

Retour au menu : RESPONSABILITE ET ASSURANCE DES PRODUITS DE SANTÉ : BILAN APRES 10 ANS D’APPLICATION DES LOIS DU 4 MARS 2002 ET DU 30 DECEMBRE 2002