Le régime des catastrophes naturelles de 1982 connaît depuis quelques années ses limites (Paragraphe 1). En effet, ce régime est jugé par les assureurs et l’Etat comme déresponsabilisant pour les assurés. Il n’incite pas les assurés à la vigilance. Le projet de loi en a donc fait l’un de ses objectifs principaux. Celui-ci aborde ce thème de prévention surtout sur deux points en particulier, celui de la modulation de primes (Paragraphe 2) et celui concernant les conséquences du risque sécheresse sur les constructions (Paragraphe 3).
Paragraphe 1 : Limites du régime de 1982
Le régime des catastrophes naturelles est apparu en 1982. 30 ans plus tard, tout le monde s’accorde pour dire que ce régime d’indemnisation a atteint ses limites. Deux éléments principaux sont particulièrement remis en cause : le coût de plus en plus conséquent du système et l’absence de prévention.
En effet, les coûts liés aux catastrophes naturelles sont de plus en plus important notamment pour la prise en charge de phénomènes qui, selon l’Etat ne devraient pas bénéficier de l’indemnisation au titre de ce régime. L’évènement qui est spécifiquement visé dans la réforme est l’indemnisation des dommages causés par la sécheresse aux bâtiments. A cet égard, le régime avait déjà été remis en cause après les dégâts liés à la sécheresse de 2003, année qui fut très dévastatrice et qui a coûté très cher en indemnisation.
Une autre raison est évoquée par Daniel Zajdenweber, Professeur à l’Université Paris-Ouest Nanterre. Selon lui, on ne doit pas seulement chercher la cause de l’augmentation des coûts des dommages des catastrophes naturelles dans le développement des évènements d’origine naturelle mais également dans le fait qu’il y a une concentration des richesses dans les zones vulnérables. Il explique que l’augmentation des coûts de ces dommages est due aux « effets d’échelle croissants »(28). Ainsi, « plus une ville ou une agglomération est densément peuplée, plus elle est riche, plus les sinistres sont importants ».
Un autre aspect du régime est remis en cause dans le projet de loi. Il s’agit de la déresponsabilisation des assurés. Comme le dit parfaitement François Vilnet, réassureur, « l’Etat intervient dans un système qui ne développe aucune incitation à la prévention, c’est la faiblesse majeure du système »(29). En effet, au fil du temps, l’Etat s’est aperçu que les assurés n’étaient pas encouragés à agir de manière préventive. Par exemple, le système fonctionne sur la base du paiement d’une prime unique c’est-à-dire que les assurés payent le même taux de prime qu’ils mettent en oeuvre des actions préventives ou non, qu’ils soient dans une zone à risque ou non. Quoiqu’il arrive, il a toujours été convenu que l’assurance est là pour payer en cas de sinistre.
Aujourd’hui, les mentalités ont changé et cet aspect de prévention a pris une grande importance dans le monde économique et tout particulièrement dans le domaine assurantiel. Le but avec la réforme serait de sensibiliser les assurés face aux évènements naturels, aux dégâts qu’ils peuvent engendrer et aux actions qu’il est possible de mettre en oeuvre pour réduire la vulnérabilité.
Un des objectifs phares de ce projet est ainsi la prévention des assurés, le but étant de les responsabiliser et de limiter l’indemnisation aux dommages majeurs ne pouvant pas être anticipés.
On pourrait parfaitement résumer ce projet par le fameux proverbe « mieux vaut prévenir que guérir ». On préfère désormais agir en amont plutôt que de subir les conséquences des phénomènes naturels. Différentes solutions ont retenu l’attention.
Paragraphe 2 : Modulation de la prime
Jusqu’à présent, le système consistait à faire payer le même taux de prime (surprime par rapport aux primes de bases) à tous les types d’assurés, qu’il s’agisse de particuliers, d’entreprises ou de collectivités territoriales, ce qui définissait le principe de solidarité propre au régime. Toutefois, ce système rencontre aujourd’hui ses limites dans la mesure où les assurés partent du principe que l’assureur est là pour payer en cas de sinistre et cela ne les incite pas à mettre en place une politique de prévention afin d’éviter ou de limiter les dommages dus à un sinistre de catastrophe naturelle.
Une des solutions concernant la prévention mise en avant dans la réforme des catastrophes naturelles consiste à une modulation des primes payées par les assurés(30). En effet, la réforme propose de moduler la prime afin de récompenser les assurés qui s’impliquent en matière de prévention et de pénaliser ceux qui ne le font pas. Mais, les professionnels de l’assurance ont bien conscience du fait que les petites entreprises ont moins d’influence que les grandes.
Selon François Vilnet, le refus d’appliquer cette modulation aux particuliers et aux petites entreprises serait « fondé sur l’idée qu’ils sont très dépendants d’un système collectif sur lequel ils n’ont pas de capacité d’action »(31). Mais, celui-ci estime que l’on « doit pouvoir rendre la prime flexible en conservant un taux minimum fixe de solidarité ». C’est pourquoi la réforme focalise son action sur les grandes entreprises et les communes. En effet, on considère qu’elles ont les moyens de négocier auprès des assureurs contrairement aux petites entreprises qui sont plus limitées dans leur action.
Paragraphe 3 : Domaine particulier du risque sécheresse et ses conséquences sur la construction
Le risque de sécheresse a montré les dégâts qu’il pouvait occasionner notamment en 2003 qui fut l’année où les professionnels ont pris conscience de l’importance de ce risque. En effet, selon un rapport d’information fait au nom de la Commission des Finances, la sécheresse de 2003 représente un évènement climatique exceptionnel tant dans son intensité que dans sa fréquence. Ainsi, 138 000 sinistres ont été recensés et cela pour un coût de 1.018 millions d’euros, ce qui fait cinq fois plus que le coût moyen annuel des 13 années précédentes(32).
Evaluation du coût de la sécheresse
(en millions d’euros)
Source : Caisse centrale de réassurance
L’Etat s’est aperçu que ce n’était pas le risque de sécheresse lui-même qui causait beaucoup de dommages mais surtout les conséquences de la sécheresse sur les constructions. Il s’agit de ce que l’on appelle le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux qui cause des dégâts aux bâtiments lors des périodes de sécheresse suivies ensuite de périodes pluvieuses. C’est après cet évènement de 2003 que l’Etat s’est penché sur la mise en place d’une réforme du régime. Des rapports ont été rédigés, des enquêtes ont été menées mais finalement, aucune réforme n’est apparue, le projet n’ayant pas abouti.
Toutefois, cette enquête(33) a permis de mettre en avant une donnée essentielle. En effet, pour que de tels dommages liés à la sécheresse puissent se produire, il faut la présence de deux éléments réunis, le phénomène météorologique de sécheresse d’un côté et la condition géotechnique d’un autre côté à savoir un sol argileux vulnérable au retrait-gonflement. Mais, en pratique, les arrêtés de catastrophes naturelles ne prenaient que très rarement en considération la seconde condition et axaient leur décision principalement sur l’évènement climatique.
C’est suite aux évènements de 2010 et notamment à la tempête Xynthia que les travaux ont repris. Un projet de loi portant réforme du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles(34) a enfin été rédigé en mars 2012 avec cette fois-ci une optique de prévention. En effet, il apparait que de nombreuses constructions sont faites dans des zones à risques ou tout au moins vulnérables. Le but de la réforme est d’instaurer une obligation pour les assurés de faire effectuer une étude des sols avant toute construction pour s’assurer de la viabilité des sols. Avec la réforme, il est question de supprimer ce risque du régime des catastrophes naturelles et de le transférer aux maîtres d’ouvrage et aux constructeurs qui sont les premiers acteurs dans le domaine de la construction. Il s’agit d’empêcher les professionnels de construire n’importe où et avec n’importe quels matériaux. Ils seront désormais plus prudents et analyseront de façon plus étendue les caractéristiques des sols.
Différentes solutions existent déjà et d’autres apparaissent notamment grâce à la réforme des catastrophes naturelles en cours, l’objectif restant toujours l’incitation à la prévention. Toutefois, le nouveau système s’annonce plus strict que le précédent. Ainsi, l’indemnisation qui était plus systématique deviendra plus difficile à obtenir ou alors sera obtenu dans des conditions moins favorables en tout cas pour les assurés qui n’auront pas mis en place des mesures préventives.
Et cette conséquence est parfois mal acceptée par les assurés habitués à être indemnisés sur le simple fait du phénomène naturel sans prise en compte des actions qu’ils mènent en matière de prévention.
28 D. ZAJDENWEBER, Diagnostic de croissance des sinistres, Dossier Cat. Nat. Une loi qui a 30 ans, Préventique n°24, juillet-août 2012, p.38
29 F. VILNET, Du point de vue des assureurs le régime est intéressant, Dossier Cat. Nat. Une loi qui a 30 ans, Préventique n°24, juillet-août 2012, p. 36
30 Annexe 4
31 F. VILNET, Du point de vue des assureurs le régime est intéressant, Dossier Cat. Nat. Une loi qui a 30 ans, Préventique n°24, juillet-août 2012, p. 36
32 J.C. FRECON et F. KELLER, Rapport d’information n° 39 (2009-2010), 14 octobre 2009
33 Rapport de la mission d’enquête sur le régime d’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles (2005).
34 Annexe 4