Le Pere emprunte ces caractéristiques à la fois aux régimes à cotisations définies, dont il constitue une variante (A) mais également à un nouvel outil d’épargne retraite individuelle créé en 2003 : le Plan d’Epargne Retraite Populaire (Perp) (B).
A/ Le Pere : un dispositif qui reprend les principales caractéristiques des régimes à cotisations définies
La mise en place d’un Pere répond aux mêmes exigences que celles d’un régime à cotisations définies (1). L’accès au dispositif et son financement possèdent également des traits communs avec ce qui est pratiqué dans les contrats « article 83 » (2).
1. Des modalités de mise en place similaires à celles d’un régime à cotisations définies
L’article 111.1 de la loi du 21 août 2003, portant réforme des retraites, a créé une nouvelle forme de contrat retraite collectif, que la pratique a rapidement appelé Plan d’Epargne Retraite d’Entreprise (Pere). Ce plan n’est pas à proprement un nouveau dispositif, mais plutôt un sous-ensemble des contrats à cotisations définies, auquel a été ajouté un cadre de déductibilité fiscale calqué sur le modèle du Perp. Ce nouveau régime reprend en partie les mêmes modalités de mise en place que les contrats de retraite supplémentaire à cotisations définies.
En effet, la mise en place du Pere, comme celle d’un contrat à cotisations définies, est facultative et relève de l’initiative de l’employeur. Elle doit aussi impérativement s’effectuer selon l’une des modalités prévues à l’article L. 911-1 du Code de la Sécurité sociale.
Le Pere, comme un régime de retraite supplémentaire classique, peut être mis en place soit par convention ou accord collectif négocié avec les représentants du personnel, soit par référendum ratifié à la majorité des salariés concernés et qui fait suite à un projet proposé par le chef d’entreprise, ou encore par décision unilatérale de l’employeur, à condition que celle-ci soit constatée par un écrit remis à chaque intéressé.
Par ailleurs, dans le même esprit que les régimes de retraite supplémentaire « classiques », le Pere peut être créé soit à l’échelle de l’entreprise, si celle-ci a les moyens de créer son propre Pere, soit au niveau de plusieurs employeurs ou groupements d’employeurs, on parlera alors de Plan d’Epargne Retraite Interentreprises (Peri).
Nous venons de le constater, la création d’un Pere peut relever de l’une des modalités de l’article L.911-1 du Code de la Sécurité sociale et dans ce cas, il s’agira d’un nouveau dispositif dit « intégré », mais l’entreprise peut aussi opter pour l’adjonction d’un « volet » Pere à un contrat « classique » de retraite supplémentaire à cotisations définies. Dans ce dernier cas, il s’agira non pas de créer un nouveau contrat, mais d’ajouter une possibilité supplémentaire à un dispositif antérieur, lequel demeurera inchangé. La contractualisation avec l’organisme assureur prend la forme d’un avenant au contrat « article 83 » en cours.
Le Pere et les contrats à cotisations définies partagent un autre point commun, découlant directement de leur mise en place : le caractère obligatoire de l’adhésion. En effet, à la différence du Plan d’Epargne Retraite Populaire que nous allons évoquer un peu plus loin dans nos développements, le Pere est un dispositif dont l’adhésion est obligatoire pour les bénéficiaires concernés, à savoir l’ensemble du personnel si son champ d’application est général, ou bien à une catégorie particulière de salariés si l’accord mettant en place le Pere en restreint son accès.
Quelle que soit la modalité de mise en place choisie par l’employeur, le Pere présente des caractéristiques très similaires à celles d’un contrat à cotisations définies classique.
2. Le Pere : un dispositif ayant le même objet et le même financement qu’un contrat à cotisations définies
Le Pere poursuit le même objectif que les contrats de retraite supplémentaire à cotisations définies. En effet, il a pour objet « l’acquisition et la jouissance de droits viagers personnels payables à l’adhérent à compter de la date de liquidation de sa pension dans un régime obligatoire d’assurance vieillesse ». Ainsi, comme les contrats à cotisations définies, et à la différence du Perco, le Pere n’autorise qu’une sortie en rente des sommes épargnées. Les droits constitués sont inscrits sur un compte individuel, et seront convertis en rente au moment de la liquidation des droits, c’est-à-dire au moment de la retraite. En conséquence, les contrats Pere ne peuvent faire l’objet de rachats, même partiels, sauf dans les cas exceptionnels prévus par l’article L. 132-23 du Code des assurances et qui sont identiques à ceux prévus pour les contrats « article 83 ».
Au niveau du financement du Pere, là encore nous retrouvons le principe d’un financement partagé entre l’employeur et le salarié. L’avantage retraite constitué au profit des salariés bénéficiaires est financé par des cotisations patronales et par des cotisations salariales le cas échéant, calculées en règle générale en pourcentage de la rémunération annuelle. La fixation du taux de contribution au financement du régime est à la discrétion de l’employeur, qui peut éventuellement choisir de le moduler en fonction des tranches de rémunération (tranches A, B et C).
A première vue, le Pere ne présente aucune nouveauté dans la mesure où il reprend les grandes lignes des contrats à cotisations définies. Cependant, ce régime s’inscrit bel et bien dans la démarche du législateur de 2003 et constitue une avancée significative dans la promotion de l’épargne retraite. La spécificité de ce régime est à rechercher dans les caractéristiques qu’il partage avec le Plan d’Epargne Retraite Populaire, nouveau dispositif d’épargne retraite également introduit en 2003.
B/ Le Pere : un dispositif d’épargne retraite inspiré des dispositions du Perp
Le Pere partage avec le Perp la possibilité d’effectuer des versements individuels et facultatifs (1) et un cadre fiscal identique (2).
1. La possibilité pour le salarié d’effectuer des versements individuels facultatifs en sus des cotisations salariales obligatoires
En parallèle à la création du Pere et du Perco, deux dispositifs collectifs d’épargne en vue de la retraite, la loi du 21 août 2003, portant réforme des retraites, a créé un nouvel outil individuel d’épargne retraite : le Perp. Ce dernier est un contrat d’assurance qui a pour objet l’acquisition et la jouissance de droits viagers personnels payables à l’adhérent à compter de la date de liquidation de sa pension dans un régime obligatoire d’assurance vieillesse. Le Perp se distingue du Perco et du Pere par son caractère individuel. En effet, même s’il s’agit d’un contrat d’assurance de groupe, souscrit par une association (Groupement d’Epargne Retraite Populaire : GERP), n’importe quelle personne majeure peut adhérer et bénéficier d’un Perp. Ce produit d’épargne retraite individuel est donc potentiellement ouvert à tout le monde et non pas exclusivement aux salariés. Le Perp permet à son titulaire d’alimenter son épargne par des versements occasionnels ou réguliers, qui sont purement facultatifs.
Le législateur a repris certaines caractéristiques du Perp, afin de donner une nouvelle dimension aux contrats à cotisations définies, ce qui a conduit à l’avènement du Pere. En effet, ce dispositif s’apparente à une formule mixte qui emprunte à la fois au régime des contrats « article 83 » et au régime fiscal du Perp. Il s’appuie techniquement sur un contrat d’assurance « article 83 », mais autorise en sus des cotisations obligatoires (patronales et salariales), des versements facultatifs et volontaires du salarié.
A travers cette nouvelle possibilité, le législateur a cherché à encourager les salariés à épargner pour leur retraite, en leur permettant de compléter par des versements volontaires, une épargne qui jusqu’alors était figée. En effet, la fixation des taux de cotisations à un régime « classique » à cotisations définies, était laissée à la discrétion de l’employeur. Les droits ainsi constitués « gonflaient » à mesure du versement des cotisations obligatoires, mais le système tel qu’il était conçu, ne permettait pas aux salariés qui l’auraient souhaité, d’épargner plus.
Si le législateur a utilisé la faculté de versements volontaires et facultatifs, présente dans le Perp pour l’appliquer au Pere, il s’est également inspiré du régime fiscal de ce dispositif pour le dupliquer à celui du Pere.
2. La fiscalité des versements volontaires du Pere soumise au même régime que celui du Perp
Sur ce point, nous pouvons d’ores et déjà faire un parallèle avec le Perco étudié précédemment. Dans ce nouveau dispositif d’épargne salariale, le législateur a prévu la possibilité pour le salarié d’effectuer des versements individuels qui pourront sous certaines conditions, donnés lieu à un abondement de l’employeur. Le législateur, s’il a créé la possibilité d’approvisionner de manière individuelle et facultative un Pere, n’a pas été jusqu’à mettre en place un système d’abondement. Cela parait tout à fait justifier dans la mesure où ce mécanisme dispose déjà, comme tous les régimes de retraite supplémentaire, d’un « étage » de cotisation obligatoire à la charge de l’employeur.
Cependant, d’une certaine manière, la loi de 2003 va plus loin qu’avec le Perco, en associant aux versements volontaires du Pere un régime fiscal de faveur, calqué sur celui du Perp. En effet, les sommes personnelles versées par un salarié sur le Perco et qui ne sont pas issues de l’intéressement ou de la participation, ne bénéficient quant à elles d’aucun traitement fiscal de faveur.
Afin de favoriser la contribution d’une épargne retraite individuelle complémentaire, l’article 163 quatervicies du CGI autorise les contribuables à déduire de leur revenu global, dans certaines limites, l’épargne qu’ils affectent volontairement à la souscription de garanties supplémentaires de retraite. Les versements facultatifs et individuels, qu’ils soient effectués sur un Perp ou sur un Pere (puisque leur régime fiscal est identique) sont étrangers à l’activité éventuellement salariée du contribuable et ne rendent exigible aucune cotisation de sécurité sociale sur salaires.
Nous étudierons dans ce paragraphe uniquement la fiscalité des versements volontaires, les cotisations obligatoires du Pere (part patronale voir salariale) étant soumises au même régime que celles d’un contrat à cotisations définies « classique ».
Sont donc déductibles du revenu net global, les cotisations versées par chaque membre du foyer fiscal au Plan d’Epargne Retraite Entreprise auquel les salariés sont affiliés à titre obligatoire, pour la partie des cotisations versées à titre individuel et facultatif.
Ces déductions fiscales sont limitées par un plafond global. Ainsi, les sommes versées chaque année sur un Pere sont déductibles dans la limite d’un plafond individuel égal au plus élevé des deux montants suivants :
– 10 % des revenus professionnels de l’année précédente, retenus dans la limite de 8 fois le PASS, soit une déduction maximale de 27.696 € pour les versements effectués en 2011.
– 10 % du PASS de l’année précédente, soit 3.462 € pour les versements effectués en 2011. Ce plafond concerne en pratique les personnes n’ayant pas de revenus professionnels personnels, celles qui perçoivent des revenus professionnels inférieurs au PASS et celles qui déclarent pour la première fois leur revenus.
Pour déterminer le montant de l’épargne retraite individuelle et facultative effectivement imputable sur le revenu global, le plafond de déduction que nous venons de mentionner, doit être diminué de certaines cotisations déduites l’année précédente des revenus professionnels du souscripteur. En conséquence, le salarié bénéficiaire d’un Pere, verra les cotisations (patronales et éventuellement salariales) versées à un régime obligatoire de retraite supplémentaire (le Pere en question et tout autre régime supplémentaire obligatoire : contrat à prestations définies…) « amputer » son plafond de déduction. En outre, les sommes versées par l’entreprise (abondement) l’année précédente sur un Perco viennent également en déduction de la limite globale. En quelque sorte, le législateur limite l’avantage fiscal procuré aux versements volontaires du Pere, en ne leur octroyant pas, une enveloppe fiscale qui s’ajouterait à celle déjà présente dans les autres dispositifs d’épargne retraite.
Le Pere reste néanmoins un produit fiscalement attractif car, outre le plafond de déduction fiscal plutôt élevé, si celui-ci n’est pas utilisé en intégralité au cours d’une année, le solde inemployé peut être reporté et utilisé au cours des trois années suivantes.
De plus, la fiscalité à la sortie du Pere, c’est-à-dire celle associée au versement de la rente viagère, n’est pas plus défavorable que celle d’un régime à cotisations définies « classique ». En effet, la rente viagère issue d’un Pere est imposable dans la catégorie des pensions, après abattement spécifique de 10 %.
Le Pere présente l’avantage de reprendre les principales caractéristiques des régimes à cotisations définies tout en y incluant la possibilité d’y affecter des versements volontaires, le tout dans un contexte fiscal très avantageux. Cependant, quand nous observons de plus près le dispositif, nous constatons que celui-ci n’a suscité que peu d’engouement auprès des entreprises. Dès lors, on peut légitimement se demander pourquoi ce régime n’a pas rencontré le succès attendu.