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Section 2 : Le formalisme de la déclaration du risque

ADIAL

La déclaration des risques fait l’objet de quelques interrogations quant à sa forme. En effet, lors de la souscription du contrat, il doit être soumis au candidat à l’assurance un questionnaire. Celui-ci permettant à l’assureur d’apprécier le risque. Cependant aucune forme particulière pour le questionnaire n’est exigée par la loi (§1). Face à l’absence de précision de la loi, on assiste à une divergence des chambres de la Cour de cassation quant à la forme de cette déclaration du risque (§2).

§1 : La lettre de l’article L113-2 du Code des assurances

Avant la loi de 1989, l’assuré était tenu de déclarer spontanément les circonstances pouvant avoir une incidence sur l’appréciation du risque par l’assureur. Ce système n’étant pas en faveur des assurés, notamment profanes, qui ignoraient les circonstances qu’ils devaient déclarer à l’assureur, le législateur est intervenu. C’est ainsi que la loi du 31 décembre 1989 a admis le système du questionnaire fermé. Depuis cette date, il était imposé que soit soumis à l’assuré un questionnaire lors de la souscription du contrat. En revanche, elle n’imposait pas de forme particulière. Ce qui fait aujourd’hui l’objet de beaucoup de divergences de la jurisprudence.

En effet, la deuxième chambre civile valide la déclaration pré-rédigée par l’assureur et sanctionne de nullité la fausse déclaration de l’assuré qui en résulterait. Alors qu’au contraire, la chambre criminelle, s’oppose à cette position. Elle considère que l’assureur doit sa garantie et ne peut pas invoquer la fausse déclaration de l’assuré qui ressortirait d’une déclaration pré-rédigée par l’assureur.

L’article L113-2 du Code des assurances prévoit que l’assuré à l’obligation de « répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge ». Cette disposition s’avère protectrice de l’assuré dans la mesure où il ne peut lui être reproché de ne pas avoir répondu à une question que l’assureur n’aurait pas posée. Il n’est strictement tenu de répondre qu’aux questions posées par l’assureur.

Comme l’a indiqué Madame Sabine ABRAVANEL-JOLLY(21), il serait, en effet, peut-être temps que le législateur intervienne afin de donner plus de clarté à l’article L113-2 et d’éviter ainsi l’opposition constante de la chambre criminelle et de la deuxième chambre civile sur la question du formalisme des déclarations du risque.

§2 : La divergence des chambres de la Cour de cassation sur la validité des déclarations pré-rédigées

Il est vrai que le questionnaire de risque représente un coût élevé pour les assureurs qui doivent faire des contrats individualisés correspondant à la situation de chacun des assurés. C‘est la raison pour laquelle nombre d’entre eux utilisent la technique de la déclaration pré-imprimée dans lequel il prévoit plusieurs déclarations pré-rédigées que l’assuré doit approuver par sa signature. Malgré qu’il soit courant qu’un assuré signe cet imprimé alors même que les déclarations ne correspondent pas réellement à sa situation.

Le débat qui existe entre la deuxième chambre civile et la chambre criminelle porte sur la question de la validité de ces déclarations pré-rédigées par les assureurs qui donnent lieu, selon la chambre saisie, à des solutions différentes. Selon Monsieur Jérôme KULLMANN la déclaration pré-rédigée du risque fait l’objet en 2012 du contentieux le plus important de la Cour de cassation(22).

La deuxième chambre civile admet la validité de plusieurs formes de déclarations, notamment une déclaration qui serait pré-rédigée par l’assureur(23). Dans cette espèce, l’assuré, lors de la souscription de deux assurances de groupe, avait apposé sa signature sur la déclaration pré-rédigée par l’assureur « pour adhérer et être assuré, il faut à la date de signature de l’offre (…) ne pas avoir été en arrêt de travail sur prescription médicale pendant plus de 30 jours (consécutifs ou non) au cours des 24 derniers mois », alors que celle-ci n’était pas adaptée à sa situation (il avait effectivement était en arrêt de travail pendant cette même période et pendant plus de 30 jours). Mais il s’est abstenu de le signaler à l’assureur qui s’en est servi pour invoquer la nullité du contrat, qui a d’ailleurs été retenue par la Cour de cassation pour déclaration inexacte du risque.

Cette chambre juge licite la pratique des déclarations pré-rédigées par les assureurs. Elle précise même qu’en cas d’allégations inexactes dans la déclaration pré-rédigée, il appartient à l’assuré de les corriger. C’est la même position qui été retenue par la deuxième chambre civile en 2013(24) pour un assuré qui déclarait n’avoir fait l’objet d’aucune hospitalisation ces cinq dernières années, alors qu’il avait effectivement été hospitalisé dans les mois précédents son adhésion à l’assurance. Ne pouvant pas ignorer l’importance de ce fait pour l’assureur, il était effectivement de mauvaise foi. La déclaration pré-rédigée par l’assureur a encore une fois été retenue comme source de fausse déclaration intentionnelle(25).

Dans un autre arrêt de 2012(26), la deuxième chambre civile poursuit dans sa droite ligne en affirmant qu’ « il résultait de la teneur des questions précises posées par l’assureur s’induisant des réponses écrites formulées par l’assuré, la Cour d’appel en a exactement déduit que l’assuré avait l’intention de tromper l’assureur par une fausse déclaration intentionnelle de nature à changer l’objet du risque ou a en diminuer l’opinion pour ce dernier et prononce à bon droit la nullité du contrat ». C’est-à-dire que la réponse claire et précise de l’assuré démontrait bien que la question était dépourvue d’ambiguïté.

Ainsi, en cas de réponse inexacte, il en résultait forcément une mauvaise foi de l’assuré. Un questionnaire séparé n’était donc pas nécessaire. De plus, l’assuré ne pouvait pas prétendre avoir oublié qu’il avait effectivement fait l’objet d’une condamnation pénale pour conduite en état d’ivresse il y a moins d’un an. C’est également cette même position qu’elle a retenu dans un arrêt du 28 juin 2012, en considérant que « l’assuré qui a approuvé une réponse pré-réimprimée précise ne nécessitant aucune interprétation » a commis une fausse déclaration, lorsque les réponses sont fausses(27).

La chambre criminelle, quant à elle, a toujours refusé d’admettre la fausse déclaration résultant d’une déclaration pré-imprimée comme preuve de la mauvaise foi de l’assuré. Elle affirme que « le formalisme prévu à l’article L113-2 du Code des assurances implique, quelle que soit la technique de commercialisation employée, que les questions que l’assureur entend, au regard des éléments qui lui ont été communiqués, devoir poser par écrit, notamment par le formulaire, interviennent dans la phase précontractuelle, ce qu’il doit prouver, en les produisant avec les réponses qui y ont été apportées, pour pouvoir établir que l’assuré a été mis en mesure d’y répondre en connaissant leur contenu »(28). Par conséquent, pour obtenir la nullité du contrat, l’assureur doit produire le questionnaire de la déclaration du risque dûment rempli et signé par l’assuré avant la conclusion du contrat et faisant apparaitre l’inexactitude des réponses. Et en cas d’absence d’un questionnaire préalable, l’assureur qui invoque la nullité du contrat sur le fondement de l’article L112-8 du Code des assurances se verra opposer, à bon droit, une « fin de non-recevoir » par la chambre criminelle(29).

Ainsi, elle condamne la pratique des mentions pré-rédigées par l’assureur, insérées dans les conditions particulières du contrat et signées par l’assuré. Cette position n’est pas nouvelle, elle s’était déjà positionnée en ce sens en 2007, puis en 2009. L’arrêt du 10 janvier 2012 s’inscrit donc dans cette continuité. S’agissant d’un arrêt de principe, il apparait important d’en relever la teneur. En l’espèce, la mauvaise foi de l’assuré avait été écartée même s’il avait effectué une fausse déclaration en déclarant ne pas avoir fait l’objet de condamnation pénale pour conduite en état d’ivresse ces cinq dernières années. Alors qu’il avait effectivement été condamné en 2008 (après souscription du contrat) pour récidive de conduite en état d’ébriété (il avait donc déjà fait l’objet de condamnation pour ce motif avant la souscription du contrat) et avait avoué ultérieurement qu’il savait devoir garder le silence sur sa condamnation passée, caractérisant ainsi l’intention de tromper l’assureur.

Face à l’opposition de la jurisprudence sur le sujet, certains auteurs ont pris parti pour la position retenue par la chambre criminelle. Soulignons les arguments de Monsieur Luc MAYAUX à ce sujet(30)qui rappelle que la loi prévoit que l’assuré doit répondre aux questions posées par l’assureur. Cependant, une réponse pré-rédigée par l’assureur et signée par l’assuré n’est pas littéralement poser une question à l’assuré. L’assuré est depuis la loi de 1989 soumis au système du questionnaire fermé. C’est lorsque celui-ci ne répond pas avec exactitude aux questions posées par l’assureur que la nullité du contrat peut être prononcée. De plus, lorsque l’assuré se borne uniquement à signer une mention pré-rédigée, cela attire moins son attention et demande moins de réflexion que lorsqu’il doit répondre lui-même à la question. Le souscripteur peut également signer une déclaration pré-rédigée sans en avoir effectivement pris connaissance et sans en avoir compris la teneur.

Il ajoute que le but premier de la déclaration initiale du risque est de permettre à l’assureur d’analyser le risque et ainsi de calculer le montant de la prime qui sera payée par le candidat à l’assurance. Il s’agit donc d’une obligation précontractuelle. Or, lorsque l’assuré doit approuver une mention pré rédigée par l’assureur dans les conditions particulières, la déclaration intervient donc après la conclusion du contrat. Alors que cette déclaration est nécessaire pour éclairer le consentement de l’assureur, en intervenant après la conclusion du contrat, elle perd sa finalité.

Par ailleurs, la manière dont est formulée la déclaration, sous-entend la réponse attendue par l’assureur, il est donc tentant pour l’assuré de le satisfaire en signant une déclaration inexacte mais lui garantissant d’être assuré. Il se présente souvent le cas d’un assuré qui, lors de la souscription d’une assurance automobile, se désigne conducteur habituel et son fils, jeune conducteur, conducteur secondaire, sachant très bien qu’il s’agit d’un mensonge mais que cela lui permettra de bénéficier d’une assurance pour le véhicule qui sera conduit exclusivement par son fils et ce à moindre coût. Cependant, en cas de sinistre, une enquête sera effectuée et si la fausse déclaration est découverte il peut y avoir de lourdes conséquences (non garantie et nullité du contrat) pour le souscripteur.

Le système de la déclaration pré-rédigée porte atteinte donc aux dispositions protectrices de l’article L113-2 du Code des assurances. De surcroît, il semble que cette pratique ne sert vraiment que les intérêts des assureurs : gagner du temps, souscrire plus de contrat, réduire leurs coûts et agrandir leurs portefeuilles de clients. Par ailleurs, même si la demande de nullité du contrat de l’assureur est rejetée par la Cour de cassation, en cas de fausse déclaration intentionnelle, celui-ci pourra obtenir la déchéance de la garantie, l’assuré ne percevra donc pas d’indemnité pour le sinistre qu’il vient de subir et le contrat sera résilié à sa date d’anniversaire. Mais à la différence de la nullité du contrat (le contrat sera réputé ne jamais avoir existé), l’assuré ne sera pas contraint de restituer à l’assureur les primes perçues pour des sinistres antérieurs.

Selon les affirmations d’Hubert GROUTEL la position de la deuxième chambre civile est «inconstante », ce qui est « le signe qu’elle ne maitrise pas toujours très bien les questions d’assurance ou du moins certains aspects de celle-ci »(31). Il semble donc que la position de la chambre criminelle sur la question des déclarations pré-rédigées soit à saluer. En effet, en refusant de reconnaitre la mauvaise foi de l’assuré, l’assureur est donc contraint de l’indemniser. Ce qui poussera peut être les assureurs, espérons-le, à plus de loyauté et de sécurité juridique dans leurs contrats.

La chambre criminelle a rendu, le 15 mai 2012, une décision en adéquation avec sa position habituelle en rejetant la nullité du contrat, invoquée par l’assureur, pour fausse déclaration. S’agissant d’une souscription de contrat par internet, « le contenu des questions posées dans le formulaire de l’assureur, n’a pas été configuré pour être accessible ». De plus, l’assureur ne démontre pas l’existence du caractère intentionnel de la fausse déclaration de l’assuré et que cela a modifié l’opinion que se faisait l’assureur du risque(32).

La deuxième chambre civile est moins stricte sur la forme du questionnaire soumis au candidat à l’assurance lors de la souscription du contrat. Elle valide le questionnaire oral soumis par téléphone ou le formulaire pré-rédigé par l’assureur et signé par l’assuré (qui doit le corriger en cas d’erreur). Alors que la chambre criminelle, s’attachant essentiellement à la forme de la déclaration plutôt qu’au fond, n’admet que le questionnaire qui serait posée par écrit et soumis à l’assuré.

Nous allons voir par la suite que l’opposition entre les chambres de la Cour de cassation est chose courante. En effet, il existe également un désaccord de la chambre criminelle et de la deuxième chambre civile sur les modes de preuve d’une fausse déclaration.

21 Cass. Civ. 2e, 12 avril 2012, n°11-30075, non publié au bulletin; obs. S. ABRAVANEL-JOLY « Maintien de la déclaration pré-rédigée comme source de la fausse déclaration », actuassurance, n°26, mai-juin 2012.
22 J.KULLMANN, RGDA n°2013-01, p.40.
23 Cass. Civ. 2e, 8 mars 2012, n°11-10857, publié au bulletin.
24 Cass. Civ. 2e , 7 février 2013, n°12-11524, non publié au bulletin.
25 Voir également en ce sens, Cass. Civ. 2e, 29 mars 2013, n°11-14305, non publié au bulletin ; note A. PELISSIER, RGDA n°2012-04, p.1006.
26 Cass. Civ. 2e, 12 avril 2012, n°11-30075, non publié au bulletin.
27 Cass. Civ. 2e, 28 juin 2012, n°11-20793, non publié au bulletin ; note J.KULLMANN, RGDA n°2013-01, p.40.
28 Cass. Crim. 10 janvier 2012, n°11-81647, publié au bulletin.
29 Cass. Civ. 2e, 7 février 2013, n°12-11524, non publié au bulletin ; note M.ASSELAIN, LEDA, 1er avril 2013, n°4, p.5.
30 L.MAYAUX, Semaine Juridique, Ed G, n°14, 2 avril 2012, Chronique droit des assurances, p.692, au sujet de l’arrêt de la chambre criminelle du 10 janvier 2012, n°11-81647.
31 H.GROUTEL, RCA, mai 2012, p.65, note sous l’arrêt de la chambre criminelle du 10 janvier 2012, n°11-81647.
32 Cass. Crim. 15 mai 2012, n°11-85420, non publié au bulletin.

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