La France a progressivement mis en place des régimes spéciaux dérogatoires au droit commun pour certains domaines spécifiques : l’objectif principal était de faciliter aux victimes de risques particuliers l’accès à une indemnisation de leur préjudice. On visait même en quelque sorte à ce qu’ils soient « assurés » de recevoir dans tous les cas dédommagement.
Ainsi, elles ne supporteraient par exemple pas le risque d’insolvabilité du responsable du dommage.
C’est par exemple le cas de la loi BADINTER intervenue en 1985, instaurant un régime dérogatoire au droit commun en faveur des victimes d’accidents causés par des VTAM(15) ainsi qu’un fonds d’indemnisation amené à intervenir dans les cas où le conducteur aurait manqué à son obligation d’assurance et ne serait pas solvable. C’est là un « écho » fait à la théorie du risque-profit avancée par SALEILLES et JOSSERAND(16).
Le cas des victimes d’accidents du travail et maladies professionnelles répond à une logique similaire. Les dommages étant survenus du fait de risques que l’on peut considérer de « spéciaux », ils appellent donc en retour une indemnisation « spéciale ».
La Sécurité Sociale que nous connaissons actuellement s’est dès lors progressivement mise en place au cœur des politiques françaises (Chapitre I), opérant de ce fait une substitution pure et simple à l’employeur dans le cadre de l’indemnisation des incidents relatifs au travail (Chapitre II).
15 VTAM : Véhicules terrestres à moteur.
16 Théorie élaborée par la doctrine de la fin du XIXe siècle, soutenant l’idée selon laquelle celui qui tire profit d’une activité doit en supporter les charges, et donc les risques : notamment, c’est sur lui que devrait peser l’indemnisation des dommages causés par le risque créé par l’activité en question. Appliquée au cas étudié, l’employeur créant l’activité et en tirant profit (en faisant travailler ses salariés) doit donc assumer tout dommage qui serait causé par son industrie.