I/ Le poids d’un enlèvement dans la vie de l’entreprise
Le kidnapping d’un ou plusieurs salariés voire de leurs familles est loin d’être anodin pour l’entreprise française. Qu’il s’agisse de personnel expatrié ou de collaborateurs envoyés à l’étranger pour une courte mission (voyage d’affaire), l’entreprise est alors prise dans un tourbillon complexe.
Elle devra à la fois faire face à la demande des ravisseurs, demande qui s’avérera souvent inassouvissable par elle seule, et à la pression au sein de ses équipes, gagnées par la peur.
A cela s’ajoutera aussi parfois la pression des médias, qui diffuseront sur tous les fronts la nouvelle d’une prise d’otage de salariés.
Si dans le cas d’une extorsion de fonds, ce seront davantage les actionnaires qui se sentiront impliqués et trahis, dans le cas d’une prise d’otage, ce sera souvent toute la population française qui se sentira concernée voire outrée par le manque de mesures prises par l’entreprise.
Le risque de réputation est très craint par les multinationales françaises qui cherchent à préserver leur image vis-à-vis de leurs clients, prospects ou actionnaires.
La mise en danger de la vie humaine et l’intégrité physique (et psychologique) des salariés français est sujet sensible.
II/ Le visage de l’otage amplifié par les médias
Dès lors qu’une prise d’otages fait la une des journaux, il nait au sein de la population française, tout à fait légitimement, un profond sentiment de compassion.
C’est en ce sens qu’Irène Hermann et Daniel Palmieri qualifient les otages d’individus « investis d’un fort capital de sympathie populaire, à la faveur des images positives que véhicule leur profession (humanitaires, reporters de guerre, scientifiques) ou en raison de leur totale innocence face aux événements dont ils sont les victimes»(21).
Les groupes armés sont les premiers conscients de l’impact d’un enlèvement au sein de la société occidentale où prônent les droits de l’homme et du citoyen et où l’individu est particulièrement mis en avant.
Les auteurs démontrent dès lors que, de nos jours, l’otage est choisi non plus « sur la base de critères de puissance politique et militaire » comme cela pouvait être le cas auparavant en temps de guerre, mais davantage selon « l’impact qu’il provoquera sur l’opinion publique adverse ».
C’est tout à l’avantage du ravisseur qui aura l’occasion de faire monter les enchères aux vues des pressions subies par l’entreprise et l’État duquel le prisonnier est ressortissant.
L’expression de « risque systémique » employée par Philippe Véry prend tout son sens et devient naturellement compréhensible.
Le risque juridique représente dès lors la pierre angulaire de cette maitrise par l’entreprise.
21 – HERMANN Irène et PALMIERI Daniel, Une figure obsédante : l’otage à travers les siècles, Revue International de la Croix-Rouge, 2005.