Cour d’appel
Paris
Pôle 4, chambre 6
8 Avril 2010
N° 07/17965
SARL HRG ROHRSANIERUNGS GMBH
SA BAGREAL
Classement : Inédit
Contentieux Judiciaire
Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 6
ARRET DU 08 AVRIL 2010
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 07/17965
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Avril 2007 -Tribunal de Commerce de CRETEIL – RG n° 2005F00781
APPELANTE
SARL HRG ROHRSANIERUNGS GMBH
dont le siège est […], prise en la personne de son gérant domicilié audit siège en cette qualité
représentée par la SCP ROBLIN – CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Cour
assistée de Maître SCHODEL, avocat
INTIMEE
SA BAGREAL
dont le siège est […], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée de Maître Pierre-Antoine JOLY, avocat
COMPOSITION DE LA COUR:
Rapport ayant été fait en application de l’ article 785 du CPC et,
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile , l’affaire a été débattue le 25 février 2010, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur MAZIERES et Monsieur RICHARD, Magistrats chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur MAZIERES, Président
Monsieur RICHARD, Conseiller
Madame THEVENOT, Conseillère, appelée d’une autre chambre pour compléter la Cour
GREFFIER :
lors des débats:
Madame Annie MONTAGNE ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau Code de procédure civile.
– signé par Monsieur MAZIERES, président et par Madame MONTAGNE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Agissant en qualité de maître d’ouvrage délégué, la Société VALENTIN, pour les besoins d’une réhabilitation de canalisations d’eaux usées pour la ville de Créteil, sollicita en janvier 1995 la Société BAGREAL, société importatrice de produits et équipements d’origine allemande notamment dans le cadre de réhabilitation par gainage, qui s’engagea le 4 mai 1995 sur la fourniture et la pose aux regards d’un ‘Liner photodurcissable fabriqué par la société BRANDEBURGER. Cette dernière mit la société BAGREAL en relation avec la société, également allemande, HRG ROHRSANIERUNGS pour que la pose du Liner soit effectuée; ce qui eut lieu du 20 juin au 5 juillet 1995; toutefois, deux types d’incidents se produisirent par la suite.
En octobre 1997, la Société VALENTIN informa la société BAGREAL que des désordres sérieux s’étaient produits à la suite du décollement de la face interne de la gaine sur le côté pair de l’avenue; la société HGR saisie de cette difficulté, répondit le mois suivant que les désordres étaient dûs à un défaut de la matière et ne lui étaient pas imputables.
Différents courriers postérieurs n’apportèrent aucune solution à ce problème; saisie par la société VALENTIN d’une demande de réparation de son préjudice le 6 janvier 1998, la Société BAGREAL INTERNATIONAL remis la canalisation en ordre.
En janvier 2000, la Société VALENTIN informa à nouveau la Société BAGREAL INTERNATIONAL qu’une dégradation importante étaient apparue sur 75 mètres de Liner sur le côté impair de la même avenue.
Ayant vainement saisi la Société HGR de cette difficulté le 3 février 2000, la Société BAGREAL INTERNATIONAL confia l’enlèvement du Liner à une entreprise tierce et fit procéder à un constat d’huissier le 21 mars.
Considérant que ces deux types d’incidents étaient imputables à une pose défectueuse (vitesse excessive du chariot de photodurcissement dans la canalisation) la Société BAGREAL a engagé la présente instance. Par acte du 26 mai 2005 délivré à parquet étranger, la Société BAGREAL a assigné la Société HRG ROHRSANIERUNGS demandant au Tribunal de:
Vu les articles 1142 et suivant, 1152,1792,1792-4,1251-3 et 2270 du code civil,
– Condamner HRG à payer à BAGREAL la somme de 103.105 euro assortie des intérêts légaux à compter du jour de la première assignation valant mise en demeure soit le 18 août 2000, et ordonner en outre leur capitalisation,
– Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans fournir caution,
– Condamner en outre HRG à verser à BAGREAL les sommes suivantes:
*85.371,45 euro en réparation de son préjudice matériel
*15.244,90 euro en réparation de son préjudice moral
*24.391,84 euro en réparation de son préjudice commercial,
– Condamner HRG aux dépens et à verser à BAGREAL la somme de 20.000 euro sur le fondement de l’article 700 du NCPC.
Suivant Jugement dont appel du 19avril 2007 le Tribunal de Commerce de Créteil s’est ainsi prononcé :
– Condamne la Société HRG ROHRSANIERUNGS GMBH à payer à la Société BAGREAL la somme de 103.105,00 euro assortie des intérêts légaux à compter du 16 octobre 2001, et ordonne la capitalisation des intérêts échus en application des dispositions de l’ article 1154 du code civil ,
– Dit la Société BAGREAL mal fondée en sa demande de dommages-intérêts et l’en déboute,
– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– Ordonne l’exécution provisoire de ce jugement sous réserve qu’en cas d’appel, il soit fourni par le bénéficiaire une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à son profit.
– Condamne la Société HRG ROHRSANIERUNGS GMBH à payer à la Société BAGREAL la somme de 10.000,00 au titre de l’article 700 du NCPC et déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires formées de ce chef.
– Condamne la partie défenderesse aux entiers dépens.
Le Tribunal a jugé:
– que la loi applicable au litige était la loi Française
– que le fondement de l’action était la responsabilité décennale des constructeurs
– que des désordres étaient apparus en Octobre 1997 et en Janvier 2000 à l’intérieur du délai de garantie décennale
– que la société BAGREAL bénéficiait d’une subrogation et rapportait la preuve suffisante de ce que les désordres étaient imputables à la société HRG ROHRSANIERUNG
– Le tribunal a ensuite fixé le préjudice indemnisable.
Vu les dernières écritures des parties
La Société HR ROHRSANIERUNGS Gmbh a conclu à l’infirmation du jugement et notamment demandé de dire que le droit allemand était applicable au litige en vertu des dispositions de la Convention de Rome, que dès lors la prescription était acquise, qu’en tout état de cause la garantie décennale n’était pas applicable, et que BAGREAL ne rapportait pas la preuve d’être subrogée dans les droits de la société VALENTIN.
La Société BAGREAL a conclu à la confirmation du jugement en ce qu’il avait prononcé une condamnation à l’encontre de la société HR ROHRSANIERUNG, et à sa réformation du chef du débouté de ses demandes de dommages et intérêts
SUR CE
Considérant que la Cour adopte l’exposé des faits et des moyens des parties des premiers juges ainsi que leurs motifs, notamment de fait, non contraires au présent arrêt.
Considérant que pour retenir l’application du droit allemand le Tribunal a adopté la motivation suivante ‘Attendu que la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 dispose que, par dérogation au principe général selon lequel les personnes domiciliées sur le territoire d’un état contractant sont attraites quelque soit leur nationalité devant les juridictions de cet état ( article2), le défendeur domicilié sur le territoire d’un état contractant peut être attrait, en matière contractuelle, devant la Tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été exécuté (art5-1), qu’en application de la Convention de Rome le droit français sera appliqué dès lors que la garantie décennale est un principe d’ordre public’
Considérant que le litige n’a jamais porté sur la question du Tribunal compétent, HRG n’ayant jamais soulevé l’exception d’incompétence mais soutenant seulement que seul le droit allemand était applicable en l’espèce avec pour conséquence l’application de règles de prescriptions beaucoup plus courtes que dans le droit français applicable au moment où l’instance a été lancée.
Considérant que les parties n’ont pas fait choix de la loi applicable au contrat.
Considérant que l’article 4§1 de la Convention de Rome dispose qu’à défaut de choix de la loi applicable par les parties ‘le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits’, que l’article 4§2 précise que ‘le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique (dans l’exercice de son activité professionnelle) a, au moment de la conclusion du contrat… son principal établissement’, qu’il n’est pas contesté que HRG, qui avait à fournir la prestation caractéristique, avait à l’époque son principal établissement à SOLTAU
Considérant que l’article 4§3 concerne l’hypothèse où le contrat a pour objet un droit réel immobilier ou un droit d’utilisation d’un immeuble
Considérant que l’article 4§4 vise le contrat de transport de marchandises.
Considérant que l’article 4§5 précise ‘l’application du paragraphe 2 est écartée lorsque la prestation caractéristique ne peut être déterminée. Les présomptions des paragraphes 2 3 et 4 sont écartées lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente de liens plus étroits avec un autre pays’.
Considérant que la société HRG s’en tient à l’application des articles 4§1 et 2 que la société BAGREAL invoque l’article 4§5 2è phrase selon laquelle la présomption est écartée lorsque ‘il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays’.
Considérant qu’il est soutenu par BAGREAL, et résulte de l’ensemble des documents versés aux débats par ailleurs parfaitement analysés par les premiers juges, que ‘les causes du désordre sont directement la conséquence d’une pose défectueuse (liner durci trop rapidement par suite d’une vitesse excessive du chariot de photo-durcissement à l’intérieur de la canalisation)’.
Considérant que ‘la prestation caractéristique’, consistait bien à faire entrer dans la conduite d’eau à réhabiliter un tuyau souple en tissu de verre imprégné de résine, à le plaquer par air comprimé contre la paroi puis à faire circuler à l’intérieur du tuyau un appareil qui réalise le durcissement de la résine, que cette prestation caractéristique a été fournie par HRG , qu’elle est clairement déterminable et tout aussi clairement une obligation de faire dont il importe peu qu’elle concerne une canalisation, circonstance dont il ne peut aucunement se déduire ‘l’attraction de la loi réelle c’est à dire du lieu de situation des travaux’ comme le soutient la société BAGREAL, pas plus qu’il ne s’impose d’écarter la règle de principe posée par l’article 4§2 au seul motif que pour l’exécution des décisions ‘on aura égard à la loi du pays où l’exécution a lieu’ disposition totalement distincte qui n’a pas à entrer en considération dans le présent litige.
Considérant encore qu’il importe peu que la commande ait été adressée de France, alors qu’elle a été reçue en Allemagne, qu’il n’est pas contestable que la situation ressort de l’article 1er de la Convention de Rome qui vise les hypothèse qui ‘comportent un conflit de lois en matière d’obligations contractuelles’, que la convention pose le principe de la liberté de choix par les parties de la loi applicable, qu’en l’espèce il appartenait à la société BAGREAL de prendre toute disposition pour faire élire le droit français, qu’en l’état cette société ne rapporte pas la preuve suffisante de ce que l’application du paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention doive être écartée alors que la prestation caractéristique est parfaitement déterminée et reconnue par la Société BAGREAL elle même comme en relation de causalité directe avec les désordres, que l’argumentation de la société BAGREAL revient tout simplement à écarter la règle de l’article 4 §2 ‘ de la prestation caractéristique’ et du domicile de la partie qui a à la fournir, pour lui substituer celle du lieu de la fourniture de la prestation, ce qui n’est manifestement pas la solution de principe retenue par la Convention de Rome, qu’il s’en suit que la loi applicable à défaut d’autre volonté exprimée des parties au moment de la conclusion du contrat est la loi allemande.
Considérant que le § 638 du BGB dispose que ‘le droit du donneur d’ordre, à réparation d’un vice de l’ouvrage et les droits du donneur d’ordre à demander la résiliation du contrat, la réduction du prix ou des dommages et intérêts en raison dudit vice, si l’entrepreneur n’a pas frauduleusement dissimulé ledit vice, se prescrivent dans les six mois ou dans l’année si les travaux ont lieu sur un terrain ou dans les 5 ans s’il s’agit de constructions. Le délai de prescription court à partir de la réception de l’ouvrage. Le délai de prescription peut être prolongé par contrat.’
Considérant que cette disposition n’est pas critiquée par la société BAGREAL, que les travaux litigieux ont été réceptionnés le 5 juillet 1995, que la présente assignation est en date du 26 Mai 2005, qu’il s’agisse ou non de travaux de construction au sens de la loi allemande, la prescription est acquise.
Considérant que la société BAGREAL invoque encore le caractère d’ordre public des dispositions des articles 1792 et suivants du CC pour réclamer l’application de l’article 16 de la Convention de Rome qui dispose ‘l’application d’une disposition d’une loi désignée par la présente convention ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l’ordre public du for’, que cependant la circonstance qu’en droit français la garantie décennale du constructeur est un principe d’ordre public n’autorise pas de conclure que l’application de la loi allemande est manifestement incompatible avec l’ordre public français, que les dispositions impératives de la loi française sur la responsabilité décennale des constructeurs ne trouvent d’application qu’en droit interne, qu’elles ne constituent pas une disposition dont l’application est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale ou économique du pays, que ne s’agissant pas d’une loi de police ces dispositions ne sont applicables qu’en droit interne et non pas en droit international, que c’est donc à tort que les premiers juges ont décidé que ‘le droit français sera appliqué, dès lors que la garantie décennale du constructeur est un principe d’ordre public’.
Considérant que les discussions développées par ailleurs par les parties à propos de l’application ou non des dispositions des articles 1792 et suivants du Code Civil – application au demeurant très contestable- sont sans emport dès lors qu’en tout état de cause la prescription applicable en droit français à l’époque de l’assignation, serait, que l’on se place sur un fondement décennal ou sur celui de l’article 1147 du CC, visé subsidiairement, toujours décennale, mais que la Cour jugeant le droit allemand applicable, la prescription étant dès lors tout au plus de 5 ans, l’action est indéniablement prescrite.
Considérant qu’il n’apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
DEBOUTE la société BAGREAL de ses demandes à l’encontre de la société HRG
ROHRSANIERUNGS GMBH.
REJETTE toutes autres demandes des parties.
CONDAMNE la société BAGREAL aux dépens de première instance et d’appel avec distraction au profit de avoués concerné.
Le Greffier Le Président
___________________________________________________
Décision Antérieure
Tribunal de commerce Créteil du 19 avril 2007 n° 2005F00781
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