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Section 2 : Une donation indirecte ?

ADIAL

Par application des critères de définition des donations et des donations indirectes, on
constate que l’attribution bénéficiaire d’un contrat d’assurance à titre gratuit ne réalise pas une
donation (I) mais peut, dans certaines circonstances, être qualifiée de donation indirecte (II). Il
est à noter que si la qualification d’un tel contrat d’assurance vie en donation indirecte est
possible, elle n’est cependant pas systématique.

I- Les obstacles à la qualification de donation

Une donation est un acte par lequel une personne, le donateur, transfère,
immédiatement et irrévocablement avec une intention libérale, la propriété d’un bien ou l’un
de ses démembrements (nue-propriété ou usufruit) à une autre personne, le donataire, qui
l’accepte sans contrepartie(44). En effet, la donation entre vifs est définie par le Code civil à
l’article 894 comme « l’acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et
irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte ». Une donation
suppose toujours une intention libérale, une absence de contrepartie et un dessaisissement du
donateur.

Trois conditions à la qualification d’une opération de donation se dégagent de cette
définition légale. Pour que la qualification de donation soit admise, il faut pouvoir démontrer
la réunion de ces trois conditions que sont l’intention libérale du donateur, son
dessaisissement irrévocable et l’acceptation du bénéficiaire.

La donation est un contrat dans lequel le donataire joue un rôle effacé et dans lequel la
volonté du donateur joue un rôle prépondérant. Les règles régissant les donations sont
rigoureuses notamment car le Code civil subordonne la validité d’une donation à la forme
notariée.

En d’autres termes, une donation doit être réalisée par acte notarié. En effet, l’article
931 du Code civil dispose « Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant
notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité ».

Dans une donation, il faut distinguer l’acte du donateur qui est de se dessaisir actuellement et
irrévocablement de l’acte du donataire qui est seulement d’accepter l’acte du donateur.

L’acte du donateur est soumis à une forte solennité car le donateur se dépouille
irrévocablement d’une partie de son patrimoine à titre gratuit. Comme on l’a vu
précédemment, les actes à titre gratuit sont des actes qui nécessitent des règles de forme
strictes afin de protéger le disposant, en l’espèce, le donateur, de la cupidité d’autrui. La
solennité à laquelle est soumis l’acte du donateur est forte car elle est double. En effet, l’acte
du donateur traduisant sa volonté de donner au donataire doit revêtir la forme notariée.

L’acte de donation doit donc être fait devant un notaire. Par ailleurs, lorsque la donation est
mobilière, elle doit comporter en plus un état estimatif(45) qui énumère et décrit les biens
donnés. A défaut du respect de ce formalisme, la donation sera déclarée nulle. Une donation
doit traduire l’intention du donner du donateur. Ce dernier doit être animé de l’animus
donandi(46) et cette volonté de donner doit être irrévocable selon le Code civil, c’est notamment
pour cela que la forme notariée est exigée pour les donations.

Suite à cet acte du donateur, le donataire doit accepter la donation. L’article 932 du
Code civil(47) rappelle en effet que la donation doit être acceptée par le donataire mais cette
acceptation n’est pas une acceptation de droit commun, elle doit en plus revêtir un certain
formalisme. L’acceptation du donataire doit être donnée de façon solennelle. L’acceptation du
donataire ne peut se contenter d’être donnée par une simple signature et encore moins d’être
donnée tacitement. L’acceptation du donataire doit faire l’objet d’une déclaration spéciale soit
par un acte séparé authentique, soit une notification en une forme quelconque au donateur.

La souscription d’un contrat d’assurance vie prévoyant le versement du bénéfice du
contrat à un tiers bénéficiaire en cas de décès implique l’intention de donner du souscripteur.
Lorsque le tiers bénéficiaire a accepté le bénéfice de ce contrat, le souscripteur a donné
irrévocablement une partie de son patrimoine au tiers bénéficiaire. L’optique de l’acte de
donation est donc constituée. L’exigence d’irrévocabilité de la donation est remplie dans le
cadre de l’attribution bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie lorsque le bénéficiaire a
accepté de recevoir le bénéfice de ce contrat et dans l’hypothèse où il n’y renonce pas par la
suite. L’acceptation de l’attribution bénéficiaire consolide le droit du bénéficiaire.

Traditionnellement, l’acceptation emporte deux effets, elle bloque la révocation et fait
obstacle au rachat. Quand le bénéficiaire accepte le bénéfice du contrat d’assurance vie, le
souscripteur/stipulant ne peut plus changer de bénéficiaire. Par ailleurs, traditionnellement, on
disait que l’acceptation du bénéficiaire faisait obstacle au rachat. Mais un article de Jérôme
Kullmann est venu poser une limite à ce principe. Selon lui, l’acceptation ne devrait pas faire
obstacle au rachat car il existe un véritable droit au rachat par le souscripteur depuis la loi de
1930. Cependant, il existe également un véritable droit au bénéfice reconnu au bénéficiaire.

La question se pose alors de savoir s’il faut combiner ces deux droits ou privilégier un droit
par rapport à l’autre et sur quel fondement. Un arrêt de la Cour de Cassation de 2008 a été
rendu dans le sens des thèses de Jérôme Kullmann. Il semble donc que malgré l’acceptation
du bénéficiaire, le souscripteur puisse procéder à des rachats de son contrat. Le fait pour le
souscripteur de conserver une possibilité de rachat du contrat alors même que le bénéficiaire
en a accepté le bénéfice remet en partie en cause le critère de qualification de l’attribution
bénéficiaire des contrats d’assurance vie de libéralité et de donation. En effet, pour qu’un
contrat d’assurance vie souscrit à titre gratuit au profit d’un tiers bénéficiaire avec
dénouement en cas de décès soit qualifié de donation, il faut que le souscripteur/assuré ait
disposé irrévocablement en faveur du bénéficiaire. Or, si malgré l’acceptation du bénéficiaire
le souscripteur dispose encore d’un droit au rachat de son contrat, on peut douter que sa
stipulation pour autrui ait été faite de manière irrévocable…

Cependant, les conséquences de l’acceptation d’un contrat d’assurance vie ne s’appréhendent pas de la même
façon selon que cette acceptation a eu lieu avant ou après le 18 décembre 2007(48). En effet, lorsqu’un
contrat d’assurance vie rachetable a été accepté par le bénéficiaire avant cette date, le souscripteur
conserve le droit de demander le rachat de son contrat (sauf lorsqu’il y a expressément
renoncé). Cette possibilité pour le souscripteur de demander le rachat de son contrat, semble
exclure la possibilité de requalifier l’opération de donation. Mais, lorsqu’un contrat
d’assurance vie rachetable a été accepté par le bénéficiaire après le 18 décembre 2007, cette
acceptation, pour être « validée » et donc pour être effective doit obtenir l’accord du stipulant.

C’est donc le stipulant qui décide, « en validant » l’acceptation bénéficiaire, de rendre cette
stipulation pour autrui qu’il a consenti au tiers bénéficiaire irrévocable. La disposition pour
autrui étant devenue irrévocable par la « validation » faite par le souscripteur, sa qualification
en donation est, dans ce cas, à nouveau possible car au-delà de l’existence ou non d’une
possibilité de rachat du contrat par le souscripteur malgré l’acceptation du bénéficiaire, le
souscripteur/assuré a donné son aval à l’acceptation bénéficiaire qui, de ce fait, est devenue
irrévocable.

Cette exigence d’irrévocabilité pour la qualification de donation pose donc un
problème dans le cadre des contrats d’assurance vie car l’irrévocabilité peut exister mais ce
n’est pas toujours le cas. En effet, le bénéficiaire peut accepter le bénéfice d’un contrat
d’assurance vie à tout moment. Il peut accepter immédiatement lors de la stipulation pour
autrui mais également après cette stipulation et même après le décès de l’assuré.

L’acceptation d’un tel contrat d’assurance vie peut être expresse ou tacite. Mais il semblerait,
au vu de la définition des donations, pour que l’assurance vie puisse être qualifiée de
donation, que son acceptation par le tiers bénéficiaire soit nécessairement expresse. Si le
bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie peut ne pas vouloir accepter la stipulation faite à son
profit, le souscripteur peut également vouloir, à un moment de la vie du contrat, révoquer la
désignation qu’il a faite du bénéficiaire. Lorsque la révocation du bénéficiaire désigné
intervient avant l’acceptation de ce dernier, le souscripteur dispose d’un droit personnel de
révocation(49) du bénéficiaire. Mais, lorsque la révocation du bénéficiaire intervient après
l’acceptation par ce dernier du bénéfice du contrat, il n’y a plus de possibilité pour le
souscripteur de le révoquer(50).

Pour qualifier l’attribution bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie de donation, il
faut donc distinguer selon deux périodes : avant et après l’acceptation du bénéficiaire ayant
obtenu l’accord dus stipulant/souscripteur. Avant l’acceptation par le bénéficiaire, cette
attribution ne peut pas constituer de donation car elle ne répond pas à l’exigence
d’irrévocabilité des donations. Après l’acceptation du bénéfice du contrat par le bénéficiaire,
l’opération est considérée irrévocable et donc peut être qualifiée de donation, toujours dans
l’hypothèse où le bénéficiaire ne renonce pas au bénéfice du contrat. Pour que cette opération
soit qualifiée de donation, il faut que les critères posés à l’article 894 du Code civil soient
remplis.

Cependant, outre cette difficulté relative à l’irrévocabilité de la volonté de donner du
souscripteur/assuré, un autre problème subsiste quant à la qualification de cette opération en
donation. Il s’agit des conditions de forme exigées pour que l’opération constitue une donation.

En effet, l’attribution bénéficiaire d’un contrat d’assurance ne remplit pas les
conditions de solennité exigées pour les donations. Il n’est pas exigé qu’une attribution
bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie soit rédigée en la forme authentique. L’attribution
bénéficiaire n’est pas obligatoirement un acte notarié, contrairement aux donations, pour être
valable. Cette divergence est donc un obstacle majeur à la qualification d’un contrat
d’assurance vie de donation au sens strict du terme.

Si la qualification d’un tel contrat d’assurance vie de donation soit exclue, on peut, en
revanche, s’interroger sur le fait de savoir si cette attribution bénéficiaire pourrait être
qualifiée de donation indirecte.

II- Une attribution bénéficiaire pouvant être qualifiée de donation indirecte

A la différence des donations classiques, les donations indirectes, comme les
donations déguisées échappent aux règles de formes posées par l’article 931 du Code civil(51).
Les donations indirectes et les donations déguisées n’ont pas besoin, contrairement aux autres
donations, de revêtir la forme d’un acte notarié.

Les donations indirectes ont une définition négative. La donation indirecte n’est ni une
donation ostensible, ni un don manuel, ni une donation déguisée(52). C’est une donation dont
l’existence résulte d’un autre acte. Cet autre acte que l’on pourrait qualifier d’acte de base ne
révèle pas qu’il s’agit d’une donation. C’est exactement ce qui se passe avec les contrats
d’assurance souscrit à titre gratuit au profit d’un tiers bénéficiaire. L’acte de base est un
contrat d’assurance vie et cet acte ne révèle pas qu’il contient une donation. La donation
indirecte ne peut donc exister qu’en fonction de l’acte qui la soutient. L’existence de donation
indirecte est depuis longtemps reconnue par la jurisprudence mais la définition et la notion de
la donation indirecte demeure floue.

Les donations indirectes doivent être distinguées des donations déguisées car la
confusion entre ces deux types de donation se fait aisément. Dans le cadre d’une donation
déguisée, il y a une volonté de tromper, il y a un mensonge sur la forme de l’acte ; c’est en
cela que la donation est dite déguisée. L’acte constitue une libéralité mais se présente comme
un acte à titre gratuit. Il y a une volonté de déguiser la libéralité pour qu’elle ne soit pas
connue de tous. L’exemple le plus courant pour illustrer la donation déguisée c’est une vente
où le prix est fictif.

L’élément essentiel qui permet de distinguer une donation indirecte d’une donation
déguisée c’est l’intention de tromper. Cette intention de tromper est présente dans une
donation déguisée mais, en revanche, est absente dans les donations indirectes. Un acte, un
contrat souscrit dans le but de masquer la réalisation d’une donation constitue une donation
déguisée. Il y a véritablement une intention de tromper ou du moins volonté de dissimuler la
donation. Cet aspect du déguisement, de la volonté de dissimulation n’existe pas dans le cadre
des donations indirectes. Dans le cadre des donations indirectes, on est bien en présence d’un
acte autre que celui de la donation, mais cet autre acte, cet acte de base n’est que le support de
la donation, il n’est pas intentionnellement mis en évidence dans le but de dissimuler la
donation. Les donations indirectes sont donc des actes neutres c’est-à-dire des actes dont la
nature n’est ni gratuite, ni onéreuse.

Un contrat d’assurance vie peut se trouver être le support d’une donation indirecte.
C’est la stipulation pour autrui contenue dans un contrat d’assurance qui peut réaliser une
donation indirecte lorsque les conditions de l’article 894 du Code civil sont remplies. Plus
précisément, c’est le lien qui unit le souscripteur au tiers bénéficiaire qui réalise une donation
indirecte(53).

Cependant, si l’attribution bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie est en mesure, au
vu des caractéristiques de sa nature juridique, de constituer une donation indirecte, la
jurisprudence ne considère plus qu’une telle opération réalise systématiquement une donation
indirecte.

En effet, depuis le célèbre arrêt de la Chambre Mixte de la Cour de Cassation en
date du 21 décembre 2007(54), l’attribution bénéficiaire doit remplir certains critères pour
pouvoir être qualifiée de donation indirecte. Cela signifie donc, implicitement, que l’opération
n’est pas systématiquement une donation indirecte et la qualification de cette opération en
donation indirecte revêt un caractère exceptionnel. Il faut, pour que cette qualification de
donation indirecte soit admise, que l’opération remplisse les conditions de l’article 894 du
Code civil(55).

Cependant, s’il est vrai que la qualification d’un contrat d’assurance vie dépend
du fait les critères posés par l’article 894 du Code civil soient remplis, il semble que cette
condition ne soit pas exigée strictement. En effet, cet arrêt de la chambre mixte de la Cour de
Cassation a admis la validité de la qualification d’un contrat d’assurance vie en donation
indirecte alors même que le bénéficiaire n’avait pas accepté le bénéfice du contrat du vivant
du souscripteur/assuré.

Mais, dans ce cas, les circonstances traduisant bien la volonté du souscripteur/assuré de se dépouiller
de manière irrévocable au profit du bénéficiaire, la requalification en donation indirecte a été admise.
Au regard de cet arrêt de la Cour de Cassation, il semble que le critère essentiel et déterminant à la
possible qualification d’un contrat d’assurance vie en donation indirecte soit le caractère irrévocable
de la stipulation pour autrui faite par le souscripteur/assuré. Si ce caractère se manifeste notamment par
l’acceptation du bénéfice du contrat, ce n’est pas le seul moyen de constater l’irrévocabilité de
la stipulation. Cette constatation peut également se faire par d’autres moyens, comme par
exemple le défaut d’aléa dans le cadre d’un contrat d’assurance vie qui traduit la présence
d’une donation indirecte.

Le fait que la qualification d’un contrat assurance vie de libéralité et plus précisément
de donation indirecte ne soit plus systématique implique que désormais, selon nous, que ces
qualifications sont exclusives l’une de l’autre et non plus cumulatives comme par le passé(56)
mais cet avis n’est pas partagé par tous les auteurs.

44 Lexique des termes juridiques, Raymond Guillien et Jean Vincent, Dalloz, 15ème édition, 2005
45 L’article 948 du Code civil dispose « Tout acte de donation d’effets mobiliers ne sera valable que pour les
effets dont un état estimatif, signé du donateur et du donataire, ou de ceux qui acceptent pour lui, aura été
annexé à la minute de la donation ».
46 Cf supra
47 L’article 932 du Code civil dispose « La donation entre vifs n’engagera le donateur, et ne produira aucun effet,
que du jour qu’elle aura été acceptée en termes exprès. L’acceptation pourra être faite du vivant du donateur
par un acte postérieur et authentique, dont il restera minute ; mais alors la donation n’aura d’effet, à l’égard du
donateur, que du jour où l’acte qui constatera cette acceptation lui aura été notifié. »
48 Le 18 décembre 2007 est la date de publication de la loi n°2007-1775 du 17 décembre 2007 permettant la
recherche des bénéficiaires des contrats d’assurance sur la vie non réclamés et garantissant les droits des
assurés.
49 C’est un droit personnel de révocation du bénéficiaire dont dispose le souscripteur. Ce droit disparait au
moment du décès du souscripteur. Par ailleurs, si le souscripteur n’est pas l’assuré, le souscripteur devra
recueillir le consentement de l’assuré pour pouvoir révoquer le bénéficiaire.
50 Il existe cependant deux séries d’exceptions dans lesquelles le souscripteur dispose encore du droit de
révoquer le bénéficiaire même après son acceptation du bénéfice du contrat. Tout d’abord en cas de tentative
de meurtre du souscripteur par le bénéficiaire mais également les causes de révocations des donations lorsque
l’on considère qu’un contrat d’assurance vie peut réaliser une donation, à savoir la révocation pour charge, la
révocation pour survenance d’enfant et la révocation pour cause d’ingratitude.
51 L’article 931 du Code civil dispose « Tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans
la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité. »
52 Philippe Malaurie et Laurent Aynès, Les successions les libéralités, 3ème édition, Defrénois, 2008.
53 Annexe 6 : L’attribution bénéficiaire réalisant une donation indirecte
54 Dame G, Bull. civ. Mix. n°000
55 « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la
chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte ».
56 Cf infra Partie 1 Titre 2 Chapitre 2 : Les qualifications d’assurance vie et de libéralité : cumul ou exclusion ?

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