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Section 2 : L’application des règles du droit des successions

ADIAL

La souscription d’un contrat d’assurance à titre gratuit au profit d’un tiers bénéficiaire
avec un dénouement en cas de décès peut avoir le même effet qu’une donation dans le sens où
cette opération prévoit qu’un capital sera versé à un bénéficiaire. Il y a donc un transfert de
patrimoine du souscripteur/assuré au profit du bénéficiaire. En effet, le montant du capital ou
des rentes versés au tiers bénéficiaire au moment du décès du souscripteur viendra, par
conséquent, diminuer d’autant, le montant de la succession qui a vocation à revenir aux
héritiers. Il faut donc protéger la réserve héréditaire des héritiers légaux et réservataires afin
qu’elle ne soit pas vidée de sa substance par le biais de libéralités et notamment de contrats
d’assurance vie.

Les règles du droit des successions qui permettent la protection de la réserve
héréditaire sont au nombre de deux. Il s’agit de la règle du rapport à succession et de la règle
de la réduction des libéralités pour atteinte à la réserve. Lorsque ces règles sont amenées à être
appliquées, les libéralités que le défunt a pu consentir de son vivant seront ramenées à la
masse successorale et leur montant sera, en tout ou partie, pris en compte pour le règlement de
la succession.

Plus précisément, l’objet du rapport des libéralités à la succession est d’assurer
l’égalité entre les héritiers venant à la succession du défunt. L’objet de la réduction des
libéralités est de protéger la réserve héréditaire. L’objectif de ces règles est d’assurer aux
héritiers légaux et réservataires que le défunt n’aura pas de son vivant vider de son contenu la
masse successorale en ayant consenti des libéralités d’un montant très élevé au profit de
certaines personnes. Il faut donc tenir compte de la quotité disponible(91) et de la réserve
héréditaire(92) avant de disposer au profit de tierce personne.

En effet, si le défunt, de son vivant n’en tient pas compte et consent des libéralités excessives,
les règles du rapport et de la réduction seront amenées à s’appliquer dans le but d’assurer l’égalité entre
les héritiers dans l’hypothèse où le défunt aura voulu disposer au profit de certains et donc au détriment des
autres mais, ces règles seront également amenées à s’appliquer dans le but de réduire les
libéralités consenties pour un montant trop élevé qui ont, de ce fait, vider la succession de sa
substance et priver les héritiers réservataire de leurs droits.

Les règles du rapport des libéralités à la succession du défunt ont vocation à
s’appliquer lorsque, de son vivant, le défunt a consenti des libéralités à certains de ses
héritiers et pas à d’autres, mais également lorsque les libéralités consenties ne sont pas du
même montant et enfin lorsque certaines libéralités ont été consenties en avancement de part
successorale alors que d’autres ont été consenties hors part successorale(93). Le rapport a
vocation à rétablir l’égalité entre les héritiers et entre la valeur de ce qui a pu leur être donné
par le défunt de son vivant. Il faut, en effet, tenir compte des différentes libéralités qui ont pu
être consenties par le défunt dans les opérations de partages.

Les règles de la réduction des libéralités excessives ont, quant à elles, vocation à
s’appliquer lorsque le défunt, de son vivant, a consenti des libéralités excessives, c’est-à-dire
dont le montant dépasse la quotité disponible(94). Les libéralités qui sont consenties pour une
somme qui dépasse la valeur de la quotité disponible seront réduites car elles portent atteinte
au montant de la réserve héréditaire sur laquelle les héritiers ont un droit absolu. La réduction
des libéralités ne concerne que la part excédentaire de la quotité disponible. En d’autres
termes, les libéralités consenties par le défunt de son vivant à des personnes autres que les
héritiers ne sont valables que dans la limite du montant de la quotité disponible.

Cependant, ce n’est qu’après le décès du défunt que l’on peut connaître le montant de la quotité
disponible et donc déterminer si les libéralités consenties excèdent ce montant. En effet, le montant de la
quotité disponible dépend de plusieurs paramètres qui seront connus au moment du décès à
savoir : la qualité et le nombre d’héritiers réservataires et importance du patrimoine du défunt.

Cette règle de la réduction des libéralités a donc pour objectif de protéger les héritiers
réservataires contre les libéralités excessives qu’aurait pu consentir, de son vivant, le défunt
dont la succession doit être réglée.

Lorsqu’un contrat d’assurance vie est souscrit dans le but de réaliser une donation et
qu’il en réalise réellement une, cette opération doit alors être requalifiée en donation
indirecte(95). Cette opération requalifiée de libéralités se verra alors appliquer les règles de droit
commun des libéralités et notamment celles du rapport à la succession et de réduction pour
atteinte à la réserve que nous venons de rappeler. En effet, selon nous, l’application des règles
des libéralités vient se substituer à l’application des règles des contrats d’assurance vie en cas
de décès car on a considéré qu’il y avait une exclusion entre les qualifications d’assurance et
de libéralité pour une même opération.

Par ailleurs, lorsque les contrats d’assurance vie se dénouant au décès du souscripteur/assuré ne
donnent pas lieu à être requalifiés en donation indirecte(96), ces contrats peuvent cependant être soumis
aux règles du rapport et de la réduction pour atteinte à la réserve lorsque les primes versées par le
souscripteur/assuré sont manifestement exagérées et qu’elles dépassent les capacités financières du souscripteur.

Plus précisément, dans cette hypothèse, ce seront les primes versées à l’assureur qui se verront
appliquer les règles du rapport et de la réduction. On rencontre le cas de primes
manifestement exagérées lorsque par exemple les primes versées par le souscripteur à
l’assureur représentent 80% de la valeur de son patrimoine.

Lorsqu’un contrat d’assurance vie est requalifié en donation indirecte et que le
bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie se voit alors appliquer les règles du rapport à la
succession, la libéralité consentie par l’intermédiaire du contrat d’assurance vie est
rapportable. Par ailleurs, en ce qui concerne les règles de la réduction, lorsqu’un contrat
d’assurance vie est requalifié en donation indirecte, si la libéralité consentie au bénéficiaire
par le biais du contrat d’assurance vie est excessive par à la quotité disponible, la libéralité
sera alors réductible et donc réduite pour la fraction excédant la quotité disponible suivant les
dispositions de l’article 920(97) et suivant du Code civil.

Cependant, comme nous l’avons vu précédemment dans notre étude, il existe une
incertitude et une divergence aussi bien des auteurs que de la jurisprudence sur le montant de
la libéralité réalisée par l’intermédiaire d’un contrat d’assurance vie. En effet, la libéralité estelle
des primes versées par le souscripteur ou est-elle du montant du capital ou des rentes
versés par l’assureur au bénéficiaire ? Cette divergence a une incidence sur la somme à retenir
pour appliquer les règles du rapport et de la réduction lorsque le contrat d’assurance vie est
requalifié de donation indirecte. Nous avions pris position en faveur d’une libéralité
constituée par le montant du capital versé. Selon nous, dans l’hypothèse d’un contrat
d’assurance vie qui réalise une donation et qui est requalifié en tant que tel, il faut donc
appliquer les règles du rapport et de la réduction au montant du capital décès ou des rentes
stipulées payables lors du décès du souscripteur/assuré par l’assureur au bénéficiaire désigné.

Lorsque la requalification d’un contrat d’assurance vie est prononcée par une
juridiction, les conséquences civiles sont importantes car le bénéfice du contrat d’assurance
qui était traité comme étant hors succession(98) se voit alors réintégrer à la succession et les
règles du rapport et de la réduction seront susceptibles de s’appliquer.

91 La quotité disponible est la portion du patrimoine d’une personne dont elle ne peut disposer librement par
donation ou par testament en présence d’héritiers réservataires (ascendants ou descendants). Elle est
déterminée par la loi et varie en fonction de la qualité et du nombre des héritiers réservataires. La quotité
disponible est la masse qu’une personne pourra disposer au profit de personnes tierces, c’est-à-dire autres que
ses héritiers.
92 La réserve héréditaire est la portion du patrimoine d’une personne dont elle ne peut pas disposer librement
par donation ou par testament en présence d’héritiers réservataires (ascendant ou descendants). La réserve
héréditaire a vocation à être séparée par parts égales entre les héritiers réservataires au moment de la
succession du défunt. Les héritiers réservataires sont les héritiers qui en raison de leur lien de parenté en ligne
directe avec le défunt ont nécessairement droit à une part de la succession et plus précisément qui ont
nécessairement droit à une part de la réserve héréditaire.
93 A la différence des libéralités consenties en avancement de part successorale, les libéralités consenties hors
part successorale ne sont pas soumises au rapport à succession et sont donc considérées comme de
« véritables » libéralités au sens où la personne qui en ait le bénéficiaire ne devra rien rapporter au moment du
règlement de la succession du disposant. Seules les donations faites en avancement de part successorales sont
rapportables. La loi présume que toutes les donations sont faites en avancement de part successorale (il s’agit
d’une présomption simple). Au contraire, la loi présume que les legs sont consentis hors part successorale.
94 Cf Annexe 13 : Le patrimoine du défunt
95 Cf supra
96 Ces contrats ne réalisent, en effet, pas automatiquement une libéralité et une donation indirecte. Si les
circonstances dans lesquelles ils ont été souscrits ne traduisent pas la volonté du souscripteur de réaliser une
libéralité en les souscrivant, il n’y a pas lieu à les requalifier en donation indirecte.
97 L’article 920 du Code civil dispose « Les libéralités, directes ou indirectes, qui portent atteinte à la réserve d’un
ou plusieurs héritiers, sont réductibles à la quotité disponible lors de l’ouverture de la succession ».
98 Selon l’article L132-12 et L132-13 du Code des assurances

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