Comme nous venons de le mentionner, l’intérêt des héritiers d’obtenir la
requalification d’un contrat d’assurance vie en cas de décès souscrit à titre gratuit au profit
d’un tiers bénéficiaire de libéralité et plus précisément de donation indirecte est
essentiellement civil. En effet, en obtenant la requalification d’un tel contrat en donation
indirecte à la suite d’un contentieux, les héritiers obtiennent que ces opérations ne soient plus
soumises aux articles L132-12 et L132-13 du Code des assurances. Nous avons préalablement
développé notre avis sur le fait que nous pensons que les qualifications d’assurance vie et de
libéralités sont alternatives l’une de l’autre. C’est en considération de cette opinion que nous
faisons valoir que lorsqu’un contrat d’assurance vie est requalifié en donation indirecte, il y a
substitution de ces qualifications et donc des régimes juridiques et fiscaux qui y sont attachés.
Plus précisément, lorsqu’un contrat d’assurance vie est requalifié en donation indirecte, les
articles L132-12 et L132-13 du Code des assurances n’ont plus vocation à s’appliquer à
l’opération. Ces articles permettent que les contrats d’assurance vie ne soient pas soumis aux
règles du droit des successions (les règles du rapport et de la réduction). En prévoyant cette
disposition, le législateur permet aux souscripteurs de tels contrats d’assurance vie de
transmettre de manière avantageuse une partie de leur patrimoine à des tiers qu’ils auront
choisis.
En effet, ces dispositions permettent à ces souscripteurs de transmettre une partie de
leur patrimoine sans que cette transmission patrimoniale ne soit soumise aux règles du droit
des successions et des libéralités prévoyant une certaine protection des héritiers légaux et
réservataires du défunt qui avait souscrit ces contrats. Par ailleurs, ces articles prévoient
également que le capital ou la rente stipulés payables par l’assureur ne font pas partie de la
succession du défunt. Ces articles trouvent à s’appliquer lorsque l’opération constituée de la
stipulation pour autrui faite par le souscripteur au profit d’un tiers bénéficiaire peut être
qualifiée d’assurance vie, c’est-à-dire lorsqu’un aléa est présent quant à la réalisation du
risque.
Or, lorsque qu’un contrat d’assurance vie est requalifié en donation indirecte c’est en
partie car cet élément aléatoire dans la réalisation du risque assuré n’est plus présent, c’est-àdire
lorsque la date du décès de l’assuré/souscripteur est connue. Lorsque la qualification
d’assurance vie n’est plus justifiée pour une opération, cette dernière ne bénéficie plus des
avantages de l’assurance vie. Au-delà de la « déqualification » de cette opération de contrat
d’assurance vie (car à défaut d’aléa, elle n’en constitue plus une), cette opération est
également requalifiée en donation indirecte. C’est de ce fait que, logiquement, elle se voit
réintégrer à la masse successorale et à nouveau soumise aux règles du rapport et de la
réduction. La soumission de cette opération aux règles protectrices des héritiers est donc
intéressante pour eux. En effet, l’objectif de ces règles de défendre non seulement l’égalité
entre les héritiers mais également de préserver le contenu de la réserve héréditaire à laquelle
les héritiers réservataire ont un droit absolu.
C’est l’application de tout ce mécanisme de requalification des contrats d’assurance
vie en libéralité que l’on vient de décrire qui est profitable aux héritiers légaux. En effet, grâce
à cette requalification, ils voient la valeur de leurs droits successoraux être reconstituée.