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Chapitre 1 : La pratique imposant un choix entre les qualifications

ADIAL

Un contrat d’assurance vie peut réaliser une libéralité. Il existe des contentieux sur le
sujet et il a été reconnu que, dans certaines circonstances, un contrat d’assurance vie peut
réaliser une libéralité. Cependant, si donc les deux qualifications d’assurance vie et de
libéralité sont en théorie applicables aux opérations constituées d’une stipulation pour autrui
et d’une attribution bénéficiaire comme c’est le cas pour ces contrats d’assurance vie, nous
sommes d’avis à rejoindre les auteurs qui pensent que les deux qualifications ne peuvent être
pas cumulatives mais doivent au contraire être exclusives l’une de l’autre.

Cette opinion n’est pas partagée par l’ensemble des auteurs car certains auteurs
développent l’opinion inverse consistant à défendent le cumul des qualifications. Pour
défendre leur point de vue et faire valoir que le cumul des régimes est applicable, ces auteurs
mettent en évidence que le contenu du régime juridique des assurances vie dont les règles sont
posées dans le Code des assurances et notamment à l’article L132-13 envisagent, pour en
exclure l’application, dans le cadre des assurances vie des règles spécifiques au droit des
successions et des libéralités. Ces règles visées par le Code des assurances sont les règles du
rapport à succession et de réduction des libéralités pour atteinte à la réserve héréditaire.

Le Code des assurances précise que, sauf dans certaines conditions, les règles du droit des
successions et des libéralités ne s’appliquent pas aux contrats d’assurance vie. Selon ces
auteurs, si le Code des assurances prend le temps d’apporter cette précision, c’est que
lorsqu’un contrat d’assurance vie réalise une donation indirecte(102) le cumul des régimes
juridiques des assurances vie et des libéralités est donc possible puisque prévu par le Code des
assurances.

Les qualifications d’assurance vie et de libéralité ne sont donc pas, selon eux, des
qualifications qui ont nécessairement vocation à s’exclure. Nous comprenons les auteurs qui
développent ce point vu et leurs arguments avancés mais en théorie seulement car, selon nous,
cette opinion n’est pas applicable en pratique. En effet, nous comprenons que cette opération
puisse, du fait de ses caractéristiques juridiques, revêtir la qualification juridique d’assurance
vie et de libéralité, il nous apparait nécessaire d’opérer un choix entre ces deux qualifications
afin de déterminer un régime juridique applicable.

En effet, nous nous interrogeons sur le point de savoir comment réellement pouvoir
appliquer à la fois le régime juridique et fiscal des assurances et celui des libéralités alors que
ces deux régimes sont fondamentalement différents. L’un ayant l’objectif de favoriser les
transmissions patrimoniales alors que l’autre a pour objectif de protéger les héritiers afin
qu’ils puissent recevoir la part de la masse successorale qui leur revient. Les régimes
applicables aux assurances vie et aux libéralités sont donc fondamentalement différents tant
au regard des règles que ces régimes commandent d’appliquer que des objectifs qu’ils
défendent.

Partant de cette simple constatation, si l’on considère que les qualifications
d’assurance vie et de libéralité sont cumulatives lorsqu’un contrat d’assurance vie réalise une
donation indirecte comment donc appliquer, comme certains auteurs peuvent le penser, de
manière simultanée deux régimes différents. La question se pose alors de savoir comment, en
pratique, combiner l’application de règles juridiques différentes, visant la réalisation
d’objectifs également différents ? Comment éviter les conflits dans l’application cumulative
de ces règles juridiques ?

Cette interrogation constitue pour nous l’essentiel obstacle à l’admission d’un possible
cumul entre les qualifications d’assurance vie et de libéralité dans le cadre d’une attribution
bénéficiaire, à titre gratuit, issue d’un contrat d’assurance vie se dénouant en cas de décès.

Plus précisément, l’obstacle à un cumul de ces deux qualifications réside dans le fait que l’on
ne sait pas comment faire pour appliquer deux régimes juridiques différents, en même temps,
à une opération. Bien que l’obstacle à ce cumul demeure essentiellement pratique, il est
cependant à prendre en considération et à ne surtout pas négliger. En effet, en élargissant
notre réflexion au domaine du droit en général, nous considérons que le droit est une matière
qui a été créée pour pouvoir être appliquée.

Certes, elle peut être l’objet de considérations et de réflexions théoriques mais ces dernières ne
doivent pas prendre le dessus à une possible application pratique de la matière. Nous considérons donc
que le droit est une matière qui doit, en premier lieu, avoir vocation à pouvoir s’appliquer.

Face à l’impossibilité pratique d’appliquer de manière cumulative deux régimes
juridiques fondamentalement différents, c’est logiquement que nous adhérons à la pensée des
auteurs qui considèrent que lorsqu’un contrat d’assurance vie réalise une donation, il y a une
véritable substitution des qualifications qui conduit à considérer que ces deux qualifications
sont donc exclusives l’une de l’autre. Pour nous, admettre qu’un contrat d’assurance vie
puisse revêtir la qualification de libéralité et plus précisément celle de donation indirecte,
conduit automatiquement à requalifier l’opération et non pas à préciser sa qualification.

Notre opinion est certes guidée essentiellement par des considérations d’ordre
pratique, qui conduisent à déterminer une qualification pour une opération afin d’avoir un
régime juridique déterminé applicable, mais il nous semble qu’admettre une possible double
qualification est inenvisageable car inapplicable en pratique.

102 C’est-à-dire lorsqu’il remplit les critères posés par l’article 894 du Code civil.

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