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§ 2. Le recours des tiers payeurs.

ADIAL

33. Innovation légale en matière d’action subrogatoire.

– La loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006, dite loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2007,
a consacré le principe de l’exercice d’un recours dit « poste par poste » des tiers payeurs. Elle a
modifié les articles 28 à 34 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la
situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation,
dite loi BADINTER. La définition de tiers payeurs est à envisager (A.) avant d’examiner le principe
de ce recours (B.).

A/ Le tiers payeur, acteur de l’indemnisation du dommage corporel.

34. Définition de la notion de tiers payeur.

– Désormais, la loi organise un recours spécial pour les tiers payeurs. Pour assurer sa bonne application,
l’article 29 de la loi a été modifié pour définir cinq catégories de tiers payeurs :
« Seules les prestations énumérées ci-après versées à la victime d’un dommage
résultant des atteintes à sa personne ouvrent droit à un recours contre la personne
tenue à réparation ou son assureur :

« 1. Les prestations versées par les organismes, établissements et services
gérant un régime obligatoire de sécurité sociale et par ceux qui sont mentionnés aux
articles 1106-9, 1234-8 et 1234-20 du code rural ;

« 2. Les prestations énumérées au II de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-76
du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l’État et de certaines
autres personnes publiques ;

« 3. Les sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et
de rééducation ;

« 4. Les salaires et les accessoires du salaire maintenus par l’employeur
pendant la période d’inactivité consécutive à l’événement qui a occasionné le
dommage ;

« 5. Les indemnités journalières de maladie et les prestations d’invalidité
versées par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les
institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural
et les sociétés d’assurance régies par le code des assurances. »

Sont des tiers payeurs au sens de la loi les organismes de sécurité sociale, les
mutuelles, les employeurs publics ou privés de la victime et les sociétés d’assurances. Si une
personne désignée par l’un de ces cinq alinéas verse une prestation à la victime, elle sera
assimilée à un tiers payeur et pourra invoquer le bénéfice de cette législation.

35. Solidarité nationale.

– Les fonds d’indemnisation ou les fonds de garantie ne correspondent pas à la définition légale cantonnant
le recours des tiers payeurs. De ce fait, ils ne peuvent se prévaloir de ces textes. Ils ont vocation à intervenir
lorsque le débiteur de l’obligation de réparation de la victime n’est pas solvable, n’est pas assuré ou bien est
inconnu.

B/ Le droit de recours poste par poste des tiers payeurs.

36. Article 25 de la loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006.

– La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2007 modifie l’article 31 de la loi BADINTER de la
façon suivante :
« Les recours subrogatoires des tiers payeurs s’exercent poste par poste sur les
seules indemnités qui réparent des préjudices qu’elles ont pris en charge, à
l’exclusion des préjudices à caractère personnel.

« Conformément à l’article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à
la victime subrogeante, créancière de l’indemnisation, lorsqu’elle n’a été indemnisée
qu’en partie ; en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce
qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n’a reçu qu’une
indemnisation partielle.

Ainsi, si le tiers payeur établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la
victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel,
son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice. Il doit apporter la preuve de ses
allégations.

L’article 25 « vise à mieux circonscrire les conditions dans lesquelles la créance des
tiers payeurs peut venir en diminution de l’indemnisation allouée à la victime »(61).

37. Domaine du recours.

– La loi limite le bénéfice du recours « poste par poste » « aux relations entre le tiers
payeur et la personne tenue à réparation d’un dommage résultant d’une atteinte à la personne,
quelle que soit la nature de l’événement ayant occasionné ce dommage » en vertu de l’article 28
de la loi BADINTER. Des auteurs ont vivement critiqué cette réforme en la considérant comme « bâclée »(62).

L’article 30, quant à lui, énonce le caractère subrogatoire des recours prévus par
l’article 29 sus-cité. Mme le professeur LAMBERT-FAIVRE distingue l’objet du recours
subrogatoire, qui est le côté actif de la subrogation constitué par les prestations versées, et
l’assiette du recours subrogatoire, « côté passif de la subrogation (qui) est constitué par le
montant des préjudices que le responsable à l’obligation d’indemniser, mais que les
prestations versées par le tiers payeur, ont préalablement contribué à couvrir : le but de
l’opération est d’empêcher un enrichissement de la victime, qui, par cumul d’une
indemnisation et de prestations, bénéficierait d’un enrichissement contraire aux règles de la
responsabilité civile »(63).

Le principe étudié semble simple en théorie. Il suffit de se conformer aux conditions
légales de l’article 29 pour que le tiers payeur puisse obtenir le remboursement des prestations
qu’il a préalablement servi à la victime. Le décompte poste par poste a pour but de contrôler
les sommes allouées. Cependant, la majeure difficulté réside dans la définition même des
postes de préjudices réparables dont l’indemnisation par le tiers payeur autorise son action
subrogatoire. Sans outils de barémisation officiels, comment qualifier correctement et de
façon uniforme ces prestations ? Le tiers payeur reste seul décideur du montant qu’il attribue à
la victime. La juridiction saisit du recours subrogatoire devra ventiler ces sommes selon les
postes de préjudices régulièrement admis comme ouvrant ce droit au tiers payeur.

Pour clarifier la situation, une circulaire ministérielle recommande la démarche
suivante(64) : « Alors qu’il convenait jusqu’à présent de cumuler l’ensemble des indemnités
allouées au titre des préjudices à caractère économique avant d’en soustraire les débours
produits par les caisses de sécurité sociale et, plus généralement, les créances des tiers
payeurs, la nouvelle rédaction implique désormais de caractériser, pour chaque chef de
préjudice déterminé, la prestation correspondante dont le tiers payeurs demande le
remboursement. Dès lors qu’il incombe à la victime de préciser ses différents chefs de
préjudice et aux tiers payeurs de caractériser le lien entre ceux-ci et chacune des prestations
pour lesquelles un recours subrogatoire lui est ouvert, il est vivement recommandé de se
référer à une nomenclature des chefs de préjudice déterminée. » Elle incite à l’utilisation de
la nomenclature Dintilhac en attendant l’édiction d’une nomenclature officielle et à la table de
concordance entre les postes de préjudice et les prestations des tiers payeurs, figurant dans le
rapport sur l’indemnisation du dommage corporel présidé par Mme le professeur LAMBERTFAIVRE.

38. Droit préférentiel de la victime au paiement(65).

– L’alinéa 2 de l’article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 accorde un droit prioritaire à la victime
sur les indemnités récupérées par le biais d’une action subrogatoire par le tiers payeur. Ce principe se justifie de
la sorte :

« Conformément à l’article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à
la victime subrogeante, créancière de l’indemnisation, lorsqu’elle n’a été indemnisée
qu’en partie ; en ce cas, elle peut exercer ses droits contre le responsable, pour ce
qui lui reste dû, par préférence au tiers payeur dont elle n’a reçu qu’une
indemnisation partielle. »

Ensemble avec le quatrième alinéa de l’article L. 376-1 du code de la sécurité
sociale, « la victime exerce son droit à indemnisation pour ce qui lui reste dû contre le
responsable par préférence au tiers payeur subrogé » complète la circulaire. « Cette précision
du législateur induit l’abandon de la pratique consistant jusqu’à présent à déduire en premier
lieu la créance des tiers payeurs pour n’allouer à la victime que le reliquat des dommages et
intérêts. Désormais, le droit préférentiel de la victime conduit à l’inverse, une fois fixé le
montant des préjudices, des dommages-intérêts dus et des prestations à caractère
indemnitaire déjà versées par les tiers payeurs, à déterminer d’abord l’indemnité due à la
victime avant d’attribuer le cas échéant, le montant des sommes restant dues aux tiers
payeurs ».

39. Exclusion du recours sur les postes de préjudices extrapatrimoniaux(66).

– Au nombre de dix, ces préjudices extrapatrimoniaux sont dépourvus de toute incidence
patrimoniale, ce qui les écarte de l’assiette du recours des tiers payeurs, tels qu’établis dans la
nomenclature DINTILHAC : les déficits fonctionnels temporaire et permanent, les souffrances
endurées, les préjudices esthétiques temporaire et permanent, le préjudice d’agrément, le
préjudice sexuel, le préjudice d’établissement, les préjudices permanents exceptionnels (cette
rubrique recouvre les préjudices atypiques directement liés aux handicaps permanents dont la
victime souffre de manière permanente après la consolidation) et les préjudices liés à des
pathologies évolutives. La jurisprudence utilise cette nomenclature en attendant l’élaboration
d’un outil officiel en la matière.

Normalement, seuls les postes de préjudices patrimoniaux peuvent être soumis au
recours poste par poste du tiers payeur. Cependant, si ce dernier établit qu’il a effectivement et
préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste
de préjudice personnel, son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice. Il faut que chaque
poste soit détaillé par son intitulé et le montant auquel il correspond.

La pratique doit s’adapter en permanence aux évolutions de la société. La réparation
du dommage corporel jouit d’une grande richesse assortie d’une complexité importante. Un
toilettage des règles actuelles en matière de barémisation améliorerait sa lisibilité et sa
compréhension par les victimes. Elle serait aussi la base pour une nouvelle harmonisation de
la réparation du dommage corporel.

61 Circulaire de la DACS n° 2007-05 du 22 février 2007 relative à l’amélioration des conditions
d’exercice du recours subrogatoire des tiers payeurs en cas d’indemnisation du dommage corporel, p. 1.
62 V. H. GROUTEL, Le recours des tiers payeurs : une réforme bâclée, RCA 2007, n° 1, étude 1 et Le
recours des tiers payeurs : rapport d’étape (décembre 2006-février 2008), RCA, 2008, n°2, étude 2.
63 Y. LAMBERT-FAIVRE, Dommage corporel. Mieux réparer l’irréparable. L’article 25 de la loi du 21
décembre 2006, Mélange VINEY, LGDJ, 2008, p. 567 et s.
64 Circulaire de la DACS n° 2007-05 du 22 février 2007 relative à l’amélioration des conditions
d’exercice du recours subrogatoire des tiers payeurs en cas d’indemnisation du dommage corporel, p. 2.
65 P. JOURDAIN, Le droit de préférence de la victime, RCA 2009, n°2, étude 3.
66 V. Ph. CASSON, Dommages et intérêts, Rép. Civ. Dalloz, 2009, n° 65 et s.

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