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§ 2. La protection des intérêts de la victime.

ADIAL

66. Constat.

– L’indemnisation du dommage corporel est essentielle. Elle permet à la victime d’être reconnue
en tant que telle. La somme qu’elle recevra est censée réparer l’atteinte physique qu’elle a subie.
Dans un souci d’égalité, l’indemnisation doit donc être juste et équitable entre les victimes (A).
L’homme n’étant pas une chose interchangeable, la réparation en équivalent est la seule option.

Cependant, omettre la spécificité de certaines situations est impossible: le cas personnel de la victime
ne peut pas être ignoré car son incidence ne sera pas la même en fonction de son mode de vie. Ainsi, les régimes spéciaux
d’indemnisation plus favorables à la victime sont à conserver (B).

A/ Une indemnisation juste et équitable entre les victimes.

67. Recherche d’équité à tout prix.

– Les développements précédents ont permis de démontrer la nécessité d’un toilettage du droit
de la réparation du dommage corporel.

L’empilement des textes brouille une vision d’ensemble claire et unifiée. La barémisation est
le moyen efficace de réguler la situation et de créer de nouveaux outils performants. Il faut
s’inspirer des bases actuelles pour améliorer significativement la situation des victimes.

La première nécessité est de prendre en compte l’individuel dans la masse. Il s’agit
de personnaliser la réparation. Garantir une indemnisation égale à dommage corporel égal ne
signifie pas que chaque personne est interchangeable. La vie ne peut être échangée contre une
autre. Les conditions d’existence peuvent être améliorées par une indemnisation mais cette
dernière ne rendra pas l’usage de ses membres à un individu devenu tétraplégique suite à un
accident. La question du pretium doloris est un sujet sensible(103), tout comme l’est
l’indemnisation des personnes plongées dans le coma ou en état végétatif. La rationalisation
excessive des postes de préjudices réparables ne doit pas être en défaveur de ces catégories de
personnes. Le barème médical unique servira à la personnalisation du dommage corporel de la
victime.

La seconde nécessité est de prendre en compte la masse à travers l’individuel. Il
s’agit d’effacer tout caractère discriminatoire entre les victimes. Pour garder une cohérence
significative entre les indemnisations distribuées en cas de blessures analogues, il ne faut pas
créer d’écart trop important entre elles. Ici encore, la barémisation a un rôle important à jouer.
Par une nomenclature des postes de préjudices commune à l’ensemble de la réparation du
dommage corporel, l’analyse des blessures sera théoriquement la même par le médecin
expert(104).

68. Création d’un label de qualité procédurale.

– Pour forcer les acteurs de la chaîne de l’indemnisation du dommage corporel à respecter les futurs
outils façonnés par la barémisation, une procédure labélisée pourrait certifier à la victime le respect
des nouvelles procédures ainsi issues. « Labéliser » une procédure d’indemnisation nationale, notamment
pour les assureurs et les autres tiers payeurs, faciliterait les actions subrogatoires et garantirait
aux victimes une indemnisation égale sur l’ensemble du territoire français. Elle serait le gage
du respect des obligations incombant à chaque acteur de la chaîne et des sanctions financières
pourraient être envisageables si ce dernier se détourne des instruments de la barémisation.

Cette mesure aurait pour objet de gommer les disparités d’application territoriale du
droit tout en renforçant l’utilisation des outils de la barémisation de l’indemnisation du
dommage corporel. Néanmoins, il semblerait que ce projet soit utopiste à l’heure actuelle.

B/ Survie des régimes spéciaux plus favorables à la victime

69. La prise en compte de la personne.

– En aucun cas l’harmonisation et l’uniformisation de la procédure d’indemnisation du dommage corporel
ne doit entraîner de disparités importantes entre les victimes. Le but poursuivi est l’équité entre tous,
et ce peu importe la source du dommage corporel. Cette renaissance du droit commun à travers des
outils performants et repensés est la principale garantie.

Malgré tout, il faut veiller au revers de la médaille. La barémisation peut sembler
contraire aux intérêts de la victime car elle opérerait une forfaitisation de son indemnisation
en la cantonnant à un référentiel statistique indicatif. La crainte de voir décliner le respect des
intérêts de la victime est palpable(105). Il faut rappeler que la barémisation de l’indemnisation
du dommage corporel nécessite la prise en compte des uniques intérêts de la victime plutôt
que ceux des acteurs de la chaîne de l’indemnisation. La puissance de certains lobbyings n’est
pas négligeable et chaque acteur voudra trouver son propre intérêt dans une réforme totale du
système actuel.

70. Outils d’évaluation du droit commun applicables aux systèmes spéciaux.

– La recherche de l’équité dans la réparation amène à remarquer que les régimes
d’indemnisation spécifiques ne peuvent pas être abrogés du jour au lendemain, ne serait-ce
que parce qu’ils répondent pour la plupart à un réel besoin de la pratique, notamment par la
présomption de causalité qu’ils proclament. Le droit commun souffre d’une trop grande
rigidité à travers des outils non à jour et contre-performants.

L’introduction d’instruments de barémisation en droit commun doit avoir une
répercussion dans les systèmes d’indemnisation spéciaux. Ils doivent être utilisés par ces
régimes pour résoudre l’illisibilité du choix d’un barème d’appréciation médicale du
dommage ou encore des postes de préjudices réparables. Cependant, cela ne vaudrait que pour
les blessures de types « générales », c’est-à-dire qui ne correspondent pas à la spécificité du
régime dérogatoire existant. Par exemple, si le barème médical unique est limité dans
l’appréciation des traumatismes crâniens, il conviendra d’appliquer un barème spécifique à
l’évaluation de ce dommage très technique. Ainsi, les outils généraux de droit commun
doivent aider à une meilleure indemnisation du dommage corporel tout en respectant l’esprit
du régime d’indemnisation spécifique. Ce dernier a été créé car le droit commun est censé ne
pas être adapté pour sa prise en charge.

Les régimes spéciaux d’indemnisation du dommage corporel appliqueront les
nouveaux outils issus de la barémisation en ce qu’ils sont des grilles de lecture et
d’appréciation communes à l’ensemble du dommage corporel. Seuls les dommages les plus
techniques ou les plus spécifiques pourront être évalués par des barèmes spéciaux.
L’harmonisation peut être envisageable sur cette base. Pour être pleinement
effective, les outils de la barémisation sont à envisager désormais.

103 V. infra n° 105 sur le barème médical unique et la question d’appréciation du pretium doloris.
104 V. supra.
105 Ph. BRUN, La proposition de loi LEFRAND ou les vicissitudes d’une réforme visant à améliorer la
situation des victimes de dommages corporels, Dalloz, 26 avril 2010.

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