124. Pour un outil performant.
– Les lacunes du référentiel actuellement en vigueur ne sont plus à démontrer. M. le député LEFRAND
a eu l’idée de créer une nouvelle base de données intégrant des critères jusqu’alors ignorés par notre droit (A).
L’étude de la proposition de loi de 2010 permettra d’établir les lignes directrices nécessaires à une
barémisation efficace et n’empêchera pas la formulation de réserves (B).
A/ Critères d’un nouvel outil
125. Nouvelle base de données.
– La proposition de loi n°2055 visant à améliorer l’indemnisation des victimes de dommages corporels
à la suite d’un accident de la circulation prévoit à l’article 11 de créer une base de données en matière
de dommage corporel. L’article L. 211-23 du code des assurances bénéficiera d’une nouvelle rédaction :
« Article L. 211-23. – Une base de données en matière d’indemnisation du
préjudice corporel des victimes d’un accident de la circulation, placée sous le
contrôle de l’État, recense toutes les transactions conclues dans le cadre d’une
procédure amiable entre les assureurs et les victimes ainsi que les décisions
définitives des cours d’appel ayant trait à l’indemnisation de ces dommages. Cette
base fait apparaître le montant des indemnités attribuées pour chaque poste de
préjudice mentionné dans la nomenclature prévue à l’article 31 de la loi n°85-677
du 5 juillet 1985 précitée.
« Les entreprises d’assurances agréées pour pratiquer des opérations
d’assurance contre les accidents résultant de l’emploi de véhicules automobiles
mentionnés au quatrième alinéa de l’article L. 211-1 du présent code, les fonds et
offices de garantie ou d’indemnisation constituent entre eux un organisme chargé du
traitement de ces données.
« Elles transmettent à cet organisme les données relatives aux transactions
conclues par elles dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’État,
précédé de l’autorisation prévu au II de l’article 26 de la loi n°78-17 du 6 janvier
1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
« En cas de manquement par une entreprise d’assurance à ses obligations
mentionnées au troisième alinéa du présent article, l’autorité administrative peut
saisir, après une mise en demeure restée sans effet, l’Autorité de contrôle prudentiel
mentionnée à l’article L. 612-1 du code monétaire et financier. Celle-ci prononce, le
cas échéant, l’une des sanctions prévues à l’article L. 612-39 du même code.
« Les cours d’appel transmettent à l’organisme mentionné au deuxième alinéa
du présent article le montant des indemnités qu’elles ont accordées pour chaque
poste de préjudice mentionné dans la nomenclature prévue à l’article 31 de la loi
n°85-677 du 5 juillet 1985 précitée.
« Sous le contrôle de l’État, une publication périodique rend compte des
indemnités fixées par les jugements et les transactions. »
Cette distribution postes par postes rendra le référentiel plus précis et surtout
plus exact. Son accès sera large car toute personne pourra le consulter directement
sur Internet.
126. Organe compétent.
– Le texte prévoit expressément la création d’un nouvel organisme pour l’élaboration de cette base de
données. Il sera désigné par les entreprises d’assurance exerçant dans la branche des accidents automobiles
et les fonds et office de garantie ou d’indemnisation. Ce sera donc un organe qui aura la lourde tâche
de veiller au bon fonctionnement de ce nouveau fichier. L’Autorité de Contrôle des Assurances semblerait être
compétente pour sanctionner tout manquement à l’article 11 précédent, elle exerce un pouvoir
général de contrôle et de police administrative sur les entreprises d’assurance. Le Conseil
d’État lors de son Assemblée générale du 28 janvier 2010 a rendu un avis dans lequel il
déclare que « le traitement des données pourrait être confié aux entreprises d’assurance
agréées mentionnées à l’article L. 211-1 du code des assurances, qui constitueront entre elles
un organisme chargé du traitement des données, comme elles l’ont fait pour la base de
données “AGIRA” ».
127. Détail postes par postes des préjudices.
– La nouveauté remarquable ici tient au fait que cette base de données reprend les allocations
en fonction des postes de préjudices détaillés dans la future nomenclature officielle. La construction
d’une base de données permet un ajustement des critères d’appréciation. Avec la présélection des critères,
la victime pourra consulter la ressource ainsi établie et aura une idée plus ou moins précise du montant auquel
elle peut légitimement s’attendre. Pour le même poste de préjudice, une personne âgée de tant
d’années peut prétendre à telle indemnisation. Les chiffres donnés le seront à titre purement
indicatif.
Une force obligatoire peut-elle être donnée à cet outil, obligeant une offre
d’indemnisation comprise dans cette fourchette d’euros ? La réponse ne paraît pas claire et
l’hypothèse n’est pas à écarter. Dans un premier temps, l’article 11 de la proposition de loi
prévoit que les Cours d’appel communiquent, dans un premier temps, leurs statistiques en
fonction des décisions rendues. Il sera possible d’étendre cette obligation aux juridictions de
première instance par la suite. La nouveauté réside dans le fait que les entreprises d’assurance,
et les fonds de solidarité nationale pourront communiquer leurs données par la suite.
128. Effet de cette déclaration.
– Pour se conformer à l’article 11 de la proposition de loi LEFRAND, les Cours seront dans l’obligation
de rendre des décisions décrivant précisément la répartition de l’indemnisation. Chaque poste de préjudice
devra être énuméré avec le montant d’indemnisation attribué. Si un tiers payeur est intervenu, il pourra faire
valoir ses droits plus facilement du fait de cette future rigueur rédactionnelle de la part des
Cours d’appel. Si celles-ci ne jouent pas le jeu, la base de données restera lettre morte. Elle ne
sera pas un objet de référence tel que le décrit l’esprit de la proposition de loi.
129. Publication périodique.
– Les résultats et les évolutions notables seront publiés périodiquement par l’État pour des raisons statistiques.
B. Critiques
130. Revers de médaille.
– Les acteurs de l’indemnisation pourront être tentés de cantonner la réparation du préjudice subi à ces chiffres
indicatifs. L’effet pervers du référentiel se retrouve également ici. Certaines voix de la doctrine s’élève contre
l’établissement et l’utilisation de référentiels(163).
131. Recommandations du Conseil d’État.
– Le Conseil d’État a rendu un avis sur le texte de la proposition de loi LEFRAND suite à sa saisine
par le Président de l’Assemblée nationale le 4 décembre 2009 en application de l’article 39 alinéa 5 de
la Constitution française. Il estime que la création de cette base de données devrait progressivement
favoriser une harmonisation des conditions d’indemnisation des victimes de dommage corporel. L’idée
d’une nouvelle base de données est intéressante mais elle ne doit pas connaître l’échec du
référentiel tenu par l’AGIRA. Le Conseil d’État recommande « de préciser, d’une part, le
responsable du traitement et, d’autre part, les modalités de contrôles s’exerçant sur les
entreprises d’assurance, afin d’assurer l’exhaustivité de la transmission de leurs
données »(164).
Le respect de la vie privée de chacun oblige un anonymat des données transférées
dans le cadre de ce nouveau fichier, conformément à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative
à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. La base de données aurait un accès limitatif et
pourrait être consultée uniquement par les juridictions, les entreprises d’assurance, les avocats
et les associations de victimes pour le Conseil d’État. L’accès à un référentiel national
indicatif serait accessible à l’ensemble du public par le biais d’internet comme le prévoit
l’article.
L’idée d’un référentiel ne fait pas l’unanimité en doctrine et en pratique. Un
référentiel aurait trop de défaut pour pouvoir bénéficier à l’harmonisation de l’évaluation du
dommage corporel. Néanmoins, il peut fournir des indications aux victimes.
163 A. BOYER, Référentiel d’indemnisation : des mines antipersonnel – Discours sur la méthode, Gaz.
Pal., 2010, n° 222, p. 5.
164 Rapport LEFRAND à l’Assemblée Nationale n°2297, p. 51.
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