Le constat d’une prédominance d’intérêts obéissants à la rentabilité économique ne permet pas l’existence de logiques identitaires et communes nécessaires au développement de cette proximité organisée. De-là, l’émergence de relations favorisant la création de scénarios de confiance pour ensuite coopérer deviendrait difficile. Des producteurs du groupe ont clairement exprimé l’idée que les inégalités existantes ne constituaient pas un inconvénient pour travailler ensemble. Selon eux l’objectif, consistait uniquement à offrir des produits de qualité pour que le client soit satisfait(47).
Cependant, d’autres producteurs, et notamment les plus petits du groupe ont vu ces inégalités comme un risque ou comme un élément d’insécurité par peur de ne pas être à la hauteur pour produire comme ceux qui sont déjà consolidés dans ce mode de commercialisation.
Q3 – Comment sentez-vous le fait d’entreprendre un projet avec des producteurs qui sont tous dans des conditions différents en termes de systèmes de production, volume de production, et d’expérience en Circuits courts (Notamment en commercialisation en Point de vente collectif)
R : « Ah début, quand je regardais la tête du producteur X, bon il faisait peur, il a dit d’un cou, qu’on doit faire un million de chiffres d’affaires, j’ai dit, ou la !, je me retrouvais pas dans le groupe, au même niveau, […] ah bah, en ce moment ?… je me méfie quand même quand on voit les investissements, a nous ça nous fait peur »(48)
Il est évident ici que les liens de similitude et de sentiments d’appartenance ne sont pas les mêmes chez tous les membres du groupe. Cette tendance, ainsi que, l’importance accordée à l’aspect relationnel et les niveaux de confiance, ont pu aussi être répertoriés grâce au questionnaire soumis aux producteurs, où ils devaient répondre soit à des questions précises, soit à se placer dans plusieurs échelles concernant leur ressenti par rapport au groupe ou au projet.(49)
Par exemple par rapport aux questions 7 et 8 :
La tendance de réponse par rapport au sentiment d’adéquation avec les règles communes a l’intérieur du groupe a été « Oui » et « Moyennement », alors que pour le sentiment de possession de valeurs communes et pratiques similaires, la tendance de réponse a été entre « moyennement » et « Non pas du tout ».
De même on peut voir pour les questions 9 et 10 (50)
Ici, l’état de confiance vis-à-vis du projet et du groupe constitué, est plutôt une tendance moyen et se placer entre la méfiance et la confiance. Ceci nous indique encore une fois que l’existence de relations favorables à la construction de scénarios de confiance, caractérisées par des liens de réciprocité et solidarité, sont faibles.
Mais afin de synthétiser tout ces informations et donner une forme à notre analyse il nous a semblé pertinent de créer un indice appelé, « Indice Socio relationnel » (IsR(51)). Celui-ci est calculé à partir de 4 variables concernant les niveaux de confiance, la place accordée à l’aspect relationnel, le niveau de satisfaction vis-à-vis du groupe et du projet et l’existence de pratiques de réciprocité, solidarité et coopération entre les membres du groupe. Le calcul de cet indice va nous permettre non seulement d’identifier ou non un faible développement de l’aspect socio relationnel dans la construction du sujet, mais aussi de placer le groupe par rapport aux motivations et intérêts signalés pour montrer, dans un plan factoriel a doublé entrée, quelle est la situation actuelle du groupe.
Méthodologie de calcul d’un Indice Socio Relationnel
Pour le groupe de producteurs, objet de notre étude.
Pour le calcul, on a utilisé les réponses des producteurs sur les questions concernant, leurs pratiques de coopération, de réciprocité, et de solidarité, puis celles qui concernent leurs niveaux de satisfaction vis-à-vis du groupe, et leurs niveaux de confiance vis-à-vis du projet. Aussi, les questions par rapport à leur sentiment d’appartenance et d’identification dans le groupe ont été aussi prises en compte(52). Ceci nous a permis de créer 5 variables, dont 4 intègrent l’indice*.
L’indice socio – relationnel est composé donc des personnes qui possèdent des pratiques de coopération, solidarité et réciprocité vis-à-vis des autres membres du groupe. De même qui considèrent indispensable l’aspect relationnel pour le fonctionnement du projet, et des personnes qui se sentent confiantes vis-à-vis du projet et / ou qui possèdent un lien identitaire et d’appartenance avec le groupe constitué.
On a déterminé la formule suivante pour le calcul de notre indice :
Les valeurs de l’indice vont de 0 à 1, en considérant 0 comme des niveaux socio relationnels très bas et 1 des niveaux socio relationnels optimums.
Notre résultat a été le suivant :
Ceci signifie que le groupe possède un niveau socio relationnel supérieur à 0 et inférieur à 0.5, 0 < 0.375 > 0.5, il s’agit donc d’un indice avec un niveau « Moyennement Faible ».
Pourvu que le calcul de l’indice considère des éléments tels que la confiance, les liens identitaires et d’appartenance à l’intérieur du groupe, relations de réciprocité et coopération…etc., le résultat nous permet de montrer que la proximité organisée est bien un facteur manquant dans le groupe.
Les intérêts et motivations des producteurs auraient une influence dans la construction de relations favorables au maintien du projet. Même si on ne peut pas aboutir à une conclusion statistique qui nous garantirait l’existence de cette corrélation, le groupe des producteurs a été placé sur un plan factoriel, afin de rendre compte de cette problématique d’une manière simple et graphique. Le schéma suivant, synthétise l’état du groupe vis-à-vis des aspects mentionnés antérieurement. Ceci va être présenté auprès des producteurs lors d’un compte rendu et pour une meilleure compréhension de l’importance du maintien des intérêts collectifs et de l’aspect socio relationnelle dans la construction du projet à long terme.
Sur le schéma No. 5, les individus (membres du groupe), et le groupe, sont placées sur le plan par rapport à deux facteurs. Le premier facteur (axe horizontal), est construit à partir de l’Indice Socio Relationnel, le deuxième (axe vertical), est représenté par les intérêts et motivations du groupe. Ce dernier a été construit à partir des résultats obtenus dans le choix des scénarios spécifiés dans la deuxième partie de l’étude.
Si on divise le plan en 4 secteurs numérotés sur le schéma, on suppose que la proximité organisée se trouve plutôt au niveau du deuxième secteur. On peut voir ensuite que la figure bleu, qui symbolise la tendance moyenne du groupe par rapport aux deux axes, se trouve au niveau du secteur 4, opposé au secteur 2 ou se trouverait la proximité organisée. Ceci démontre qu’à ce stade du projet, le travail de coordination doit approfondir la construction de la proximité organisée en renforçant les liens et les relations entre acteurs afin de faire évoluer le sens des intérêts et motivations du groupe.
Schéma No. 5
Surmonter les inégalités peut être possible s’il est envisagé une logique de complémentarité entre producteurs. Par exemple au travers des aides accordées des grands producteurs envers les petits sous forme de transmission d’expériences, partage des tâches collectives, solidarité vis-à-vis des situations vulnérables,…etc.
Pour atteindre ce stade, l’évolution des motivations et des intérêts individuels vers des intérêts collectifs relationnels reste donc le pas indispensable pour favoriser la construction d’une proximité organisée capable de mener le groupe dans les voies de la coopération. Cette évolution est possible par le rajout de connexions et pratiques réciproques entre les membres du groupe, ce qui selon Torre et Beuret (2012), provoque un raccourcissement des distances cognitives, et donc le renforcement de la logique de similitude. Réussir à renforcer les liens au sein du groupe est le synonyme de bons niveaux d’organisation interne, permettant de poursuivre et passer a des étapes plus compliquées tels que l’ouverture du magasin, le choix d’une stratégie de communication pour faire connaitre leurs produits ou bien la satisfaction des besoins des clients.
47 Interview réalisés a Jean Philippe Bernaudeau et Jean Robert Morille, producteurs ayant des grands ateliers en circuits courts, de viande de porc et de canard, respectivement.
48 Interview réalisé a Bruno Fréchet, producteur de volailles, le 3 juillet 2013.
49 Voir Guide d’entretien et questionnaire en Annexe 5
50 Utilisation de l’axe imaginaire de la confiance (Servet (1997), cité par Pecqueur et Zimmerman, 2004 : 71)
51 Indice conçu et construit lors de la structuration de cette étude et hors mission du stage mené à l’AFIPAR.
52 Voir questionnaire soumis aux producteurs en annexe 5
53 La variable I4 n’a pas été pris en compte pour l’analyse, statistiquement elle n’apporte pas à la construction du nouveau indice (L’échantillon ne permet pas d’identifier une diversité entre les données).