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§ 1 – Les attentes des différents acteurs suite à la décision du Conseil Constitutionnel

ADIAL

Il convient ici de s’intéresser aux réactions et attentes des différentes parties impliquées et
concernées par le système de réparation des accidents du travail dus à la faute inexcusable,
après l’intervention du Conseil constitutionnel.

Nous exposerons les différents points de vue à la lumière du résumé d’un colloque organisé
le 29 novembre 2010 par l’Ecole de formation professionnelle des barreaux de la Cour
d’appel de Paris et l’Ecole Nationale de la Magistrature qui avait pour thème :

« Indemnisation des salariés victimes de faute inexcusable de l’employeur : la nouvelle
donne ? ».

Ce colloque était présidé par Pierre Sargos, président de chambre honoraire à la Cour de
cassation et président du conseil d’administration du Fiva. Il a introduit les débats en mettant
l’accent sur le fait que la rente majorée « tierce personne » est insuffisante et ne couvre pas
le coût réel de l’assistance et en affirmant que le caractère limitatif des préjudices
complémentaires en cas de faute inexcusable aboutit à un mécanisme réducteur de la
réparation des AT/MP. Il en déduit une importance majeure de la réserve d’interprétation
émise par le Conseil constitutionnel qui étend la réparation en cas de faute inexcusable
même si sa portée est sujette à interprétation.

A- Le point de vue des caisses

Selon la responsable du département risques professionnels de la Caisse Nationale de
l’Assurance maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS), Madame Evelyne Duplessis, les
possibilités pour les victimes de demander une indemnisation supplémentaire suite à la
décision du Conseil, sont très encadrées. Elle insiste sur le fait que les juridictions de
sécurité sociale sont compétentes pour statuer sur l’existence de « dommages non couverts
par le livre IV du CSS » et estime qu’une indemnisation ainsi accordée pèsera exclusivement
sur l’employeur, les caisses n’ayant pas à intervenir dans le cadre de ce complément de
réparation. Elle soutient en effet, qu’aucune modification du rôle des caisses ne se justifie
car la caisse n’aurait pas à faire droit à une demande relative à un complément
d’indemnisation dans le cadre de la procédure amiable. Elle en conclut que le conseil
constitutionnel n’aurait pas eu la volonté d’instaurer un système de créance automatique de
la victime sur les CPAM et n’aurait pas souhaité étendre le dispositif prévu à l’article L.452-3
du CSS in fine, à l’ensemble des préjudices.

La question de l’avance éventuelle des caisses n’ayant pas à ce jour, trouvé de réponse, la
problématique sera exposée plus loin au titre des questions restant en suspens suite à la
décision.

B- Le point de vue des victimes et des associations

Comme nous l’avons déjà souligné, la décision du conseil a soulevé chez les victimes de
grands espoirs mais ils doivent être tempérés en raison des nombreuses incertitudes.
Le sentiment des victimes découlant de la décision du Conseil a été notamment exprimé par
des représentants de l’Anadvi (Association nationale des avocats de victimes de dommages
corporels), de la FNATH (association des accidentés de la vie) ou de l’Andeva (Association
nationale des victimes de l’amiante).

Ces associations insistent sur le fait que la décision du conseil n’exclut aucunement le
système d’avance des caisses pour les « préjudices non couverts » ainsi ce système doit
être maintenu. A l’inverse, supprimer cette avance conduirait à contrevenir aux principes
essentiels de l’automaticité, de la rapidité et de la sécurité de la réparation des accidents du
travail, qui sont rappelés par le Conseil dans son considérant 16.

Les associations et victimes s’inquiètent de se voir opposer le refus de la caisse à une
demande de complément d’expertise et craignent qu’elle refuse de prendre en charge les
frais d’un tel complément. Elles regrettent, par ailleurs, que le Conseil n’ait pas précisément
défini les ayants droit des postes de préjudice nouvellement indemnisables.

Ainsi, victimes et associations expriment globalement le regret que le conseil ne soit pas allé
plus loin pour préciser qui devra payer et ce qui devra être payé, la formule employée par les
Sages étant une fois encore jugée peu claire. C’est pourquoi, les associations font entendre
leur souhait d’une intervention rapide du législateur pour clarifier le rôle de chacun et
l’étendue de la réparation pouvant être allouée. La FNATH dans un communiqué a d’ailleurs
appelé les parlementaires à poser définitivement le principe de la réparation intégrale en cas
de faute inexcusable.

C- Le point de vue des employeurs

Les employeurs avaient déjà massivement exprimé leur mécontentement et surtout leurs
craintes après la véritable refonte de leur responsabilité en cas de faute inexcusable opérée
par les arrêts de février 2002. Aujourd’hui, après la décision du Conseil, leurs inquiétudes ne
portent plus sur leur mise en cause mais sur les conséquences financières qui vont à
l’évidence découler de la décision du Conseil.

Parallèlement au discours des CPAM qui refusent de procéder à l’avance des sommes
versées aux victimes, les employeurs redoutent l’abandon d’une telle avance pour les postes
de préjudices nouvellement réparés en cas de faute inexcusable. En effet, si malgré
l’avance, ils sont déjà les débiteurs finaux des indemnités, l’absence de ce préfinancement
par les caisses les exposerait à une action en justice intentée directement contre eux par les
victimes réclamant un complément d’indemnisation. On se trouverait donc en contradiction
profonde avec les principes fondateurs du système de réparation des accidents du travail et
maladies professionnelles. En effet, on oublierait ainsi l’immunité de l’employeur devant les
juridictions de droit commun, voulue en 1898 et qui doit être maintenue même en cas de
faute inexcusable de l’employeur. Les employeurs attendent donc que soit officiellement
prévue l’avance par les caisses des compléments d’indemnisation prévus par le Conseil
constitutionnel.

Cependant, même dans une telle hypothèse, les employeurs ne peuvent que redouter
l’effectivité d’une réparation intégrale qui alourdira leur contribution financière, qu’elle soit
directe par leur propre faute inexcusable ou mutualisée lorsque les caisses auront indemnisé
des victimes et ne pourront recouvrer les montants auprès d’employeurs défaillants ou
auxquels les décisions seront inopposables.

Quant au point de vue des assureurs, il fera l’objet d’une étude plus approfondie dans la
dernière section consacrée aux conséquences de la décision sur le secteur assurantiel.

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