QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITE
Audience publique du 7 mai 2010
M. LAMANDA, premier président Transmission
Arrêt n° 12005 P+B
Pourvoi n° Q 09-87.288
R E P U B L I Q U E F R A N C A I S
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité
formée par mémoire spécial reçu le 11 mars 2010 et présenté par :
1°/ Mme Christiane A, épouse L, domiciliée
2°/ M. Roger L, domicilié
A l’occasion du pourvoi formé par eux contre l’arrêt rendu le
5 octobre 2010 par la cour d’appel de Grenoble, dans la procédure les
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opposant :
1°/ à la Société d’aménagement touristique de
l’Alpe d’Huez (SATA), dont le siège est Télécabine Grandes Rousses, rue Pic
Blanc, BP 54, 38750 L’Alpe d’Huez,
2°/ à la société d’assurances AXA France IARD, dont le
siège est 28 rue Drouot, 75009 Paris,
défenderesses à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général,
LA COUR, composée conformément aux articles L. 23-6 de
l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil
constitutionnel, R. 461-2, R. 461-4 et R. 461-5 du code de l’organisation
judiciaire, en l’audience publique de ce jour,
Sur le rapport de M. Straehli, conseiller, assisté de M. Briand,
auditeur au Service de documentation, des études et du rapport, les observations
de la SCP Ghestin, avocat des époux L, de la SCP Celice, Blancpain et Soltner,
avocat de la SATA, de Me Odent, avocat de la société Axa France IARD, l’avis de
Mme Magliano, avocat général, et après en avoir immédiatement délibéré
conformément à la loi ;
Attendu que Mme Christiane A épouse L et M. Roger L
soutiennent que les dispositions des articles L. 451-1, L. 452-1 à L. 452-5 du code
de la sécurité sociale, qui font obstacle à ce que la victime d’un accident du travail
obtienne de son employeur, déclaré pénalement responsable par la juridiction
correctionnelle, la réparation de chefs de préjudice ne figurant pas dans
l’énumération prévue par l’article L. 452-3 du même code, sont contraires au
principe constitutionnel d’égalité devant la loi et les charges publiques énoncé aux
articles 1er, 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du
26 août 1789 ainsi qu’au principe selon lequel tout fait quelconque de
l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il
est arrivé à le réparer, découlant de l’article 4 de ladite Déclaration ;
Attendu que les dispositions contestées sont applicables à la
procédure, laquelle concerne la demande présentée à la juridiction
correctionnelle par Mme Christiane L, victime d’un accident du travail dont
son employeur, la Société d’aménagement touristique de l’Alpe d’Huez
(SATA), a été déclaré pénalement responsable, aux fins d’indemnisation
des frais d’aménagement de son domicile et d’adaptation de son véhicule
nécessités par son état ;
Qu’elles n’ont pas déjà été déclarées conformes à la
Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil
constitutionnel ;
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Que la question posée présente un caractère sérieux au
regard du principe constitutionnel d’égalité en ce que, hors l’hypothèse
d’une faute intentionnelle de l’employeur et les exceptions prévues par la
loi, la victime d’un accident du travail dû à une faute pénale de ce dernier,
qualifiée de faute inexcusable par une juridiction de sécurité sociale,
connaît un sort différent de celui de la victime d’un accident de droit
commun, dès lors qu’elle ne peut obtenir d’aucune juridiction
l’indemnisation de certains chefs de son préjudice en raison de la
limitation apportée par les dispositions critiquées ;
D’où il suit qu’il y a lieu de la transmettre au Conseil
constitutionnel ;
PAR CES MOTIFS :
TRANSMET au Conseil constitutionnel la question prioritaire
de constitutionnalité posée par Mme Christiane A épouse L et M. Roger L ;
Vu l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du
7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, et prononcé par le
premier président en l’audience publique du sept mai deux mille dix ;
Où étaient présents : M. Lamanda, premier président,
Mmes Favre, Collomp, MM. Lacabarats, Louvel, Charruault, Loriferne,
présidents de chambre, M. Straehli, conseiller rapporteur, MM. Guérin,
Breillat, Prétot, conseillers, Mme Magliano, avocat général, M. Costerg,
greffier.
LE CONSEILLER RAPPORTEUR, LE PREMIER PRÉSIDENT,
LE GREFFIER
Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du 30 juin 2011
N° de pourvoi: 10-19475
Publié au bulletin
Cassation partielle
M. Loriferne (président), président
SCP Boutet, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Ghestin, SCP Odent et Poulet, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
S
ur la recevabilité du pourvoi formé par M. X…, contestée par la défense :
Attendu que M. X…, demandeur au pourvoi, ne forme pas de demande à titre personnel ;
Que son pourvoi est, de ce chef, irrecevable ;
Sur le moyen unique du pourvoi formé par Mme X… :
Vu l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel dans sa
décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 ;
Attendu qu’en cas de faute inexcusable de l’employeur et indépendamment de la majoration de rente servie
à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, celle-ci peut demander à l’employeur,
devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation non seulement des chefs de préjudice énumérés par le
texte susvisé, mais aussi de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité
sociale ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X…, salariée de la Société d’aménagement touristique de
L’Alpe-d’Huez et des Grandes Rousses, a été victime le 5 mars 2005 d’un grave accident qui a été pris en
charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie de Grenoble,
devenue la caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère (la caisse) ; que par jugement irrévocable du 31
mai 2007, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble a, notamment, dit que l’accident était dû à
la faute inexcusable de l’employeur et, avant dire droit sur l’indemnisation des préjudices, a ordonné une
expertise ; qu’après dépôt du rapport d’expertise, la victime et son époux M. X… ont demandé la liquidation
de leur préjudice ;
Attendu que pour débouter Mme X… de ses demandes d’indemnisation au titre de l’aménagement de son
logement et des frais d’un véhicule adapté, l’arrêt retient que l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale,
énumérant de façon limitative les préjudices pouvant être indemnisés dans le cadre de la faute inexcusable,
ne prévoit pas les frais d’aménagement du logement et de véhicule adapté et que le régime de la réparation
des accidents du travail n’est pas discriminatoire et permet un procès équitable ;
Qu’en statuant ainsi, alors que ces préjudices ne sont pas couverts par le livre IV du code de la sécurité
sociale, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE le pourvoi irrecevable en ce qu’il est formé par M. X… ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a débouté Mme X… de ses demandes d’indemnisation au
titre de l’aménagement de son logement et des frais d’un véhicule adapté, l’arrêt rendu le 29 avril 2010,
entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les
parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour
d’appel de Lyon ;
DIT n’y avoir lieu de mettre hors de cause la caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère ;
Condamne la Société d’aménagement touristique de L’Alpe-d’Huez et des Grandes Rousses aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d’assurance maladie de
l’Isère ; condamne la Société d’aménagement touristique de L’Alpe-d’Huez et des Grandes Rousses à payer
à Mme X… la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour
être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son
audience publique du trente juin deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté Madame X… de ses demandes d’indemnisation au titre de
l’aménagement de son logement et de frais de véhicule adapté ;
AUX MOTIFS QUE le jugement du 31 mai 2007 a débouté Madame X… de sa demande de provision
concernant l’aménagement du logement et la décision du 4 décembre 2008 a débouté Madame X… de sa
demande relative aux frais de véhicule adapté ainsi que sa demande au titre du logement adapté ; que la
décision du 4 décembre 2008 doit être confirmée en ce qu’elle a rejeté les demandes de Madame X… au
titre de l’aménagement du logement et du véhicule en se fondant sur les dispositions de l’article L 452-3 du
Code de la sécurité sociale qui énumérant de façon limitative les préjudices pouvant être indemnisés dans le
cadre de la faute inexcusable, ne prévoit pas les frais d’aménagement de logement et de véhicule ; que
Madame X… soutient que le jugement du 4 décembre 2008 viole le principe de la réparation intégrale et les
articles 6, 14 et 18 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ainsi que l’article ler
du protocole additionnel de ladite convention ; que ce moyen de peut être retenu, le régime de la réparation
des accidents du travail est un régime fondé sur la réparation forfaitaire du préjudice en contrepartie de
règles probatoires favorables à la victime et de la limitation du partage de responsabilité entre l’employeur et
le salarié victime ; qu’il n’est pas établi que le régime de réparation des accidents du travail est
discriminatoire et ne permet pas un procès équitable ;
ALORS QU’en cas de faute inexcusable de l’employeur, et indépendamment de la majoration de la rente
servie à la victime d’un accident du travail, celle-ci peut demander à l’employeur, devant la juridiction de
sécurité sociale, la réparation non seulement de certains chefs de préjudice énumérés par l’article L. 452-3
du code de la sécurité sociale, mais aussi de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code
de la sécurité sociale ; qu’en décidant que les dispositions de l’article L 452-3 du Code de la sécurité sociale
énumèrent de façon limitative les préjudices pouvant être réparés dans le cadre de la faute inexcusable, et
que Madame X… ne pouvait donc pas réclamer la réparation des chefs de préjudice relatifs aux frais
d’aménagement de son logement et d’une voiture adaptée à son handicap, la Cour d’appel a violé l’article L
452-3 du Code de la sécurité sociale ensemble les articles 6-1 et 14 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et l’article 1er du Protocole additionnel.
Publication :
Décision attaquée : Cour d’appel de Grenoble du 29 avril 2010