Nous avons montré ici que les CPIP étaient en situation de monopole dans l’instruction et le suivi du placement sous surveillance électronique jusqu’à l’entrée des surveillants dans les SPIP. Cette position de monopole des CPIP est, de fait, un indice de professionnalisation non négligeable. Par ailleurs, les savoirs utilisés pour l’instruction des programmes de prévention de la récidive ne sont pas spécifiques mais facilitent l’analyse commune des situations par les CPIP et une forme de contrôle entre pairs, autre indice de professionnalisation à prendre en compte.
Cependant, l’opposabilité de ces savoirs n’est pas acquise et des conflits de juridictions peuvent subvenir avec les surveillants, installés dans les SPIP depuis avril 2010, du fait de la systématisation de la surveillance électronique dans certains cas spécifiques. Cette systématisation est une forme de « routinisation » de l’instruction de cette mesure vient faire obstacle au parcours vers une professionnalisation entrevue précédemment. Il existe donc un mouvement concomitant entre l’acquisition de nouvelles connaissances théoriques avec la pratique des programmes de prévention de la récidive et une systématisation du PSE renvoyant les CPIP vers une place d’exécutant dans la division du travail au sein des SPIP, associé à une perte d’autonomie. Cette situation contrastée semble infirmer l’hypothèse de l’existence d’un corpus stabilisé de connaissances pouvant permettre au groupe professionnel des CPIP de formaliser ces connaissances, de les transmettre et, partant, de les faire reconnaître.
En effet, la professionnalisation peut également être envisagée comme le « résultat d’un travail de construction de la compétence [s’appuyant sur] une activité d’argumentation auprès de divers publics – communauté culturelle, praticiens, publics scientifiques, usagers, État » [PARADEISE, 1985, p18 In MALOCHET, 2007, p62].
Aussi, quel discours les CPIP tiennent-ils sur ses mutations dans leurs pratiques ? Sont-ils réellement en mesure de définir le contenu de leurs missions, en s’appuyant sur les savoirs décrits précédemment en tant que groupe professionnel construit et organisé ? Comment s’effectue cette articulation entre savoirs et discours au sein du groupe professionnel des CPIP?
Page suivante : Quatrième Partie : Un groupe professionnel invisible ?