Dès qu’il s’agit de qualifier l’Administration publique en Haïti, les épithètes ne
manquent pas. C’est ainsi que Gary Olius, dans un article intitulé : « Haïti : Une
Administration publique drôlement efficace… »(12), soumis à Alter Presse le 06 décembre 2007
et publié le mardi 11 décembre de la même année, dresse une caricature de l’Administration
publique haïtienne qui, selon lui, serait efficace à sa façon, quoi qu’on en dise.
En fait, dans son article, il a avancé : « A force de répétitions, il est devenu banal de dire que
l’administration publique haïtienne est inefficace. Pourtant, ce que plus d’un qualifient tout
de go d’inefficacité peut, sous un autre angle, être considéré comme une preuve incontestable
d’efficacité.
Tout dépend de la position relative de l’observateur ou de l’acteur qui émet le
jugement et aussi du modèle conceptuel qui lui sert de référence… ». En grosso modo, il a
développé l’idée que la satisfaction des usagers n’est aucunement la préoccupation première
de l’Administration publique haïtienne ; constat fait sur la base des réalités vécues
quotidiennement dans le pays. Ce qui lui a amené a développé le concept de citoyen-proie
d’Haïti par rapport à un soi-disant citoyen-roi de l’Amérique du nord qu’il décrit. Tout cela
pour dire que l’Administration publique haïtienne reste et demeure cohérente avec elle-même
et son propre modèle de référence.
En effet, d’aucuns diraient que cet observateur des réalités quotidiennes de
l’Administration publique haïtienne dans ses rapports avec les citoyens se montre à la limite
sarcastique dans ses propos. Face à cette position, nous accordons volontiers que
l’observateur en question frise une certaine exagération dans sa radiographie de
l’Administration publique. Toutefois, nous croyons utile de souligner au passage qu’il n’y-a
pas que le milieu universitaire à être aussi hostile au mode de fonctionnement de
l’Administration publique en Haïti. Ainsi, les représentants des Pouvoirs publics, donc ceux-
là mêmes qui sont, entre autres, chargés de s’assurer de son bon fonctionnement, ne se
montrent-ils pas plus cléments envers l’Administration publique dès qu’il s’agit de la
présenter. On a déjà entendu plus d’une fois en Haïti des chefs de Gouvernement et de l’Etat
lancer des flèches en direction de l’Administration publique qu’ils traitent de tous les maux.
Ils vont jusqu’à reconnaitre, au-delà du simple discours politique, dans des textes normatifs,
que l’Administration publique est corrompue. C’est d’ailleurs dans cette perspective que l’on
peut lire dans les visas et considérants de l’arrêté présidentiel portant création de l’ULCC, la
phrase que voici : «Considérant que la corruption constitue l’une des principales entraves au
bon fonctionnement de l’Administration Publique et un frein au développement économique et
social du pays… ».(13)
S’il en est ainsi de la vision du milieu universitaire et de celle des représentants des
Pouvoirs publics, qu’en est-il alors des usagers de cette Administration victimes tous les jours
de son mal-fonctionnement ?
En fait, dans une édition de Télescope(14), Louis Côté, professeur à l’Ecole nationale
d’Administration publique du Québec et directeur de l’Observatoire de l’Administration
publique, apporte un éclairage théorique, dans son éditorial de ladite revue, à cette difficulté
de l’Administration publique haïtienne à se transformer. Il affirme d’emblée, dans ses propos
introductifs, que des chercheurs, « à l’issue de leur analyse, concluent que les organisations
du secteur public éprouveraient, plus que celles du secteur privé, de la difficulté à se
transformer. Ce qui lui amène à se demander : « s’il existerait donc une fatalité qui ferait
que, dans les administrations publiques, le changement… ne changerait rien ». Il a toutefois
vite rappelé qu’il n’en croit rien, tout en reconnaissant la complexité de la démarche.
Somme toute, en dehors de certaines qualifications ou explications théoriques que l’on
pourrait apporter pour désigner ou expliquer la persistance de ce mode de fonctionnement
traditionnel de l’Administration publique, nous nous demandons, à partir de notre propre
analyse de la question, si la principale manifestation de ce quasi-dysfonctionnement de
l’Administration publique haïtienne ne serait pas la double crise de l’accessibilité et de la
qualité des services publics (A), expliquée en partie par le phénomène quotidien de la
corruption et du népotisme (B).
12 Page consultée sur la toile de Alter Presse, le 02 juillet 2011. L’URL de la page :
http://www.alterpresse.org/spip.php?article6736
13 Arrêté portant création de l’Unité de lutte contre la corruption, adopté sur le rapport du Ministre de l’économie
et des finances et après délibération en Conseil des Ministres, par le Président provisoire de la République, en
l’occurrence Me Boniface Alexandre ; donné au Palais national, à P-A-P, le 08 septembre 2004, An 201ème de
l’Indépendance. Le texte complet est disponible en ligne sur le site officiel de l’ancien Premier Ministre Gérard
Latortue sur le lien suivant : http://gerardlatortue.org/bpm/pdf/decrets/ulcc.pdf La page est consultée le 09 juillet
2011.
14 TELESCOPE, Revue d’analyse comparée en Administration publique, vol. 14, No 3, automne 2008, page III,
intitulé: «La gestion du changement stratégique dans les organisations publiques ». Le texte est disponible sur le
lien : http://www.enap.ca/OBSERVATOIRE/docs/Telescope/Volumes12-15/Telv14n3_changement.pdf La page
est consultée le 09 juillet 2011.
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