D’une manière générale, il s’agit pour l’auteur d’amener l’internaute à sélectionner une entrée dans le web documentaire. L’entrée se fait le plus souvent par thème(4) ou par personnage(5). Il s’agit évidemment d’identifier assez rapidement ce qui est proposé, sans pour autant annoncer le type de contenu que le spectateur va trouver. Dans le cas de « Chanteloup, ma France(6) », l’internaute est face à des photos. En déplaçant sa souris sur l’une d’entre elles, il fait apparaître un prénom et quelques lignes sur une vie. Il peut dès lors choisir le point d’entrée qu’il souhaite. L’interface d’accueil est évidemment fondamentale pour donner envie d’aller plus loin.
Une autre entrée possible et fréquemment utilisée pour la navigation de l’internaute, consiste à lui présenter une carte(7) l’amenant à cliquer sur l’endroit où il souhaite se rendre. L’exemple choisi est celui d’« iROCK(8) », web documentaire sur les coulisses des Eurockéennes de Belfort 2009. L’internaute a ici le choix entre trois scènes du festival ou l’espace pro. Il peut encore, grâce à la croix rouge en bas à droite de l’écran, accéder à la liste de tous les artistes. En cliquant sur sa photo, la page qui s’ouvre présente l’artiste, sa discographie, mais aussi un de ses clips via Dailymotion. Elle donne aussi la possibilité de télécharger sa musique en MP3 grâce au partenariat du site d’Orange.
Le choix d’utiliser une carte permettant d’orienter l’internaute, a aussi été fait par les auteurs, par exemple, de « La Cité des Mortes(9) », d’« Adoma vers la maison(10) », de « Good Bye Lénine…la rouille en plus(11)».
Sur cette « page de garde », certains proposent une lecture linéaire, d’autres pas du tout.
Les web documentaires correspondant le mieux à cette typologie sont ceux produits par le Monde.fr qui en a d’ailleurs fait un format pour la plupart des programmes qu’il produit lui-même. Prenons le plus connu en exemple, c’est-à-dire celui qui a obtenu le prix France 24- RFI du web documentaire au festival Visa pour l’image en 2009. Dans « Le corps incarcéré(12) », l’internaute a accès à un web documentaire essentiellement basé sur des photographies sonorisées de façon linéaire ou pas. Dans sa version linéaire, il peut suivre visuellement sa progression grâce à un fil conducteur symbolisé par les mots marquants du récit qui s’illuminent une fois passés13. En navigant selon ses propres envies, il peut sélectionner un des cinq grands thèmes comme « le corps fouillé » correspondant à 2 ou 3 minutes de contenu ou aller directement à un mot particulier en dessous. Au-delà, il peut sélectionner trois vidéos d’experts qui abordent chacun un thème particulier en 2 minutes (le sexe, la musculation…). Il est donc proposé à l’internaute un contenu global et cohérent de 14 minutes 48 mais qui peut aussi être découpé en thèmes sélectionnables individuellement, eux-mêmes encore fragmentables. Et tout le travail d’écriture vise à ce que, dans les deux cas, le programme fasse sens. A cela s’ajoute quatre photos en bas à droite de l’écran, correspondant aux quatre personnes interviewées dont on entend les voix sur les images. En cliquant sur la photo, l’internaute accède à un court texte sur leur histoire. Les web documentaires « Mon catcheur ce héros », « Le corps handicapé vivre après l’accident » ou « Histoire d’oeufs » sont sensiblement construits sur le même modèle.
Le Monde.fr propose, de fait, un format qui a le mérite d’être identifiant. L’internaute qui a vu « Le Corps incarcéré » sait ainsi assez spontanément se déplacer au sein du « Corps handicapé(14) ». Au-delà de l’aspect collection qui montre l’envie du journal de travailler sur un thème particulier (en l’occurrence le corps), il permet aussi de se concentrer sur le contenu et non plus sur la seule ergonomie du web documentaire.
Cette narration, parfois appelée narration en étoile, donne en général à l’internaute le sentiment d’être libre et pleinement acteur, mais parfois au détriment du récit. Car il faut une réelle réflexion narrative pour arriver à optimiser les capacités offertes par le web. Il faut veiller, comme le dit Samuel Bollendorff qui réfléchit beaucoup aux modes d’écriture adaptés au web : « à pouvoir raconter plusieurs histoires en même temps, à les entremêler tout en gardant en permanence du sens, tout en s’assurant qu’il y ait des points clefs par lesquels on passe forcément(15) ». Il faut à la fois que chacun puisse avoir son parcours de lecture individualisé mais sans dissoudre le récit.
Parfois, comme dans « Piraterie en Somalie », le choix est fait d’insister sur la linéarité du contenu mais cela amène l’internaute à ne pouvoir agir pour passer à l’écran suivant qu’en cliquant sur « continuer » à chaque page, ce qui réduit à son minimum l’interactivité offerte. A l’inverse dans « Etudes et Thunes(16) », l’internaute peut véritablement passer d’un thème à l’autre et, à l’intérieur de chaque thème, d’un personnage à l’autre, tout en restant dans la construction globale d’une enquête sur l’argent des étudiants dont chaque contenu apporte un élément, donc une information.
4 Cf. Visuel n°1, Annexe n°2
5 Cf. Visuel n°2, Annexe n°2
6 http://documentaires.france5.fr/webdocs/portraits-dun-nouveau-monde-emigration/chanteloup-ma-france
7 Cf. Visuel n°3, annexe n°2
8 http://irock.video-party.orange.fr/
9 http://www.lacitedesmortes.net/
10 http://www.thierrycaron.com/
11 http://www.good-bye-lenine-la-rouille-en-plus.eu/
12 http://www.lemonde.fr/societe/visuel/2009/06/22/le-corps-incarcere_1209087_3224.html
13 Cf. Visuel n°4, annexe n°2
14 http://www.lemonde.fr/a-la-une/visuel/2010/04/09/le-corps-handicape-vivre-apres-l-accident_1330980_3208.html
15 Interview de Samuel Bollendorff, Cf. Annexe n°6
16 http://www.etudes-et-thunes.com/
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