Aujourd’hui, les chancelleries occidentales reconnaissent et condamnent unanimement l’attaque aux armes chimiques du 21 août 2013. Plus de 1 429 personnes dont 426 enfants – selon l’administration américaine(32) – auraient trouvé la mort dans le district de Ghouta, à l’est de Damas. S’il reste de nombreuses zones d’ombre concernant l’enquête de l’ONU réalisée peu après l’attaque – notamment sur la véritable responsabilité d’el-Assad – l’utilisation d’agents chimiques est, quant à elle, formellement avérée. En effet, l’examen des échantillons capillaires et sanguins prélevés sur les victimes certifie l’emploi du gaz sarin. Même si ce n’est pas la première fois que de telles armes sont utilisées depuis le début du conflit – comme le confirme une note déclassifiée de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la Direction du renseignement militaire (DRM) (33) en affirmant que de « petites charges chimiques » auraient été perpétrées depuis le mois d’avril – l’attaque du 21 août s’en distingue par son « caractère massif ». « L’objectif de terreur » et « l’objectif tactique de reconquête du terrain », est également mis en exergue dans la note ce qui ne fait que corroborer les violations du DIH dans le cadre d’un conflit armé.
Les preuves qui s’accumulent, ne font donc que confirmer l’implication du régime. Plusieurs vidéos attestent l’emploi de cette arme. De plus, les zones géographiques visées sont peuplées de personnes opposées au régime de Damas. Et selon Alain Coldefy – spécialiste de la stratégie de défense – cette attaque nécessitait « une préparation particulièrement lourde et minutieuse, notamment pour l’artillerie » ce dont les rebelles étaient alors incapables de réaliser. En définitive, la communauté internationale a plus que jamais conscience de l’importance du stock et du programme chimique syrien. Depuis, la question des armes chimiques employées dans les conflits armés a donné lieu à une sérieuse mobilisation internationale et de nombreuses déclarations condamnèrent fermement son utilisation en rappelant son interdiction absolue.
A l’heure actuelle, plus de 100 000 personnes auraient été tuées depuis le début du conflit. Le nombre de blessés ne cesse d’augmenter, dépassant la barre des 500 000, tout comme le nombre des réfugiés qui seraient plus de 2 millions (dont 1 million d’enfants) et plus de 4,3 millions de personnes auraient déjà été déplacées(34).
Ces données – plus qu’alarmantes – sur la situation humanitaire du pays, poussa le directeur des opérations du CICR, Pierre Krähendühl, à constater que « les parties impliquées dans les combats font peu de cas du sort de la population ». Il poursuivit en invitant les belligérants à prendre le plus rapidement possible des mesures pour se conformer pleinement aux principes et aux règles du droit humanitaire. Ces derniers doivent s’appliquer à toutes les parties au conflit en Syrie – quelles qu’elles soient – et imposent des restrictions sur les moyens et méthodes de guerre qui peuvent être utilisés dans ce contexte. Il est plus qu’urgent que la violence contre les civils en Syrie cesse et que des efforts humanitaires plus notables soient entrepris, indépendamment des efforts politiques.
En revanche, la question de l’impunité subsiste et en dépit de l’acharnement de Ban Ki-moon à répéter que « l’utilisation d’armes chimiques constitue un crime international auquel les responsables doivent en répondre », le CS reste bloqué sur la question syrienne, ce qui risque d’entraver une procédure devant la CPI.
32 Le nombre exact de personnes tuées n’étant pas connu par des sources internationales indépendantes.
33 DGSE/DRM, Programme chimique syrien. Cas d’emploi passés d’agents chimiques par le régime. Attaque chimique conduite par le régime le 21 août 2013. Synthèse nationale de renseignement déclassifié, 2 septembre 2013, 9 p.
34 Didier Reynders, « Syrie : pour un respect immédiat du droit international humanitaire », Le Monde, 23 septembre 2013.