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A/ La crise du système politico-administratif local en tant que relai des politiques sectorielles

La province ou préfecture est à la fois une collectivité locale, un relai fondamental d’implantation des services de l’Etat et de leur action et un espace d’encadrement de l’action des communes(1). La position que détient cette circonscription la rend responsable d’un système politico-administratif plus complexe(2)-que selon Michel Crozier, « un système en nid d’abeilles » formé d’un nombre assez grand de services administratifs, de collectivités, de groupes et d’associations indépendants les uns des autres, qu’une absence d’une coordination et d’une communication efficaces entre ces composantes le cloisonnement deviendrait le maitre mot. Ce dernier résulte du fait que chaque unité, maintenue à sa place par la pression d’un système hiérarchique, se désintéresse totalement des autres unités, sous réserve parfois des unités voisines ou supérieures. De surcroit, les relations sont faciles en surface ; on se parle et on se rencontre beaucoup mais chacun se débrouille seul. L’isolement ou l’atomisation du tissu en est la conséquence(3).

Il n’est pas inutile de dire que cette situation aurait une répercussion négative sur les politiques publiques qui se conforment à une optique sectorielle et dont ce système hiérarchique est le seul régulateur. Encore, convient-il de s’interroger sur les rapports entre les élus locaux et les chefs des services techniques, voire les rapports entres ceux-ci et leurs supérieurs hiérarchiques qui ont entre les mains le véritable pouvoir de décision ? Si la réponse parait plus limpide au niveau juridique, il n’en est pas au niveau pratique. La déconcentration administrative au Maroc reflète une bureaucratie accablante de l’administration centrale. Jalouse de ses pouvoirs, celle-ci semble rendre ses services déconcentrés des «coquilles vide » s manquant de tout pouvoir de décision proactif(4).

De même, qu’en est-il du wali ou gouverneur, soi-disant, jouer le rôle du chef d’orchestre au niveau local ? Loin de l’être, cette institution est succombée des compétences et se voit alourdir de tâches. Assurant un dédoublement fonctionnel aussi mortel qu’un coordinateur doive se débarrasser des tâches supplémentaires pour en maintenir que celle de la coordination. Pis encore, elle continue d’être liée au ministère de l’intérieur qui privilégie la dimension réglementaire sur la dimension développementaliste. Par conséquent, il n’est pas étonnant de voir le wali ou le gouverneur se penche plus vers la première que la seconde, alors qu’il aurait dû constituer une image réduite du gouvernement au niveau local, sachant que ce dernier est seul habilité à assurer la coordination entre l’ensemble des politiques départementales au niveau national.

Pierre Muller avait raison lorsqu’il avait justifié la crise de la sectorialité par la crise du régulateur(5), voire de l’Etat lui-même. Ce dernier, tout en cherchant la légitimité dans les pratiques bureaucratiques, demeure enlisé dans des dysfonctionnements d’un système de régulation aussi arrogant que le fonctionnement des sociétés modernes suppose le retour au local et l’intéressement aux problèmes horizontaux dont le traitement vertical n’est plus satisfaisant.

Au demeurant, il importe de se demander comment un système de régulation de ce type influence-t-il négativement sur la légitimité des politiques publiques ? Or, qui dit système, dit intégration. Et on a vu toute à l’heure que la manière de fonctionnement de ce système est cristallisée de façon à ne servir que des politiques publiques sectorielles. Alors qu’aujourd’hui, et la pratique le montre, l’approche intégrale est devenue le pari de succès de ces politiques. Loin de l’assurer, un système hiérarchique ne pourrait qu’apporter des cloisonnements, alors qu’il est temps d’encourager les projets intégrés.

D’une façon ou d’une autre, l’essor du territoire, comme espace de fusion de toutes les potentialités, de mutualisation des ressources, d’intégration des projets et d’implication de tous les acteurs locaux dans le processus de gestion de la chose publique, jouera un rôle primordial dans la mise fin à la vision sectorielle des politiques publiques, et ce, par l’éclosion des politiques publiques territoriales entourées de plus de légitimité que leurs ancêtres.

1 M. El Yaȃgoubi, Le bilan de la décentralisation provinciale au Maroc, in : « Réflexions sur la démocratie locale au Maroc » op.cit, p. 225
2 M. Crozier et J-C.Thoeng, La régulation des systèmes organisés complexes : le cas du système politico-administratif local en France, in : Revue française de sociologie. 1975, 16-1. pp. 3-32
3 Ibid., p. 13
4 Voir, M. Rousset, La déconcentration : Mythe et réalité ?, in : REMALD, n° 9, octobre-Décembre 1994, pp. 43-52
5 P. Muller, op.cit, p. 183

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