Avant d’envisager ce en quoi consiste cette critique (2), il convient de s’arrêter sur le principe de droit privé qui la fonde (1).
1) La contradiction d’un principe de droit privé
Le principe de la réparation intégrale dirige la mise en œuvre de l’indemnisation du préjudice. Ce fondement n’est exprimé qu’en matière contractuelle à l’article 1149 du Code civil. Précisément, ce système suppose que « le propre de la responsabilité est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu » . On comprend ici, que tout le dommage, rien que le dommage doit être réparé. La réparation interviendra alors en nature ou par équivalence
Affirmer que l’indemnisation de la perte d’une chance aboutit à une réparation partielle du préjudice contredit le principe énoncé précédemment. Mais il semble que ce soit plus la notion de perte de chance qui soit visée par là. En effet, les auteurs ne discutent pas le principe de la réparation intégrale du préjudice, au contraire, il s’attache à ce principe pour critiquer l’issue de la notion de la perte d’une chance. N’est ce pas interpellant de lire sous l’article 1382 du Code civil qu’ « en cas de perte d’une chance, la réparation du dommage ne peut être que partielle ». Mais si une telle formule peut être énoncée, c’est pour insister sur la limitation de l’indemnisation qui ne doit pas dépasser ce qui aurait été alloue a la victime si le dommage final avait été réparé.
Dès lors, c’est bien l’étendue de l’indemnisation du dommage qui se trouve au cœur des débats. Selon la doctrine et les victimes, la réparation du dommage n’est pas intégrale en matière de perte d’une chance. La réparation de la perte d’une chance fait également l’objet d’une critique d’ordre économique.
2) Une critique d’ordre économique fondée sur une réalité économique
La notion de perte d’une chance est remise en cause par une partie de la doctrine qui affirme qu’il s’agit d’une réparation partielle du préjudice subi par la victime. Cependant, Monsieur CHARTIER souligne que « par définition, la perte d’une chance n’étant pas celle d’une certitude, la réparation ne peut être que partielle, a la mesure même de la probabilité ». C’est en cela que réside la spécificité de l’étendue de l’indemnisation.
Pour admettre une réparation intégrale de l’état réel de la victime, les juges devraient réparer le préjudice final, ce qui viendrait à reprendre la conception antérieure du juge administratif, c’est à dire en ce que la perte d’une chance soit admise comme un facteur de causalité apportant la preuve du caractère certain du préjudice final. Ce revirement est loin d’être opéré. Ces critiques relatives à l’étendue de l’indemnisation de la perte d’une chance reposent en réalité sur la victime. Il n’est pas évident de faire comprendre à une victime, qu’elle ne va obtenir qu’un pourcentage de l’indemnisation correspondant au résultat réel du fait générateur du défendeur.
En réalité, la notion fait bien l’objet d’une réparation intégrale, le préjudice réparer étant celui de la perte d’une chance.
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