1. Le cercle vicieux des « budgets serrés », une opportunité pour des contrôleurs de gestion
Comme cité ci-dessus, les métiers de la finance d’entreprise se retrouvent souvent au sein des hôpitaux et cliniques. Le métier de la finance et du contrôle de gestion peuvent alors trouver leur place au sein même d’établissements médicaux.
Tout est une question de « budget ». En effet, jusqu’en 2004, le mode de financement de l’hôpital était assuré par une dotation globale forfaitaire versée à chaque établissement. Depuis 2005 et la réforme de l’assurance maladie, les modalités de financements des hôpitaux ont été profondément bouleversées pour les activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) : la grande majorité des ressources hospitalières dépend désormais du nombre et de la nature des actes et des séjours réalisés. Certaines d’entre elles continuent cependant de bénéficier d’un financement forfaitaire (missions d’intérêt général, activités d’urgence ou prélèvement d’organes). Ce nouveau mode de financement s’appelle la T2A Tarification à l’activité ; la notion de budget est remplacée par l’état prévisionnel des recettes et des dépenses car ce sont les produits de l’activité qui déterminent les ressources de l’hôpital. Les établissements restent autonomes dans leur gestion, mais soumis au contrôles des pouvoirs publics (ARS, Chambre régionale des comptes).
Le métier de contrôleur de gestion consiste à concevoir et mettre en oeuvre des méthodes et outils de gestion permettant de garantir l’utilisation efficiente des ressources de l’établissement ou de l’entreprise, et l’exercice des fonctions de pilotage et de contrôle par le management. Cela consiste donc également à conseiller les décideurs au regard du développement des activités.
Voici le témoignage d’Erwan Olivier, contrôleur de gestion au CHU de Rennes et formateur sur le contrôle de gestion à l’hôpital :
“Le contrôle de gestion à l’hôpital est né du développement des systèmes d’information dans les hôpitaux. Depuis maintenant une dizaine d’années, les postes de contrôleur de gestion s’y sont beaucoup développés. La mise en oeuvre de la nouvelle gouvernance et la tarification à l’activité (T2A) prévues par le plan Hôpital 2007 ont amplifié l’essor de cette fonction. Le contrôle de gestion est particulièrement riche et varié à l’hôpital, du fait de la complexité des organisations et de la multitude des interlocuteurs que l’on rencontre : nous sommes à la fois en contact avec le personnel administratif, le personnel soignant et médical dont il est important de bien cerner les problématiques, les services logistiques, etc. ».
Le contrôle de gestion est une matière forte des GEC, elle fait partie des matières générales obligatoires qui sont inclues dans les blocs de « fondamentaux ». Ensuite les élèves sont libres de se spécialiser par des stages ou des masters spécifiques au contrôle de gestion.
Un autre exemple concret de la pertinence de ces profils de contrôleurs de gestion dans le monde de la santé est celui de Céline Beaux, ancienne élève de GEC. Elle a été employée au sein de l’hôpital Necker à Paris en 2007 afin d’aider à la mise en place de ce nouveau mode de financement en tant que contrôleur de gestion. « J’ai été employée en tant que cadre administratif de pôle avec mon profil contrôleur de gestion pour mettre au service de l’hôpital mon oeil neuf et mes capacités techniques sur des outils financiers ou de contrôle de gestion et de pilotage.» Voici la liste non exhaustive des activités que pourront aborder des diplômés de GEC dans des établissements de santé :
– Les enjeux et les principes d’une comptabilité analytique.
– Les coûts basés sur les activités (méthode ABC) dans le secteur de la santé.
– La méthode des coûts variables : théorie et pratique en établissement.
– La méthode des coûts complets : de la théorie à la comptabilité analytique hospitalière (la base d’Angers, le coût par séjour, le tableau coût-case-mix, le compte de résultat analytique par pôle).
– Les étapes de la mise en oeuvre de la comptabilité analytique hospitalière.
– Le suivi des dépenses et des recettes : mise sous contrôle et simulations.
– L’analyse des écarts, les plans d’actions de progrès.
– Les outils du contrôle interne (l’audit du processus clé de facturation.
– Les outils d’optimisation du système de pilotage : passer de l’artisanat à l’industrie.
– Les cinq principes de conception d’un tableau de bord.
– Le tableau de bord stratégique de l’établissement : balanced scorecard.
– Les tableaux de bord par pôle et par service.
Des exemples il y en aurait encore beaucoup mais le résultat est probant : le besoin de pilotage financier n’est pas uniquement réservé aux entreprises. Les hôpitaux publics, les cliniques privées, tous ont besoin de mener une gestion financière adaptée. Les changements à venir et la conjoncture vont aller dans ce sens et le besoin de profil GEC sera de plus ne plus important en finance et contrôle de gestion dans le secteur de la santé.
2. Comment concilier une démarche marchande et non marchande ?
En entreprise le volet financier est l’un des plus importants : on regarde d’ailleurs la taille d’une entreprise par son Chiffe d’Affaires, tandis que l’on regarde la taille d’un établissement de santé par son nombre de lits. La notion de budget est donc à respecter car les hôpitaux n’ont pas de ressources financières illimitées. Il faut un équilibre entre la démarche marchande et non marchande. Car plus qu’un enjeu financier colossal, l’enjeu HUMAIN reste prépondérant. Rappelons que les hôpitaux publics constituent un vecteur de service d’ampleur nationale. Sans cette démarche non marchande, de non génération de profit le service rendu ne serait pas le même.
Le patient n’est pas un client, en effet cette distinction tient à coeur à de nombreux médecins qui voient un système qui se dégrade économiquement, et le recours permanent à de nouvelles actions pour diminuer les dépenses de santé. A l’hôpital public, le gestionnaire de la trésorerie et de la dette est en charge d’organiser les flux de dépenses et de recettes (encaissement-décaissement), de mettre en oeuvre des procédures pour réduire les délais de paiement et rechercher des sources de financement en relation avec les établissements bancaires. Pourtant il s’agit d’un service public ou l’on n’exige pas de résultats financiers minimum pour satisfaire des actionnaires par exemple.
Le débat abordé est celui de la performance. On parle souvent de pilotage de la performance mais la question qui se pose ici est la question de la performance hospitalière. A partir de quel moment parle-t-on de performance d’une démarche non marchande? N’est-ce pas intégrer une démarche marchande que de parler de performance ? Pour répondre il faut s’attarder sur la notion de performance. Est-ce uniquement financier? Non, la performance n’est pas seulement basée sur des résultats, des critères économiques ou d’efficience. Cette performance ne se limite pas à des critères d’économie ou d’efficience. La prise en compte de la notion de valeur créée par les activités et reconnues par les usagers ou de “plans qualité” par exemple témoignent que la performance émane d’autres aspects pas toujours identifiables, ou quantifiables. Toutefois, chiffrer des coûts d’activités permet non seulement de conduire puis de justifier des politiques de tarification (fournitures de repas par exemple), mais aussi progressivement, de prendre en compte la complexité de ces activités et surtout de leur interdépendances pour “rendre des services de qualité” au regard des attentes des usagers. Ainsi les diplômés de GEC qui souhaitent mettre leurs compétences comptables ou financières au service des établissements de santé sont les bienvenus dans la mesure ou ils intègreront les spécificités d’un secteur qui fait cohabiter une démarche non marchande et marchande.
Au-delà du métier de contrôleur de gestion, d’autres métiers peuvent être exercés par les diplômés de GEC au sein d’établissements de santé tel que responsable des achats ou encore logisticien. Mais la plus grande place faite aux diplômés de GEC se trouve surtout dans les entreprises privées (décrites en première partie) qui gravitent autour des établissements de santé.
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