Mettre en oeuvre une pédagogie de la théorie des IM, c’est déjà comprendre quelles sont les principales intelligences les plus mises en oeuvres. La formation des enseignants, comme celle des élèves, privilégie la logique, le verbal et les mathématiques. Pour parvenir à ces intelligences, il a fallu en faire largement la preuve. Dès lors, l’enseignant aura tendance inconsciemment à attendre des élèves les mêmes capacités, ou les mêmes aptitudes que lui même a mis en oeuvre. Enseigner selon la théorie des IM, c’est déjà prendre conscience que l’élève ne réfléchit pas forcement comme nous.
Lors de la formation d’enseignant, nous voyons qu’il est important de favoriser des apprentissages aux supports diversifiés pour retenir ou attirer l’attention de l’élève. La théorie des IM va plus loin, en disant que ce n’est pas seulement l’attention que l’on retient ainsi, mais l’on répond à un besoin fondamental du sujet que l’on éduque. Le schéma ci-après illustre la fracture ou la contradiction à laquelle la mission de l’enseignant l’oblige à faire face :
Schéma 4 : « Fracture entre le devoir à agir et l’intention à agir »
Gaëlle Puy MEF 2 IUFM Montpellier Juin 2012
L’enseignant doit à la fois répondre à un objectif de réussite globale de ses élèves, tout en devant s’adapter à une standardisation ministérielle de plus en plus développée. Au milieu de ceci, la notion de pédagogie différenciée et les outils tels que le tutorat, l’individualisation ou le soutien se multiplient. Quand on met en oeuvre une pédagogie différenciée, on ne procède pas à une individualisation de l’élève mais à l’individualisation des instruments au service de la standardisation.
Cette remédiation est opposée à ce que préconise l’approche des IM qui propose de déceler les aptitudes fondamentales ou les affinités de l’élève avec le savoir et d’axer l’entrée dans le savoir par ces intelligences pour lui permettre par la suite de développer les autres, mais à travers la combinaison de celles qui le caractérisent. Enseigner c’est également évaluer, la théorie des IM n’est pas coupée de cette réalité mais prend le problème à l’envers. On ne procédera pas à des évaluations standardisées dans le schéma analyse logico mathématique et verbale exclusivement(3).
Les critères d’évaluations seraient systématiquement connus à l’avance. Ils laisseraient la place à la créativité sans nécessairement répondre à un corrigé type et barème standardisé. Bien évidement, les enseignants procèdent déjà à ces arrangements sur le terrain, bien que cela ne soit pas préconisé par les règlements d’examen. Ces ajustements de terrain sont rendus inévitables par la nature humaine des sujets et les correcteurs acteurs de l’évaluation. La théorie des IM propose donc d’accepter cette réalité.
Bruno Hourst, ingénieur puis enseignant et formateur, a été amené par son activité professionnelle à s’interroger sur la façon dont nous apprenons et transmettons les savoirs. Il est l’auteur de plusieurs livres notamment « A l’école des intelligences multiples » publié chez hachette et articles remettant en cause bon nombre de notions préconçues. Voici ce qu’il répond à la question : à quel moment utiliser les intelligences multiples dans les apprentissages ? « Cela dépend de nombreux paramètres : primaire ou secondaire, matière, organisation de la classe, emploi du temps, programme… Au départ, cela peut être d’une manière ponctuelle : présenter le sujet d’instruction selon une intelligence peu ou pas utilisée généralement par l’enseignant. […]
L’enseignant pourra varier ses manières d’introduire les différentes intelligences, d’une manière plus ou moins formelle. Par exemple, il pourra commencer l’étude d’un sujet en organisant une mise en scène (intelligence corporelle/kinesthésique), ou l’étude d’une chanson (intelligence musicale/rythmique), ou encore d’une image (intelligence visuelle/spatiale), et continuer son cours d’une manière plus habituelle – c’est d’ailleurs ce que font naturellement certains enseignants […] Et progressivement il intégrera plus naturellement des approches « intelligences multiples » sans même s’en rendre compte.
En primaire et si l’organisation de la classe s’y prête, l’enseignant pourra aussi organiser – par exemple le vendredi après-midi ! Des « ateliers intelligences multiples », où les enfants sont invités à passer. Je donne tout un tas de pistes pratiques pour cela dans mon livre « A l’école des intelligences multiples »(4).
Roger Fournier dit, « Il est inutile de se battre pour une idée. Quand une idée est bonne, elle fait son chemin toute seule ». Celle de Howard Gardner fais son chemin depuis vingt neuf ans à travers le monde, et parfois, des étudiants ou personnels de l’éducation se sentent concernés. Le succès pratique d’une théorie, qui ne resterait dès lors plus théorie, dépend d’une combinaison de facteurs réalisables, et réalisés. Celui de la théorie des IM dépendrait de la combinaison de ces quatre facteurs :
Schéma 5 : « les quatre leviers de la théorie des IM »
Propos : Roger FOURNIER Illustré et reformulation : Gaëlle Puy MEF 2 IUFM Montpellier Juin 2012
Le schéma propose de répertorier 4 leviers selon lesquels la théorie des IM pourrait être appliquée dans nos modèles d’enseignement :
1) Développer la formation initiale et continue des enseignants, améliorer les conditions de travail afin de disposer de plus de temps et de plus d’outils et de liberté et favoriser les échanges inter-enseignants
2) Restructurer les programmes scolaires de manière à privilégier les compétences et les connaissances et les adapter autant que faire se peut aux styles d’apprentissage et aux points forts spécifiques des élèves
3) Elaborer des procédures et des instruments d’évaluation spécifiques adaptés aux intelligences multiples
4) Diversifier la participation de la collectivité au processus éducatif sur les réformes scolaires et notamment ceux qui viennent du domaine de la recherche en éducation et d’autres de la pratique.
Ces différents degrés d’actions mettent en avant la nécessité de la collaboration et d’une politique d’action commune. Il s’agit d’établir des projets qui mobilisent des acteurs divers. L’approche par projet est pour l’élève le meilleur moyen de déployer des intelligences multiples.
Schéma 6 : « les outils collaboratifs, le projet »
http://enaxante.fr/?-Ingenierie-formation-
Les projets organisés de manière neuronale représentent l’approche du XXIème siècle. Ils consistent à travailler en association d’idées sans pour autant établir de liens hiérarchiques ou fonctionnels comme auparavant.
L’école doit prendre en considération cette réalité sociale et permettre à l’élève d’aborder le savoir selon son raisonnement propre. La réalisation de projets communs, le travail en équipe et la formation se joue bien au-delà du temps présentiel en entreprise, de la même façon que la construction du savoir de l’élève chemine au-delà de son temps présentiel à l’école.
Aussi, reconnaître de multiples intelligences c’est favoriser les paliers de construction du savoir pendant et hors temps de formation. Cela nécessite le développement d’une intelligence collective, réclame des interactions multiples ouvertes et organisées.
Célestin Freinet, inventeur d’une pédagogie fondée sur des techniques novatrices disait : « L’école de demain sera centrée sur l’enfant membre de la communauté. C’est de ses besoins essentiels, en fonction des besoins de la société à laquelle il appartient, que découleront les techniques manuelles et intellectuelles à dominer, la matière à enseigner, le système de l’acquisition et les modalités de l’éducation ».
3 Annexe3 : Applications pédagogiques ou évaluatives de la théorie des IM par l’académie de Créteil
4 Annexe 4 : Tableau présentant les moyens de reconnaissance des intelligences pour les élèves, les risques liés si elle est négligée et les activités spécifiques à proposer