En partant du principe que l’idée est une phase qui précède la mise en forme de l’oeuvre et que
cette idée ne peut pas faire l’objet d’une protection par le droit, au motif qu’elle ne porte pas
l’empreinte de la création individuelle, il faut bien établir une chronologie de l’acte créatif
afin d’en délimiter les phases bénéficiant de la reconnaissance juridique.
Pour le Professeur Desbois, la genèse d’une oeuvre se répartit en plusieurs étapes : l’idée, la
composition et l’expression(21). Comme nous l’avons vu la première étape n’est pas
protégeable. La seconde étape, peut s’entendre comme la préparation de l’oeuvre finale. Elle
peut être constituée par des esquisses, ébauches qui peuvent constituer des oeuvres originales
protégées, indépendamment de l’oeuvre finalisée. Si la composition bénéficie de la protection,
c’est qu’elle porte en elle la marque de la personnalité de l’auteur.
Mais cette classification ne permet pas de répondre aux questions posées par la création
contemporaine et par la performance. L’exemple du Ready-Made de Marcel Duchamp est ici
édifiant. Lorsque Duchamp déclare au monde artistique, et plus largement à la société, qu’un
urinoir(22), ou un porte-bouteille, sont des oeuvres d’art, elles le deviennent. Cette idée fût
contestée, elle fit scandale dans le monde de l’art, mais cela n’empêcha pas les institutions du
monde entier de célébrer le génie de Duchamp quelques années après. Non content de
renverser les conventions esthétiques, Les Ready-Made de Duchamp soulèvent aussi de
nombreuses questions en droit d’auteur. L’impératif de création, est ici remis en cause
puisque c’est la volonté de Marcel Duchamp qui détermine un objet comme artistique. C’est
ici la personnalité la position sociale de l’auteur qui influe sur l’objet.
21 Desbois, « Le droit d’auteur en France », Paris, Dalloz, 3e éd., 1978
22 Cf Annexe I