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A : Une sanction moderne du défaut de cause.

211. Ce sont les juges qui ont découvert la sanction selon laquelle, en cas d’atteinte à une obligation essentielle, la clause doit être réputée non écrite car dans ce cas, la cause fait défaut. Il s’agit d’une sanction moderne adoptée récemment et spécialement dans le cadre, d’une part, des contrats d’assurance (1) et d’autre part, dans le cadre de la jurisprudence Chronopost (2).

1 : La jurisprudence relative au contrat d’assurance.

212. C’est, semble-t-il, dans le contrat d’assurance que la Cour de cassation a commencé son entreprise de découverte des clauses réputées non écrites. Elle l’a fait à partir de 1990 dans des arrêts remarqués, en déclarant non écrites les clauses qui limitent dans le temps la garantie de l’assurance de responsabilité, et cela sur le fondement de l’article 1131 du Code civil. En effet, par sept arrêts en date du 19 décembre 1990 , la première chambre civile de la Cour de cassation a, dans un attendu de principe quasiment identique pour chacun des arrêts, condamné les clauses dites « réclamation de la victime », également qualifiées claims made, qui subordonnent la garantie de l’assureur à la réclamation de la victime entre la date de souscription du contrat et celle de sa résiliation. Au visa de l’article 1131 du Code civil et L.124-1 du Code des assurances, elle a jugé que « le versement des primes pour la période qui se situe entre la prise d’effet du contrat d’assurance et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s’est produit pendant cette période ; (…)la stipulation de la police selon laquelle le dommage n’est garanti que si la réclamation de la victime, en tout état de cause nécessaire à la mise en œuvre de l’assurance de responsabilité, a été formulée au cours de la période de validité du contrat, aboutit à priver l’assuré du bénéfice de l’assurance en raison d’un fait qui ne lui est pas imputable et à créer un avantage illicite comme dépourvu de cause au profit du seul assureur qui aurait alors perçu des primes sans contrepartie ; (…) cette stipulation doit en conséquence être réputée non écrite ». Ce faisant, la jurisprudence a participé à l’élaboration du domaine des clauses formellement réputées non écrites, en dehors d’un texte . Cela témoigne de l’émergence d’un domaine proprement jurisprudentiel de la clause formellement réputée non écrite. Prenant en quelque sorte le relais de la loi, la jurisprudence entend également user du réputé non écrit comme moyen d’imposer dans les contrats dont elle a à connaître, des obligations dont les parties ne sauraient se délier. Les juges ont fait de même dans le premier arrêt Chronopost , en se fondant, de la même manière, sur l’article 1131 du Code civil.

2 : La jurisprudence Chronopost.

213. Ici aussi, c’est en l’absence d’une disposition légale en ce sens que la Cour de cassation déclare non écrite une stipulation. Les deux parties au contrat étaient des professionnels, ce qui excluait l’application de la législation sur les clauses abusives. La haute juridiction s’est donc alors fondée sur l’exigence d’une cause contrepartie. Tout comme en matière d’assurance de responsabilité, elle condamne une clause dont elle considère qu’elle altère la portée de l’engagement souscrit par l’une des parties. L’idée sous-tend la jurisprudence relative aux clauses qui limitent dans le temps la garantie de l’assurance de responsabilité . Dans l’affaire Chronopost, ces clauses sont privées d’effet parce qu’elles « vident le contrat de sa substance », qu’elles « privent de toute efficacité la garantie contractuelle pour le risque concerné » . Ici, l’idée est consacrée sans ambiguïté : est réputée non écrite la clause de responsabilité qui « contredit la portée de l’engagement pris ».

214. On peut constater que les juges du fond ne sont pas restés indifférents à cette sanction. En effet, la Cour d’appel de Caen qui était appelée, en tant que juridiction de renvoi dans l’affaire Chronopost, a formellement consacré les clauses réputées non écrites sur le fondement de la cause. Suivant la Cour de cassation dans l’affirmation du caractère non écrit de la clause aménageant la responsabilité du transporteur, elle a précisé le raisonnement de la haute juridiction en jugeant que « la cause de l’engagement de la société Banchereau, concrétisé par le paiement d’un prix plus élevé que pour un envoi ordinaire, se trouve dans l’obligation de respect des délais annoncés et de fiabilité du transporteur rapide, obligation essentielle à défaut de laquelle cet expéditeur n’aurait pas contracté. (…) Or, la clause limitative de responsabilité en cas de retard, qui équivaut quasiment à une clause exonératoire de responsabilité en ce qu’elle retire tout caractère contraignant à l’exécution du contrat et réduit l’indemnisation du préjudice au seul prix du transport, fait perdre toute portée et toute valeur à l’obligation essentielle sus-définie, anéantissant par là même la cause de l’engagement de la société Banchereau. (…) Sans qu’il y ait lieu à annulation du contrat, ladite clause doit être réputée non écrite, redonnant ainsi tout effet, au sens de l’article 1131 précité, à l’obligation essentielle de la société Chronopost, cause de l’obligation remplie par la société Banchereau ». Le défaut de cause est ainsi sanctionné d’une nouvelle manière.

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