1°)Notion juridique
En France le texte de référence est la loi Barnier du 2 février 1995 qui va poser les grands principes du droit de l’environnement. Elle va également définir les notions propres à ce nouveau droit.
a)Définitions liminaires
Selon la Loi Barnier, évoquée précédemment, on peut définir l’environnement comme « les espaces, sites, paysages, espèces animales et végétales ainsi que la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent ». La pollution selon l’OCDE est caractérisée par « l’introduction directe ou indirecte de substances ou énergies dans l’environnement qui entraîne des conséquences préjudiciables de nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources biologiques et aux systèmes écologiques ou à porter atteinte aux autres utilisateurs légitimes du milieu ».
De ces définitions il découle que la pollution est un fait de l’homme caractérisé par une altération du milieu donc c’est une forme particulière d’atteinte à l’environnement qui est visée par la garantie dommages à l’environnement et non pas toutes les atteintes. De manière générale les contrats d’assurance font souvent référence à la notion de « nuisances environnementales » pour établir les contours de leurs polices. Par nuisances les assureurs englobent un certain nombre de comportements comme la production d’odeurs et de bruits, de vibrations, d’ondes, de rayonnement.
Jusqu’à récemment le dommage écologique n’était pas pris en compte par les assureurs sauf si il y avait dommage direct aux biens ou aux personnes. Traditionnellement cette analyse reposait sur le fait qu’en assurance de responsabilité le dommage n’est réparable que s’il atteint directement et personnellement un individu ou un bien. Dès lors il n’y a pas eu de prise en charge du dommage écologique stricto sensu c’est à dire qui n’affecte que l’environnement.
Cette situation semblait injuste au regard des conséquences dramatiques liées à certaines catastrophes écologiques dont les auteurs n’étaient inquiétés que si ces conséquences touchaient directement une personne ou un bien. Or dans certain cas il était difficile d’établir un lien direct entre l’accident et le préjudice de personnes touchées d’ou une certaine impunité des auteurs de ces faits.
C’est pourquoi a été adoptée la directive européenne sur la responsabilité environnementale transposée en droit français par la loi du 1er août 2008. Elle est la consécration législative du concept de dommage écologique pur qui était déjà dans les mœurs jurisprudentielles depuis l’affaire Erika . On le voit la prise de conscience du danger sur l’environnement lié à l’activité humaine s’est faite progressivement. C’est au fil des catastrophes écologiques et humaines que s’est forgée la réflexion autour de la notion de conscience écologique et qu’on a réellement cherché à dégager des critères qui permettent d’engager la responsabilité de l’exploitant fautif.
L’aboutissement de ce processus se fera par le biais de la charte pour l’environnement qui fait partie du bloc de constitutionnalité et qui prévoit en son article 5 que « les autorités doivent veiller à l’application du principe de précaution, à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin d’éviter la réalisation de dommages ainsi qu’à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques encourus ».
b)Causes d’engagement de la responsabilité
En matière de responsabilité civile on distingue généralement les responsabilités pour faute prouvée prévues par les articles 1382 et 1383 du code civil fondées sur la théorie de la faute et les responsabilités de plein droit des articles 1384 et suivants du code civil basées quant à elles sur la théorie du risque.
Dans le cadre de la responsabilité environnementale les deux fondements traditionnels se retrouvent ainsi que certains fondements autonomes.
Pour ce qui est de la responsabilité pour faute prouvée le manquement au principe de précaution peut s’analyser en une faute de l’exploitant pouvant entraîner la reconnaissance de sa responsabilité. Mais dans ce cas il faudra pour la victime ramener la preuve de la faute de l’exploitant ce qui ne sera guère aisé dans le cadre de dommages liés à des atteintes à l’environnement.
On peut essayer alors de se fonder sur la responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde pour faire jouer la responsabilité de l’exploitant de manière plus automatique s’agissant d’une responsabilité de plein droit. Dès lors la victime du dommage n’aura pas à prouver la faute de son auteur et pourra réclamer une indemnisation sur la seule base de son préjudice. Ici la généralité du terme « chose » fait que l’application de ce cas de responsabilité peut être large. Ainsi une entreprise peut elle être jugée gardienne des gaz toxiques qu’elle émet ou encore des eaux usées qu’elle rejette dans les nappes phréatiques et ce sans qu’il soit nécessaire de rechercher une quelconque faute de l’exploitant quand aux rejets effectués.
Cependant force est de constater, qu’en la matière, ces deux fondements sont fort peu utilisés et on leur préfère souvent des fondements autonomes d’engagement de la responsabilité de l’exploitant. Le principal fondement retenu dans ce cadre repose sur la notion de « troubles anormaux de voisinage ». Au départ ce fondement n’était pas autonome et on le rattachait à l’article 1382 du code civil et donc à la preuve d’une faute de l’exploitant. Depuis la jurisprudence s’est ravisée et en a fait un fondement autonome . C’est une responsabilité objective fondée sur la théorie du risque profit. Il est logique que celui qui tire un profit d’une activité risquée et lucrative en paye les conséquences dommageables. Pour cerner ce fondement la jurisprudence a défini la notion de voisin avec une certaine clémence pour les victimes car l’acception retenue est très large. Ainsi on ne retient plus seulement le critère de contiguïté de l’habitation ou du terrain avec le site d’où émane la pollution mais on y inclut la notion de « zone réellement troublée ». Ainsi des habitations se situant même à bonne distance du site pollué peuvent être incluses dans cette zone à l’intérieur de laquelle tous les dommages subis par les personnes ou les biens seront réparés. La preuve du trouble anormal retenu sert de garde fou à cette définition large car les juges du fond n’admettent de considérer comme troubles anormaux de voisinages uniquement le dommage important, durable, répétitif, inhabituel et qui dépasse un certain seuil de tolérance qu’on appréciera en fonction du moment et du lieu. Se dégagent deux critères : la fréquence et la gravité. Si le trouble est grave et se prolonge dans le temps alors la responsabilité de l’exploitant sera en cause. C’est sur la base de ce fondement que sont, aujourd’hui, dégagés les principaux cas de mise en cause de la responsabilité de l’exploitant du fait d’une atteinte à l’environnement.
2°)Détermination des dommages pris en charge
Il s’agira ici de tenter de déterminer les dommages pris en charge liés à un engagement de la responsabilité civile de l’exploitant. Pour cela il nous faut voir le cas ou le dommage environnemental constitue une atteinte à un intérêt personnel et quand il constitue une atteinte à un intérêt collectif. Puis if faudra aborder la question de la reconnaissance ces dernières années du dommage écologique pur.
Concernant l’atteinte à un intérêt personnel il peut s’agir d’un dommage corporel (problèmes d’intoxication, lésions cutanées,…). Le plus délicat sera alors d’établir le lien de causalité entre le dommage et le fait générateur à savoir la pollution engendrée par l’exploitant de l’usine. Cette étape va donner lieu à des batailles rangées d’experts sur des points très techniques. C’est pourquoi pour alléger la procédure les tribunaux accepteront le jeu de présomptions et poseront le principe de la responsabilité in solidum des exploitants qui contribuent à polluer un même site. On parlera alors de pollution par synergie. Ces derniers seront tous tenus solidairement d’indemniser la victime. Concernant les dommages matériels il concerne la détérioration ou la dénaturation des biens de la victime. Le plus souvent la réparation se fera en nature.
Concernant, à présent l’atteinte à un intérêt collectif. Ce principe a été reconnu dans le cadre des actions intentées par les associations agrées de protection de l’environnement. L’article L.142-2 du code de l’environnement habilite ces associations à agir contre l’exploitant au nom de l’intérêt collectif qu’elle défende, cet intérêt devant impérativement apparaître dans les statuts de l’association. Ces dernières pourront ,alors, exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont à défendre. Cela signifie que les associations ne peuvent ester en justice qu’à partir du moment ou un délit pénal est constaté. Cependant ce texte est apprécié de manière de plus en plus souple par la jurisprudence et les tribunaux admettent la possibilité pour les associations d’agir devant les juridictions civiles.
En outre, depuis quelques années, les tribunaux admettent les dommages causés à l’environnement. Avant le préjudice causé à l’environnement n’était pas sanctionné pour lui même. Aujourd’hui consécration d’un préjudice écologique pur à la suite de la jurisprudence Erika qui a été pionnière en la matière.