Entretien N°2 : Mohamed Elaouni, coordinateur du conseil de soutien du M20, habitant de Rabat, la capitale
– Premièrement, comment vous évaluez le processus de la constitution et l’évolution du M20, vous qui êtes en lien permanent et avec les jeunes et avec les organisations ayant soutenu le M20 ?
Ce processus ne peut être dissocié du processus général de la démocratie dans la région arabe. Et malheureusement, les gens ne font pas attention à cela. Cet élément est essentiel, et il faut l’avoir bien en tête. Ce printemps arabe est une distance temporelle. C’est aussi une phase qui se mesure par son ouverture sur son environnement arabe.
– Que voulez vous dire par : « mesurer cette phase » ?
La comprendre à travers l’environnement des sociétés arabes, leur avenir, le présent et le passé. C’est-à-dire l’ensemble des éléments qui traversent et façonnent les sociétés. Il s’agit de prendre en compte l’impact de l’histoire et du présent maghrébin, l’impact de l’environnement méditerranéen et mondial. Cette liaison doit se faire sur les plans économiques, sociales, culturelle, etc. Il ne s’agit pas de dessiner un tableau qui permettra de comprendre la situation par des chiffres !
La relation avec l’histoire est l’une des causes du sous-développement de la région. Ainsi, il faut prendre en compte l’histoire comme étant un ensemble d’évolutions. On peut comprendre certaines évolutions maintenant, mais il nous faudra du temps pour comprendre plusieurs autres évolutions.
L’histoire c’est aussi les détails. Et nous savons que l’histoire de l’humanité comme l’histoire de notre région n’a pas été écrite correctement du fait qu’il y a absence d’appréhension et d’appropriation des détails. Notamment les détails influençant directement les événements.
Dans ce cadre, le printemps arabe et son prolongement au Maroc à travers le M20, ne peut être compris et appréhendé à travers une photographie, c’est-à-dire un temps simple. Il faut disséquer, suivre ses évolutions et ses impacts, et bien entendu il faut revenir sur les questions des racines de ce mouvement et comment il est né.
– Avant de revenir sur ces détails, selon vous, le mouvement n’était pas possible sans interactions avec l’ensemble des mouvements, au moins arabes, de 2011 ? la crise structurelle au Maroc n’était pas la seule allumette ayant rendu possible le déclenchement du M20 en 2011 ?
Oui, nous pouvons dire que le M20 constitue une continuité des mouvements de changements au Maroc, mais avec des ruptures. Le M20 a commencé avec des petites révoltes, ici et là. Je te rappelle par exemple la manifestation devant le parlement quand un groupe de jeunes se sont mobilisés contre le fils d’un ministre qui a violé le droit d’un jeune puisant de l’autorité de son père(87), etc. je rajoute l’ensemble des révoltes sur des thématiques différentes à Sidi Ifni, à Sefrou et dans d’autres villes. Il s’agissait de petits exercices non-programmés et liés à la réalité marocaine. Mais dans le mouvement de la société, il y a des choses qui sont programmées et d’autres qui ne le sont pas. Ce qui n’est pas programmé c’est la possibilité de confiance dans l’action des acteurs qui ne sont pas en lien direct avec l’action normalisée (et ce sont les jeunes). Ces derniers ont gagné confiance en eux pour exécuter leur action à travers l’exemple de la Tunisie et de l’Egypte. L’exemple tunisien avait plus d’impact car il était improbable que la société là-bas puisse passer à l’action. Ainsi, cela a créé dans la région, et aussi dans plusieurs parties du monde, un mouvement général. Ainsi, on ne peut pas dissocier le M20 de l’histoire des mouvements sociaux au Maroc, mais en même temps, on ne peut la dissocier de la région.
– Pourquoi selon vous le mouvement a été déclenché en 2011 et non pas avant ?
Il y a des causes que nous savons, d’autres restent ignorées pour le moment. On sait qu’au Maroc il y a eu des changements sociaux au niveau des classes qui portaient le changement social auparavant, par ailleurs, il y a un travail profond des parties conservatrices. De retour à ta première question, le processus du M20 comme le mouvement en lui-même, ont commencé sans l’appui de plusieurs personnes et groupes qui devaient en réalité soutenir le changement. Par la suite, le M20 a commencé à créer une peur dans l’âme de ceux qui ont considéré les jeunes comme entre parenthèses des gamins extrémistes et rêveurs. Ce mouvement a réussi par la suite à mettre en place des obligations devant les décideurs. Depuis 1992, les mouvements démocratiques n’ont pas réussi à mettre au coeur des débats sur le changement constitutionnel, et c’est bien le mouvement qui a mis en place cela. En 1992 comme en 1996 il y a eu une réponse trompeuse et technique qui a vidé le texte constitutionnel des promesses tenues suite à la pression des mouvements démocratiques. En 2011, la revendication de la réforme constitutionnelle est revenue de nouveau en tête de l’agenda politique au Maroc. Or, la même logique a régné encore une fois, et il y a eu de la tromperie car le contenu de la réforme constitutionnel est insatisfaisant bien qu’il y a eu quelques avancées sur des niveaux tels la question des droits humains. Mais, dans le contenu qui concerne la redistribution des pouvoirs comme introduction pour la démocratie, n’a pas eu lieu.
– Comment, selon vous, expliquer l’absence d’une répression policière et militaire brutale de ce mouvement comme a eu lieu dans certains pays ?
La relation entre l’Etat et la société au Maroc diffère de celle dans d’autres pays arabes et maghrébins bien qu’il y a des ressemblances sur certains points. Au Maroc, continue à exister une société civile qui malgré ses limites et les ruptures qui ont encombré son chemin, elle reste vigilante. Les mouvements sociaux sont restés présents sur la réalité en comparaison avec d’autres pays arabes à l’exception probablement du Liban. En général, les mouvements sociaux sont restés en progression au Maroc comparés au monde arabe. Deuxièmement, le pouvoir au Maroc est dépendant. Il est à l’écoute de ceux qui l’oriente depuis l’étranger. Le pouvoir au Maroc a procédé par deux façons : la sous-estimation du M20 au départ. Dans cette première phase, le discours de « l’exception marocaine » était dominant. Par la suite, ce discours s’est dissimulé et on a procédé à l’emploi de différentes armes pour faire face au Mouvement. Parmi ces armes la répression. Mais bien entendu, le pouvoir n’a pas employé les armes à feu et les cartouches dans la répression des manifestations. Pourquoi ? Parce que le Maroc a des expériences sanglantes auparavant dans ce domaine. Il ne faut pas oublier 1965, 1981, 1990 et 1994, et parce que les expériences du printemps arabe en Egypte et en Tunisie ont montré que la répression sanglante réveille ceux qui sont loin des manifestations.
Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu de répression. Cette dernière a pris différentes formes, notamment celles qui visaient l’isolement des militants. A côté du bâton, l’arme favorite du régime était la propagande et le mensonge. Gramsci disait qu’il y a la répression policière et il y a aussi la répression idéologique. Et la répression idéologique au Maroc s’exerce depuis plusieurs décennies. Elle est entrée en vigueur quand l’opposition était populaire et forte. Cette répression a participé à vider l’opposition de son caractère populaire et de son prolongement dans les couches sociales.
Ainsi, le pouvoir a acquis une ample expérience quant à l’usage de ce type de répression qui passe à travers les médias, la mosquée, l’Ecole et d’autres institutions qui sont des institutions de luttes et qui étaient normalement un espace de production des manifestations et des luttes. Elles sont devenues des institutions de production du repli et du conservatisme. Un autre mécanisme très fort de cette répression est la maitrise et le contrôle des élites, notamment l’élite politique. Cette dernière avait joué un rôle déterminant dans la transformation des mouvements sociaux qui sont devenus, grâce au rôle joué par cette élite à un moment de l’histoire du Maroc, des mouvements pérennes dans le temps. L’histoire nous montre qu’à chaque fois où il y a union entre les élites lumineuses et des classes moyennes et la petite bourgeoisie, cette union permet de dépasser la stagnation. Bien sûr, cette union n’a pas eu lieu au moment du 20 février qui était un mouvement pacifique et qui a payé cher son pacifisme. Ce mouvement est aussi démocratique, lié à la revendication du changement démocratique. Les élites qui n’ont pas joué leur rôle dans l’histoire du M20 seront sans doute sanctionnées brutalement par l’histoire.
– Revenons sur les détails de l’histoire du M20, en particulier l’organisation du mouvement ton rôle au sein du conseil de soutien du M20. Comment ce conseil s’est constitué, quels sont ses rôles et comment a-t-il permis la communication entre les organisations de la société civile, les syndicats, les partis et les acteurs du M20 ?
La naissance du Conseil National pour le Soutien du M20 n’a pas été programmée. J’étais, avec d’autres militants, fondateur du Réseau Démocratique pour la Solidarité avec les Peuples. Nous avons commencé à nous solidariser à travers des sit-in et d’autres actions avec les peuples insurgés en Tunisie, en Egypte, en Libye, etc. Ce réseau a été réactivé puisque en 2005 nous étions déjà solidaires avec 5 personnalités tunisiennes démocratiques qui se sont opposées au régime de Ben Ali en menant une grève de faim. Ainsi, en parallèle avec les sit-in et manifestations de solidarité avec les peuples tunisien et égyptien au début, l’idée du lancement d’un appel du 20 février a commencé à naître chez les jeunes, sur Facebook et chez des jeunes sans appartenance politique ou appartenant à des partis démocratiques. La question a commencé à être posée : comment ça se fait qu’on est solidaire avec les jeunes et les peuples de la Tunisie et d’autres pays arabes, et on oublie des jeunes marocains qui ont commencé à acquiescer des frappes rien que parce qu’ils ont appelé à des manifestations et des marches pacifiques au Maroc.
Ainsi, nous avons organisé une réunion en plein air ouverte devant le parlement 10 jours avant les manifestations du 20 février. Les acteurs étaient des représentants de partis politiques de gauche, notamment l’Alliance de Gauche Démocratique, de syndicats et d’organisations des droits humains. Il y avait aussi des jeunes qui sont aujourd’hui inconnus et qui avaient appelé au début à manifester. Des citoyens et citoyennes ordinaires et indépendants ont participé à cette réunion devant le parlement et ont appelé à la création du Conseil de Soutien du M20. Il s’agissait d’une première réflexion de solidarité avec des jeunes qui ont été touchés par des opérations de diffamation ou encore par des pressions et oppressions policières suite au lancement de l’appel à manifester. Ainsi, nous avions commencé à nous organiser et nous avons créé le 23 février ce Conseil suite aux recommandations de la réunion publique qui a eu lieu devant le parlement.
Notre soutien était en premier lieu médiatique et logistique. Nous avons également appelé à soutenir le mouvement et descendre dans la rue à côté des jeunes. Le défi était de soutenir le mouvement dans ses choix, et tu dois te rappeler très bien que l’un des grands défis du mouvement était son caractère pacifique. Le conseil l’a soutenu contre ceux qui croyaient à la violence pour façonner le mouvement. Ce scénario qui visait d’identifier le mouvement dans une case de violence à été préparé mais nous avons vu que le ministère de l’intérieur à lui-même déclaré qu’il est contre les éléments opposés au mouvement et qui visait l’introduction du M20 dans la violence. Ce ministère a lui-même fini par déclarer que les actes de vandalisme qui ont eu lieu dans certaines régions n’ont rien avoir avec le M20.
La réussite du mouvement tant sur le nombre des manifestants lors des mobilisations et tant sur l’expression des revendications adoptées, des revendications démocratiques et touchant les côtés économique, social, culturel, etc. a permis au Maroc d’accéder aux transformations que connait la région. A ce moment là, la minute égalait le jour d’aujourd’hui. La rue bouillonnait au Maroc, dans toutes les régions. Personne ne pouvait compter et mesurer les mouvements qui ont eu lieu au Maroc pendant ce moment. Tous les jours se passait des choses, les événements s’intensifiaient dans la région arabe : Tunisie, Egypte, le Yémen, le Bahreïn, la Libye, l’Algérie également… le Maroc a adhéré à ce mouvement général. Au fur et à mesure du temps, un déclin du rythme commence à avoir lieu.
– Avant de parler du déclin, est-ce que le Conseil de Soutien du M20 a joué un rôle d’organisation du mouvement ? A-t-il participé à son orientation ? est-ce que le Conseil avait les capacités d’intervenir dans les différentes sections dans tout Maroc ?
On peut dire sans hésitation que le Conseil était adhérent au mouvement. Mais, en tant qu’instance, nous avons essayé toujours de nous éloigner de l’orientation. Cela parce que nous savons que les Coordinations créées par les jeunes, avec leur enthousiasme et leur volonté d’action, n’allaient pas accepter des orientations de quiconque. Mais, nous ne pouvons pas dire en même temps que les coordinations du 20 février étaient coupées du Conseil de soutien pou la simple raison que des jeunes qui composaient ces coordinations appartenaient à des organisations et donc avaient leurs représentants au sein du Conseil. Ainsi, les choses sont liées entre elles de manières indirectes. Mais nous avons toujours oeuvré pour dissocier le soutien du mouvement et son orientation vers des formes prédéfinies. Dans un deuxième temps, nous avons résisté contre l’ « enterrement » du mouvement et les thèses anti-mouvement. Enfin de compte, le mouvement n’est pas une marchandise, il est lié à la mouvance de la société, les hauts et les bas de la lutte démocratique au Maroc. Il est lié à la conscience de larges couches de la société ainsi qu’aux évolutions du contexte régional et international.
– Comment vous expliquez le repli du mouvement et son incapacité à mobiliser autant de gens aujourd’hui en comparaison avec l’année 2011 ?
Il est normal qu’il y ait aujourd’hui un essoufflement du mouvement. Dire « normal » ne signifie pas d’accepter cet essoufflement. En liaison avec l’appréhension du sens historique du mouvement, et en particulier le côté temporel, il ne faut pas croire que les gens vont rester dans la Rue pendant plusieurs mois. Cela on le voit même dans les pays qui ont connu des révolutions, en particulier l’Egypte et la Tunisie. Mais, ce qui s’est passé c’est qu’il y a plusieurs interventions à l’intérieur du mouvement et à l’extérieur qui poussent vers un déclin temporaire du mouvement. Mais, ce mouvement a posé quelque chose de central : c’est que le Maroc a besoin de changement. Au sein du mouvement, il y a ceux qui oeuvrent par toutes leurs forces et continuent à croire que le changement est lointain mais possible. Mais malheureusement il y a ceux qui sont tombés dans le piège d’une fausse interprétation stipulant que le mouvement n’a plus de rôle à jouer et n’a pas de raison pour continuer à exister tant qu’il n’a pas réussi à imposer toutes ses revendications pendant les premiers mois. Cela a conduit certains à s’éloigner ou baisser leur participation. Cet essoufflement est lié également à des facteurs extérieurs.
Il ne faut pas oublier qu’à chaque fois que la violence augmente dans la région du Maghreb et la région arabe, les manifestations tendent à baisser et diminuer au Maroc. Sur le terrain, nous avons bien senti cela. La guerre en Libye, et la transformation vers une révolution armée, je mets ici révolution entre parenthèse, a fait que des tranches de la société craignent que le Maroc aura le même sort. La crise du Yémen et le renouvellement continue de cette crise a aussi influencé sur le Maroc. Ce qui s’est passé au Bahreïn également avait une influence. Mais c’est surtout l’intervention étrangère de l’OTAN en Libye et la lecture faite de tous cela à travers des angles différents a fait que les gens ont commencé à revoir la forme d’imposer le changement préconisé par le mouvement. Et donc revoir l’idée des manifestations continues dans la rue. Les transformations et l’évolution de la situation en Syrie est revenue pour imposer le même calcul à l’intérieur du mouvement. Ceux qui craignent la contamination du Maroc par la violence et l’ingérence étrangère ont réévalué leurs positionnements et sont devenus réticents.
Or, ces personnes ont oublié que le Maroc est différent. Bien qu’il ait des interactions, il diffère du fait de l’histoire de son opposition forte et solide. Une opposition qui, depuis sa création, avait évacuée le choix armé en faveur du choix démocratique, malgré le fait qu’il y a eu certaines périodes où le choix armé et les putschs ont été adoptés. Mais ce sont des moments très brefs. Le choix de la lutte démocratique est devenu une culture non seulement de l’opposition mais de tout le pays. Certains tendent à oublier cela. La preuve de l’adoption de la vision pacifique et démocratique est le M20 lui-même. Personne n’a réussi à pousser ce mouvement vers l’extrême, même ceux qui adoptent une vision extrême au sein du mouvement, ils ont échoué. Cela est oublié par certains. Mais l’influence des médias et de la propagande implicite était efficace. Et nous le savons bien, le régime a construit un énorme appareil de propagande qui dépasse les seuls petits Mokadems, Cheikhs et les petits informateurs. Cet appareil a besoin d’être étudié afin de le décomposer et le comprendre. Bien entendu, le régime tunisien était précurseur dans la fondation de cet appareil, et les tunisiens ont réussi à la dissoudre. Ce qui renforce cet appareil étatique au Maroc, c’est l’hésitation et l’éloignement de l’analyse logique, la lecture de l’histoire dans son instantanéité et la compréhension de l’actualité de la part d’une grande partie de l’élite marocaine. Tout cela a participé aussi à ne pas faire bouger les choses comme il le faut, c’est-à-dire vers le changement pacifique et démocratique. Dans ce cadre, il ne faut pas oublier que la majorité, ou disant plusieurs parties de cette élite ont été achetées, et avaient vendu son âme avant le 20 février et cela depuis plusieurs années.
– Est-ce qu’on pourrait dire que le M20, au moins dans sa forme du départ, est mort ou bien un renouveau est entrain de se produire au sein de ce même mouvement ?
Le mouvement est un prolongement de la réalité. Il est également un prolongement du rêve des jeunes et des démocrates. Ce rêve et cette réalité ne peuvent être interdits d’évoluer ou être mis dans une photographie limitée. Sans doute, bien que le mouvement ne continue pas sous sa forme actuelle, il aura d’autres prolongements. Ces prolongements, on peut les remarquer dès maintenant. Déjà, il faut observer ce que le M20 a réalisé jusqu’aujourd’hui pour pouvoir évaluer son action. Le M20 a introduit une règle centrale : le droit de manifester au Maroc ne doit plus rester comme avant la date du 20 février susceptible de répressions sauvages et d’interdiction. Le M20 a montré que les revendications du peuple marocain sont unifiées contrairement à ce qu’elles étaient auparavant. Il a relié entre les revendications politiques (la démocratie, la monarchie parlementaire), économiques (la redistribution des richesses, la chute de la fraude), sociales (la suppression des inégalités, la réforme des services sociaux) et d’autres revendications (l’égalité, la dignité, etc.). Il y a une liaison entre 20 revendications. Ce n’est pas chose facile pour que les jeunes rassemblent et unifient entre ces 20 revendications dans leur charte fondatrice. Aujourd’hui au Maroc, chaque protestataire se base sur ces 20 revendications conçues par le M20.
Dorénavant, dans les douars et les patelins lointains au Maroc, les protestataires font le lien entre la revendication du droit à l’eau et celle d’une gestion meilleure de la chose publique. Cette liaison est devenue chose normale. Bien sûr, cela nécessitera un temps pour sa compréhension. Mais, il a été bien conçu par le M20. Le M20, également, a montré que les jeunes sont en plein politique. Et je te rappelle qu’avant le M20, certains affirmaient que ces jeunes n’étaient que des gamins qui ne pourraient… Le M20 a démontré que ces jeunes reculaient devant une certaine politique, la politique makhzanienne, la politique servant le Makhzen, la politique dans laquelle la société sert l’Etat, alors que c’est bien l’Etat qui doit servir la société. Le M20 a montré que ces jeunes sont une partie de l’avenir, ils ont sidéré les observateurs par leurs capacités à prendre en compte les moments lumineux de l’histoire et la rénover pour effectuer une liaison avec l’avenir. Ces jeunes ne se sont pas précipités comme l’élite qui a laissé couler sa salive pour les miettes qu’on lui a présentées. Ces jeunes, quand ils ont compris que le changement nécessite plus de temps, ils sont entrés dans son processus. Le M20 a montré que tout mouvement de changement au Maroc, aujourd’hui comme dans l’avenir, est lié aux femmes et aux hommes et à l’égalité entre eux. Leurs contributions sont égales, et l’égalité doit être formulée par les deux côtés. Cela n’est pas simple, il est lié à un changement profond dans la société marocaine, et en particulier chez les jeunes qui, eux, conservent l’avenir. Ce sont des points parmi plusieurs d’autres qui sont instaurés par le M20.
Bien sûr, ceux qui sont contre le changement, la démocratie et le M20 vont minimiser tous ces apports. Ils vont considérer que ce qui s’est passé au Maroc est un moment de dérapage. Cela après qu’ils ont, en leur fin fond, reconnu l’apport considérable du M20. Plusieurs contradictions montrent cela. Je te renvoie au discours officiel qui a été présenté dernièrement à ce qu’ils ont appelé « la rencontre des amis de la Syrie ». Ce discours officiel a reconnu que « les jeunes de la Syrie méritent la démocratie, etc. », alors donc, comment vous osez parler des jeunes de la Syrie par cet esprit positif, et vous oubliez que vous vous êtes affronté aux jeunes marocains avec toutes les formes de répression et de propagande mensongère pour la seule raison qu’ils ont scandé des slogans démocratiques et de changement. L’itinéraire de l’histoire donnera raison au M20. Et cet itinéraire ne va pas être appréhendé par tout le monde dans une période donnée, notamment par ceux qui profitent de la situation de crise et de la dégradation sociale et économique actuelle. A travers le M20, les marocains ont réussi à savoir que ceux qui profitent de la fraude, profitent également du despotisme. Avant, on arrivait difficilement à faire la liaison entre ces deux éléments.
Cette contradiction nécessite une recomposition enfin de compte. La situation ne peut perdurer ainsi. Le M20, alors, a réalisé plusieurs résultats dans la réalité, même si toutes les revendications ne sont pas encore satisfaites.
87 Le fils de Khalid Naciri, ex ministre de la communication….