Entretien avec Emilie Plégat – réalisé le 25 février
Profil :
23 ans
Etudiante en master de marketing et de gestion à l’université de Lille.
Connaissez-vous le web-documentaire ?
Non je ne connais pas le web-documentaire.
Avez-vous du moins une idée de ce que cela peut être ?
Certainement un style particulier de documentaire. C’est du documentaire papier, non ? En réalité je suis influencé parce que je suis en train de réaliser un document en ligne sur google.doc. Donc j’ai la sensation que le web-documentaire doit s’apparenter à quelque chose du même genre.
Consommez-vous régulièrement du documentaire historique ?
Régulièrement. Néanmoins, c’est toujours en replay parce que je regarde peu la télévision.
Observation :
Elle lance le web-documentaire en version plein écran. « Est-ce que c’est normal qu’on puisse pas descendre ? » Une nouvelle fois, l’internaute ne s’imagine pas qu’il doit ajuster la taille de l’écran alors qu’il vient d’adopter pour le mode plein écran. Elle faisait glisser la souris sur les onglets du haut de page puis s’est rendu compte de l’impossibilité de déplacer le curseur vers le bas.
Elle entame la lecture du texte (en suivant les mots avec le curseur) puis lance la vidéo. Il est intéressant de voir en quoi la souris est le prolongement de la main. Avec le curseur, elle regarde combien de temps va durer la vidéo. Cette prise d’information témoigne d’un habitus de la lecture de vidéo sur internet. La dimension temporelle est essentielle sur internet tant l’internaute est labile.
Elle voit que la vidéo arrive à son terme (puisqu’elle a laissé la souris sur la vidéo). Ainsi elle clique sur ”Entrer dans la manifestation”. Après la lecture du texte (encadré illustré par des dessins de BD), elle ferme la fenêtre.
Ensuite elle va directement vers le chapitre 2 par l’onglet du haut. Elle lit le texte de présentation puis ferme l’encadré pour accéder au deuxième chapitre. Ensuite, elle se lance dans la lecture du texte qui accompagne la première vidéo du chapitre. Sans lire la vidéo, elle clique sur l’icône représentant la carte. « Putain mais tu peux passer ta vie sur ce site ». Cette réaction spontanée témoigne d’une prise de conscience de l’ensemble du contenu présent sur ce web-documentaire.
Cette prise de conscience est rendue possible par un mode lecture particulier qui rompt avec celui de Anne-Marie. Emilie a semblé adopter une stratégie qui consiste à parcourir rapidement l’ensemble du web-documentaire sans s’attarder sur les vidéos. Cette stratégie représente l’intérêt de se forger une vision globale du site. Un tel comportement est conditionné en partie par une culture de l’internet et de ses pratiques que Anne-Marie ne possédait pas. Cette dernière naviguait sur le web-documentaire selon des repères et des codes imprégnés et dictés par la télévision.
Emilie navigue sur la carte quelques secondes puis passe directement au troisième chapitre. Une nouvelle fois, elle lit le texte avant de fermer l’encadré.
Afin de lire le texte de contextualisation, elle sélectionne le texte. Puis elle clique sur la date ”décembre 1958” de le frise. Elle lit le texte puis clique sur une autre date sans lire la vidéo. Elle réitère la même opération pour chacune des dates : elle lit seulement le texte. Après la découverte de l’ensemble des dates, elle clique sur l’icône ”lexique”. « Quitte à mettre un lexique, autant mettre des liens vers lui. » Cette réaction sur l’organisation du contenu témoigne encore d’une certaine culture d’internet, la culture du lien et du signe passeur. Puis elle se dirige vers les archives. « Boula ! » Elle s’exclame lorsqu’elle clique sur le rapport en faisant un mouvement de tête vers l’avant parce que le texte est beaucoup trop petit pour la lecture. Au cœur de ces archives, elle se dirige vers le site ”top secret”. Après quelques secondes, elle « revien[t] en arrière. » Elle se dirige vers le chapitre 4, lit le texte d’introduction puis revient sur le chapitre 3. « Parce qu’il y a un truc que j’ai pas regardé » Elle tente de le retrouver en cliquant sur différentes dates. En ouvrant le lien ”8 mai 1945” elle réagit : « Ah oui c’est ça ! » Elle lit ensuite le texte de contextualisation de la vidéo. Elle avait oublié de cliquer sur l’onglet ”massacre des civils” accolé à la frise chronologique. Elle réitère le même parcours de lecture (lecture simplement du texte avec le curseur en passant date par date) de la frise pour les dates concernant les massacres de civils. « Pourquoi il n’y a pas un onglet sur la date du 17 octobre 1961 sur la frise ? Je voulais un petit résumé de ça mais il n’y en a pas, c’est vraiment embettant. » Puis elle reprend les dates et s’arrête à celle de juillet 1962 et retourne au chapitre 4 où elle lit simplement le texte de la vidéo avant de fermer le web-documentaire.
Elle utilise une stratégie très particulière fondée sur deux caractéristiques :
– lecture exclusive de textes
– lecture transversale avec des retours en arrières.
Entretien post-observation
Quelle est votre première impression ?
Dommage qu’il n’y ait pas de résumé. J’ai pas envie de regardé toutes les vidéos alors j’aurais préféré une vidéo qui résume tout. A vrai dire j’ai pas bien regardé parce que le sujet ne m’intéressait pas vraiment.
Comment vous expliquez que vous n’ayez lu aucune vidéo ?
Je n’ai pas visionné les vidéos de l’INA notamment parce que les durées ne sont pas indiquées. Je pensais trouver un résumé suffisant en lisant simplement le texte. Si les vidéos n’avaient duré qu’une minute, je me serais lancé dans la lecture.
A quoi avez-vous été sensible au sein de ce webdoc ?
Les petites bande-dessinées d’introduction sont intéressantes. Le problème c’est que c’est une lecture très saccadée étant donné que ce ne sont pas des résumés (les bd) des vidéos. La lecture n’est donc pas rendue fluide par ces encadrés.
Les vidéos témoignage sont aussi beaucoup trop longues et l’enchaînement n’est pas forcément visible. Notamment l’icône au bas droit de la page. C’est la même chose pour la frise où les deux rubriques ne sont pas assez visibles (celle sur les massacres de civils.)
Si le sujet avait davantage suscité votre intérêt, auriez-vous lu les vidéos ?
Seulement les vidéos du troisième chapitre parce que c’est de l’histoire. Alors que les témoignages, c’est toujours la même chose.
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