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Annexe 6 : Extrait du Traité de Lisbonne

Le traité de Lisbonne

II. LE CONTENU DU TRAITÉ DE LISBONNE

A. LE MAINTIEN DE L’ORIGINALITÉ DU PROJET EUROPÉEN

1. Un traité « classique »

Le nouveau traité a été signé le 13 décembre 2007 à Lisbonne, sous présidence portugaise de l’Union Européenne.

Le Traité de Lisbonne marque l’abandon d’une ambition « constitutionnelle » qui, en semblant ouvrir la voie vers un certain fédéralisme, avait contribué aux rejets français et néerlandais.

Contrairement au Traité Constitutionnel, qui visait à substituer un texte nouveau aux traités existants, le Traité de Lisbonne revient à la méthode traditionnelle de révision des traités précédents. Il amende deux traités : le Traité sur l’Union Européenne (TUE) et le Traité instituant la Communauté Européenne (TCE), rebaptisé «Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne » (TFUE). Concernant la forme, il se situe donc dans la continuité des traités « modificateurs », comme celui d’Amsterdam ou de Nice.

L’abandon de toute référence à la notion de « Constitution » ainsi que la suppression des appellations nouvelles telles que « ministre des Affaires étrangères », « lois » ou « lois-cadres », l’élimination des symboles de l’Union (drapeau, hymne, devise) ne change rien au fond des réformes mais traduisent la volonté de la Grande-Bretagne et des nouvelles démocraties de l’Est de s’opposer à une évolution fédérale de l’Union.

Le Traité de Lisbonne ne comporte que sept articles. L’article 1er contient les modifications apportées au Traité sur l’Union Européenne (TUE). L’article 2 regroupe les modifications relatives au Traité instituant la Communauté Européenne, et son article 4 celles afférentes aux protocoles annexés aux traités. Les articles 3, 5, 6 et 7 reprennent les dispositions finales. Il est complété par une dizaine de protocoles, une soixantaine de déclarations communes et de déclarations unilatérales d’Etats membres. L’ensemble fait plus de 300 pages qui ne sont intelligibles que si on rapproche les amendements inscrits dans le Traité des textes antérieurs qu’ils modifient.

Le traité regroupe des clauses de portée générale, concernant les objectifs et les valeurs de l’Union Européenne et le dispositif qui réforme les institutions de l’Union. Il contient des dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, qui conserve son caractère intergouvernemental, alors que la coopération policière et judiciaire en matière pénale relève désormais de votes à la majorité qualifiée.

L’article 6 du Traité de Lisbonne prévoit qu’il entrera en vigueur le 1er janvier 2009, à condition que tous les Etats membres aient déposé à cette date leurs instruments de ratification ou, à défaut, le premier jour du mois suivant le dépôt des instruments du dernier Etat membre ayant procédé à cette formalité.

2. Les orientations générales

Le Traité de Lisbonne contient un certain nombre de dispositions visant à accentuer le sens européen du texte.

a) Le préambule du traité

Le préambule du traité inclut une référence aux « héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe ».

b) Les valeurs de l’Union

Le nouvel article 2 rappelle les valeurs sur lesquelles est fondée l’Union Européenne : le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’État de droit, le respect des minorités.

Cette dernière mention, ajoutée à la demande de la Hongrie, aurait pu soulever des difficultés d’ordre constitutionnel en France, au regard du principe d’indivisibilité de la République et d’unicité du peuple français. Tel n’a pas été le cas dans la mesure où il ne s’agit pas d’un droit collectif, mais de droits individuels des personnes appartenant à des minorités.

Le même article prescrit l’égalité entre les femmes et les hommes, principe également visé à l’article 8 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, qui fait de la promotion de l’égalité entre sexes une « clause transversale » applicable à l’ensemble des politiques et des actions de l’Union.

Le respect de ces valeurs et l’engagement à les promouvoir constituent l’une des conditions d’adhésion à l’Union Européenne. Leur violation peut entraîner le déclenchement d’un mécanisme de sanction pouvant aller jusqu’à la suspension de vote de l’Etat contrevenant au Conseil des Ministres.

c) Les objectifs de l’Union

Les objectifs de l’Union, énoncés à l’article 3, sont définis en des termes beaucoup plus larges.

Ces objectifs comprennent désormais :

– l’« économie sociale de marché » ;
– la lutte contre l’exclusion sociale et les discriminations, la justice sociale, la solidarité entre les générations, la protection des droits de l’enfant ; – la cohésion territoriale ;
– la promotion du progrès scientifique et technique ;
– le respect de la diversité culturelle et linguistique, la sauvegarde et le développement du patrimoine culturel ;
– dans les relations extérieures, ils incluent le développement durable de la planète, la solidarité entre les peuples, le commerce libre et équitable, l’élimination de la pauvreté et la protection des droits de l’Homme, en particulier de ceux de l’enfant.

Ces dispositions, qui figuraient dans le Traité Constitutionnel, ont été reprises.

Le Traité de Lisbonne comporte trois changements, dont deux, politiquement significatifs, ont été introduits à la demande de la France :

– Le premier concerne la mention de la « concurrence libre et non faussée ». Celle-ci ne figure plus parmi les objectifs de l’Union.

La France a entendu par là souligner que la concurrence n’est pas une fin en soi, mais un moyen au service d’objectifs plus généraux, comme la croissance, l’emploi, le développement durable ou la cohésion économique, sociale et territoriale. Cette précision, politiquement significative, ne modifie pas, il est vrai, les dispositions des traités en matière de concurrence. Un protocole annexé au Traité de Lisbonne (n° 6) à la demande de la Grande-Bretagne rappelle d’ailleurs que « le marché intérieur tel qu’il est défini à l’article 3 du traité sur l’Union Européenne comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée », et qu’à cet effet l’Union« prend, si nécessaire, des mesures dans le cadre des dispositions des traités ».

La portée du nouveau texte dépendra de l’interprétation qu’en feront les institutions de l’Union, en particulier la Commission Européenne et la Cour de Justice.

– Le deuxième changement concerne un nouvel objectif : le devoir, pour l’Union, de contribuer à la « protection » de ses citoyens.

On se souvient des inquiétudes qui s’étaient exprimées lors du débat référendaire au sujet des délocalisations et, plus généralement, de la concurrence exercée par des pays ne respectant pas les normes sociales et environnementales en vigueur dans l’Union.

La portée de ce changement dépendra, elle aussi, de l’application qu’en feront les institutions de l’Union.

– Enfin, le texte précise qu’il établit « une Union économique et monétaire dont la monnaie est l’euro », soulignant ainsi la vocation de l’Euro à devenir la monnaie de tous les Etats membres de l’Union.

3. La Charte des droits fondamentaux

La Charte des droits fondamentaux, qui avait été « proclamée » lors du Conseil Européen de Nice, en décembre 2000, reçoit une valeur juridiquement contraignante, mais, contrairement au Traité Constitutionnel, elle n’est pas reprise dans le texte du traité qui se contente d’y faire référence.

Le nouvel article 6 du Traité sur l’Union Européenne précise que « l’Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux (…) laquelle a la même valeur juridique que les traités ».

Le respect des droits et des principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux s’imposera donc aux institutions, organes ou agences de l’Union, ainsi qu’aux Etats membres lorsqu’ils mettent en oeuvre le droit de l’Union.

Toutefois la Charte ne sera pas opposable au Royaume-Uni et à la Pologne, qui bénéficient d’une dérogation inscrite dans un protocole annexé au traité (n° 7).

Enfin, une déclaration (n° 29) précise que « la Charte n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelle pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies par les traités ».

La Charte des droits fondamentaux a été à nouveau « adoptée » le 12 décembre 2007 par le Conseil, la Commission Européenne et le Parlement Européen, et elle a été publiée au Journal officiel de l’Union Européenne en date du 18 décembre 2007.

L’article 6 du Traité sur l’Union Européenne stipule que les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, conclue dans le cadre du Conseil de l’Europe, en 1950, et tels qu’ils résultent des « traditions constitutionnelles communes aux États membres » font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux du droit.

Le Traité de Lisbonne prévoit explicitement la possibilité pour l’Union d’adhérer à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Une déclaration (n° 1) et un protocole (n° 5) annexés au traité précisent que l’accord relatif à cette adhésion devra préserver les caractéristiques spécifiques de l’Union et du droit de l’Union et qu’elle n’affectera ni les compétences de l’Union, ni ses attributions.

Cette adhésion devra être décidée par le Conseil statuant à l’unanimité, être approuvée par le Parlement Européen, et être ratifiée par le Parlement de chaque Etat membre.

4. La vie démocratique

a) La définition de la citoyenneté européenne

Le Traité de Lisbonne ne modifie pas les droits attachés à la citoyenneté européenne, introduite dans le droit européen par le Traité de Maastricht.

Le projet initial de la Conférence intergouvernementale écartait la nouvelle définition de la citoyenneté européenne figurant dans le Traité Constitutionnel : « est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un Etat membre. La citoyenneté de l’Union s’ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas ». Mais à la demande du Parlement Européen, cette définition a été réintroduite à l’article 9 du Traité sur l’Union Européenne.

b) Le droit d’initiative citoyenne

Le Traité de Lisbonne reconnaît le droit « pour les citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’Etats membres, de prendre l’initiative d’inviter la Commission Européenne, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités ».

Toutefois, ce droit d’initiative citoyenne ne remet pas en cause le monopole d’initiative de la Commission Européenne, qui peut refuser de donner suite à une demande des citoyens.

Les modalités de l’exercice du droit d’initiative seront définies par voie de règlement, adopté par le Conseil statuant à la majorité qualifiée, en codécision avec le Parlement Européen.

5. Le maintien du caractère « sui generis » de l’Union

Ayant dépassé le stade de la confédération, sans pour autant avoir atteint celui de la fédération, l’Union Européenne, « fédération d’Etats-Nations » pour reprendre l’oxymore forgé par Jacques Delors, demeure une construction originale et sans équivalent

L’équilibre entre les deux dimensions, communautaire et intergouvernementale, de l’Union, n’est pas modifié par le Traité de Lisbonne.

Si certaines dispositions renforcent la logique « communautaire », comme la reconnaissance de la personnalité juridique de l’Union Européenne ou la suppression des « piliers », l’élection de la Commission et de son Président par le Parlement Européen, d’autres dispositions confirment la nature intergouvernementale de l’Union. Il en est ainsi des dispositions concernant la politique étrangère et de sécurité commune, l’affirmation du principe du respect des identités nationales ou encore l’introduction d’un droit de retrait volontaire de l’Union et l’allongement à deux ans et demi du mandat du Président du Conseil Européen.

a) La reconnaissance de la personnalité juridique de l’Union Européenne

Le Traité de Lisbonne confère à l’Union la personnalité juridique.

L’Union pourra désormais devenir membre des organisations internationales, ester en justice ou conclure des accords internationaux dans l’ensemble du champ de ses compétences.

Toutefois, la déclaration n° 32 précise que « le fait que l’Union Européenne a une personnalité juridique n’autorisera en aucun cas l’Union à légiférer ou à agir au delà des compétences que les Etats membres lui ont attribuées dans les traités ».

b) La suppression des « piliers »

La structure en trois « piliers » introduite par le Traité de Maastricht est abolie. Ne subsiste que la Communauté européenne de l’énergie atomique (ou « Euratom »).

La suppression de la structure en « piliers » n’entraîne pas, pour autant, la « communautarisation » de la politique étrangère et de sécurité commune dont le caractère intergouvernemental est souligné par le fait que les dispositions relatives à ces matières figurent non pas dans le Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne mais dans le Traité sur l’Union Européenne.

S’agissant de la coopération policière et de la coopération judiciaire en matière pénale, elles sont intégrées dans le régime communautaire de droit commun. Toutefois le Traité de Lisbonne maintient certaines spécificités, notamment un droit d’initiative partagé entre la Commission Européenne et les Etats membres, une « clause d’appel » au Conseil Européen et reconnaît un rôle particulier aux Parlements nationaux dans ces domaines.

c) Le principe de primauté du droit de l’Union

Contrairement au Traité Constitutionnel, la primauté du droit de l’Union sur le droit interne n’est plus explicitement inscrite dans le Traité de Lisbonne.

Toutefois, une déclaration (n° 17) rappelle que « selon une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l’Union Européenne, les traités et le droit adopté par l’Union sur la base des traités priment le droit des Etats membres, dans les conditions définies par ladite jurisprudence ».

En outre, est annexé au traité un avis du service juridique du Conseil précisant que « le fait que le principe de primauté ne soit pas inscrit dans le futur traité ne modifiera en rien l’existence de ce principe ni la jurisprudence en vigueur de la Cour de Justice ».

d) Le respect des identités nationales

Le principe de respect des identités nationales reçoit une formulation plus détaillée à l’article 4 du Traité sur l’Union Européenne.

Cet article dispose que « l’Union respecte (…) l’identité nationale des Etats membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale. Elle respecte les fonctions essentielles de l’Etat, notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale. En particulier, la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque Etat membre ».

6. Les compétences

Le Traité de Lisbonne reprend la classification des compétences qui figurait dans le Traité Constitutionnel et renforce la portée du principe de la répartition des compétences entre l’Union et les Etats membres.

a) Le principe d’attribution des compétences

Le nouvel article 5 du traité sur l’Union Européenne dispose que « l’Union n’agit que dans les limites des compétences que les Etats membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent ». Il énonce aussi que « toute compétence non attribuée à l’Union dans les traités appartient aux Etats membres ».

Un protocole (n° 8) annexé au traité sur l’exercice des compétences partagées entre l’Union et les Etats membres précise que « lorsque l’Union mène une action dans un certain domaine, le champ d’application de cet exercice de compétence ne couvre que les éléments régis par l’acte de l’Union en question et ne couvre donc pas tout le domaine ».

Le traité opte pour une interprétation stricte de la répartition des compétences afin de limiter, voire de stopper, l’extension non maîtrisée des compétences de l’Union et aussi pour marquer que certaines compétences peuvent être restituées aux Etats.

b) Le classement des compétences

Le traité distingue trois grandes catégories de compétences de l’Union :

– les compétences exclusives : les Etats membres ont pour seul rôle de mettre en oeuvre les actes de l’Union, à moins qu’ils ne reçoivent une habilitation de celle-ci pour adopter eux-mêmes certains actes ;
– les compétences partagées : les Etats membres sont compétents pour tout ce que l’Union n’a pas décidé de régler elle-même ;
– les compétences d’appui : l’Union ne peut intervenir que pour soutenir, coordonner ou compléter l’action des Etats membres, sans pouvoir exercer un rôle législatif, ni limiter leurs compétences.

Deux cas particuliers doivent être mentionnés :

– la coordination des politiques économiques et de l’emploi : l’Union dispose d’une compétence lui permettant de définir les modalités de cette coordination ;
– la politique étrangère et de sécurité commune, dont le régime est spécifique.

c) Le caractère réversible de l’attribution des compétences

La possibilité de restituer des compétences aux Etats membres est spécifiée dans une nouvelle rédaction de l’article sur la révision des traités (article 48 du traité) qui précise que cette révision peut avoir comme objet aussi bien d’accroître que de réduire les compétences de l’Union.

Elle figure également dans une déclaration (n° 28), qui mentionne la possibilité pour le Conseil de demander à la Commission d’abroger un acte législatif, notamment en vue de mieux garantir le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité.

LES CATÉGORIES DE COMPÉTENCES

* Les domaines de compétence exclusive :

– l’Union douanière
– l’établissement des règles de concurrence
– la politique monétaire pour les Etats membres dont la monnaie est l’euro
– la conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche
– la politique commerciale commune

* Les domaines de compétence partagée

– le marché intérieur
– la politique sociale
– la cohésion économique, sociale et territoriale
– l’agriculture et la pêche
– l’environnement
– la protection des consommateurs
– les transports
– les réseaux transeuropéens
– l’énergie
– l’espace de liberté, de sécurité et de justice
– les enjeux communs en matière de santé publique

* Les domaines de compétence d’appui

– la protection et l’amélioration de la santé humaine
– l’industrie
– la culture
– le tourisme
– l’éducation et la jeunesse
– le sport
– la formation professionnelle
– la protection civile
– la coopération administrative

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