Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 13 mars 2007
N° de pourvoi: 06-85422
Non publié au bulletin
Rejet
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l’article 2 du code de procédure pénale, de l’article 1384, alinéa 5, du code civil, de l’article 1382 du même code et violation du principe sur lequel un employeur est seul responsable des conséquences civiles d’une infraction reprochée à son préposé, qui agit dans le cadre de ses missions, ensemble violation des articles 3 et 5 de la loi n° 69-8 du 3 janvier 1969 relative à l’armement et aux ventes maritimes :
“en ce que l’arrêt attaqué a déclaré notamment Jean-Pierre X… solidairement responsable des conséquences dommageables de l’accident avec l’armement, Jean-Pierre X… en sa qualité de préposé dudit armement ayant été condamné solidairement à payer aux victimes les sommes fixées par le jugement pour la réparation de leurs préjudices moraux avec intérêts de droit courant à compter de la date dudit jugement ;
“aux motifs que les consorts Y… sont recevables, en qualité d’ascendants et frères et soeurs de la victime décédée à se constituer partie civile sur les poursuites exercées par le ministère public ; que, sur le fond, il est établi par les pièces produites aux débats et non discutées ni par Jean-Pierre X… ni par la SAP Jego-Quere, intervenant en qualité de civilement responsable, que les parties civiles n’ont pas perçu consécutivement à l’accident survenu alors que la victime était au service du navire, de rente en application des articles L. 434-1 et suivants du code de la sécurité sociale, leur conférant, au sens des articles L. 451-1 et suivants du même code et du décret-loi du 17 juin 1938 la qualité d’ayants droit ;
“aux motifs encore que les parties civiles sont fondées à exercer l’action en réparation du préjudice découlant de l’infraction conformément au droit commun devant la juridiction pénale ; que, suivant les règles édictées par les articles 3 et 5 de la loi n° 69-8 du 3 janvier 1969, le capitaine répond de toutes fautes commises dans l’exercice de ses fonctions et l’armateur répond, dans les termes du droit commun, de ses préposés terrestres et maritimes au premier rang desquels, le capitaine ; qu’il en résulte que la faute non intentionnelle commise par le patron Jean-Pierre X…, dans l’exercice de ses fonctions, et en qualité de préposé de l’armement, engage la responsabilité civile de la SAP Jego-Quere en sa qualité d’armateur et de commettant, conformément aux règles prévues par l’article 3 susvisé et par l’article 1384, alinéa 5, du code civil ; que, de même, conformément aux principes énoncés à l’article 5 de la loi sus rappelée, la faute caractérisée de négligence commise par Jean-Pierre X… dans l’exercice de ses fonctions de capitaine du navire, engage sa responsabilité civile personnelle ; qu’en conséquence et en application de ces textes, la responsabilité civile de l’armateur en sa qualité de commettant n’a pas pour effet d’exonérer son préposé Jean-Pierre X… des conséquences de sa responsabilité civile personnelle, cependant que ce dernier avait du fait de sa fonction et de sa qualité de représentant de l’armateur à bord, le pouvoir de faire remédier à la défectuosité du matériel et, en sa qualité de préposé, l’obligation d’informer la SAP Jego-Quere de la non-conformité du dispositif de protection, en sorte qu’il convient de retenir la responsabilité civile et solidaire de la SAP Jego-Quere et de Jean-Pierre X… pour réparer les conséquences du dommage à l’égard des ayants droit de la victime ;
“alors que, d’une part, si le capitaine répond de toute faute commise dans l’exercice de ses fonctions aux termes de l’article 5 de la loi n° 69-8 du 3 janvier 1969 relative à l’armement, aux termes de l’article 3, l’armement répond de ses préposés terrestres et maritimes dans les termes du droit commun ; qu’en l’état du droit positif la faute non intentionnelle commise par un patron pêcheur dans l’exercice de ses fonctions et en qualité de préposé de l’armement engage la responsabilité civile exclusive de l’armement conformément aux règles prévues par l’article 3 de la loi n° 69-8 relative à l’armement et par l’article 1385, alinéa 5, du code civil ;
qu’en jugeant le contraire en croyant pouvoir tirer argument de l’article 5 de la loi n° 69-8 de la loi précitée du 3 janvier 1969, la cour viole par refus d’application l’article 3 de ladite loi, ensemble l’article 1384, alinéa 5, du code civil tel qu’il doit être appliqué ;
“alors que, d’autre part, en toute hypothèse, il ressort du droit commun de la responsabilité civile qui devait recevoir application, en l’espèce, en l’état de l’article 3 de la loi n° 69-8 du 3 janvier 1969 relative à l’armement, que c’est l’employeur qui voit seul sa responsabilité civile retenue et non le salarié lorsque ce dernier agit dans le cadre de son contrat de travail et dans ses limites précises ; que Jean-Pierre X…, dans ses conclusions d’appel, délaissées sur ce point, insistait sur le fait que jamais personne n’a un seul instant mis en doute qu’il est toujours resté dans les limites de son contrat de travail ; qu’il est constant que, lorsqu’il statue sur l’action civile, le juge pénal met en oeuvre les règles et principes qui gouvernent la responsabilité civile, une solution différente ne pouvant se justifier que s’il existait une disposition spéciale posant un principe que l’auteur d’une infraction serait toujours personnellement responsable sur le plan civil, du dommage qu’il a causé, fut-il préposé ; or, aucun texte n’énonce un tel principe ainsi que cela a été soutenu dans les écritures, l’article 5 de la loi du 3 janvier 1969 étant totalement neutre par rapport à la responsabilité civile du préposé ; qu’en jugeant le contraire sans tenir compte de ces données essentielles, la cour viole les textes et principes cités au moyen” ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’un accident du travail ayant entraîné la mort d’un membre de l’équipage est survenu dans le port de Lochinver en Ecosse, après l’accostage du chalutier français “La Normande” et à bord de ce navire, commandé par Jean-Pierre X…, patron pêcheur salarié de l’armement Jego-Quere ; qu’à la suite de ces faits, Jean-Pierre X… a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir, en tant qu’auteur indirect, commis, dans l’exercice de ses fonctions de capitaine, une faute caractérisée en relation de cause à effet avec cette mort ; que le prévenu, déclaré coupable de ces faits, constitutifs du délit d’homicide involontaire, limite sa critique aux seules dispositions civiles de l’arrêt ;
Attendu que, pour le condamner à des réparations civiles envers les proches de la victime, la cour d’appel, après avoir relevé que ceux-ci n’avaient pas la qualité d’ayants droit au sens de l’article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, énonce, pour faire ressortir que le prévenu n’avait pas agi dans l’exercice normal de ses attributions, qu’il tirait de sa fonction et de sa qualité de représentant de l’armateur à bord, investi d’une délégation générale en matière de sécurité, le pouvoir de faire remédier à la défectuosité du matériel et qu’il tenait, en outre , de sa qualité de préposé, l’obligation d’informer l’armement de la non-conformité du dispositif de protection, ce qu’il n’a pas fait ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, l’arrêt n’encourt pas les griefs allégués, dès lors que le capitaine, auteur d’une faute qualifiée au sens de l’article 121-3, alinéa 4, du code pénal, engage, en application de l’article 5 de la loi 69-8 du 3 janvier 1969, sa responsabilité civile à l’égard du tiers victime de l’infraction, cette faute fût-elle commise dans l’exercice de ses fonctions ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;