Circulaire n° 81-04 du 21 janvier 1981 du ministère de l’Environnement et du Cadre de vie pour l’application aux marchés publics de la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l’assurance dans le domaine de la construction en ce qui concerne les produits pouvant entraîner la responsabilité solidaire du fabricant et du metteur en oeuvre
Par circulaire n° 79-38 du 5 avril 1979, je vous ai donné, d’une part, les éléments nécessaires vous permettant de connaître les principes généraux qui régissent la responsabilité et l’assurance dans le domaine de la construction découlant de la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 et, d’autre part, quelques indications pratiques relatives à son application dans les marchés de travaux immobiliers passés par vos services ou pour lesquels vous intervenez à titre de maître d’ouvrage, ou de conducteur d’opération.
Au dernier alinéa du paragraphe 1.1.1., j’évoquais la situation particulière des fabricants de certains produits, rendus solidaires des entrepreneurs par l’article 1792-4 du Code civil.
Je souhaite vous apporter sur ce point des précisions complémentaires, tout en soulignant que l’objet de la présente circulaire n’est pas de donner une définition du composant mais seulement d’éclairer, à votre intention, les dispositions de l’article précité du Code civil.
Il importe, en effet, que, s’agissant de fabricants tenus, à l’instar des constructeurs, d’une obligation d’assurance, vous disposiez de certains éléments vous permettant d’identifier, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, les produits susceptibles d’entraîner la responsabilité solidaire des fabricants.
Le fabricant d’un produit destiné à être incorporé dans un ouvrage est lié avec l’entrepreneur par un contrat de vente et tenu, dans les conditions édictées par les articles 1641 et suivants du Code civil, de garantir la chose vendue.
L’évolution des techniques et des procédés de mise en oeuvre dans le domaine de la construction a conduit le législateur, dans le souci d’une meilleure protection des maîtres d’ouvrage, à prendre en compte cette démarche industrielle afin de la promouvoir et à considérer le fabricant de certains produits que l’on dénommera EPERS (éléments pouvant entraîner la responsabilité solidaire) comme un véritable intervenant à l’acte de construire qui, en tant que tel, est désormais soumis, par l’intermédiaire du metteur en oeuvre, à la présomption de responsabilité décennale.
Il apparaît, en effet, que dans toute démarche industrielle, le fabricant, indépendamment du volume de production ou de la grandeur des séries, doit procéder à des études de conception souvent très poussées qui lui permettront d’affirmer que son produit est de nature à satisfaire à des exigences qu’il a définies.
Il importait donc d’inciter les entrepreneurs à utiliser ces nouveaux produits sans qu’ils aient à vérifier par le détail leurs performances.
C’est ainsi que le législateur a rendu solidairement responsable de l’entrepreneur qui met en oeuvre « le fabricant d’un ouvrage, d’une partie d’ouvrage ou d’un élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance (…) ».
Les conditions de cette solidarité ayant pu susciter des interrogations, il m’a paru souhaitable de faire procéder à des réflexions qui ont permis de dégager quelques lignes directrices. Ces dernières ne sauraient bien entendu préjuger les décisions que les tribunaux, saisis de cas d’espèce, seront appelés à prendre.
Il est rappelé que, par l’effet de cette solidarité légale, le maître de l’ouvrage peut indifféremment demander réparation d’un dommage au fabricant ou à l’entrepreneur.
La notion de solidarité vise les fabricants concernés, quel que soit le domaine fonctionnel (bâtiment, infrastructure, industrie) dont relève l’ouvrage auquel ils seront incorporés alors que l’obligation d’assurance n’est relative qu’aux seuls éléments entrant dans la composition du bâtiment.
Pour que la solidarité puisse être invoquée, quatre conditions semblent devoir être remplies ; elles sont cumulatives, aucune d’entre elles n’étant suffisante pour caractériser le produit relevant de l’article 1792-4 du Code civil.
1° Une partie de la conception est déplacée : incorporée au produit, elle est retranchée de la mission de conception.
En concevant son produit, le fabricant assume une partie des études qui pourraient être effectuées par le concepteur ou par l’entrepreneur ; le rôle des constructeurs n’est pas plus alors que d’incorporer le produit à l’ouvrage en respectant les directives du fabricant ; ils se trouvent ainsi déchargés d’une partie de leur mission.
2° La prédétermination en vue d’une finalité spécifique d’utilisation.
Ce critère, lié au précédent, le complète en ce sens que l’objet de la conception prise en charge par le fabricant vise une finalité spécifique d’utilisation, ce qui exclut tous les produits dont l’utilisation reste indifférenciée tant que le ou les concepteurs de l’ouvrage n’ont pas décidé de leur emploi.
3° La satisfaction, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance.
Ce critère, directement repris de la formulation de la loi, constitue à la fois une synthèse des deux précédents et un rappel de l’approche « exigentielle » qui caractérise actuellement la réglementation et la conception des ouvrages. Il appartient au fabricant de donner à son produit des caractéristiques, donc des performances (étanchéité, durabilité, résistance à diverses natures de contraintes et d’agressions, etc.), qui lui permettront, lorsqu’il sera en service, de satisfaire à certaines exigences précises auxquelles doit répondre l’ouvrage achevé (exigences structurelles, acoustiques, thermiques, hygrothermiques, de sécurité de feu, d’éclairage, etc.). La notion d’exigences transcende celle de rôle ou de fonction ; elle vise un certain niveau de réponse à la multiplicité des attentes auxquelles doit satisfaire un ouvrage.
Le produit, avec ses caractéristiques et ses performances propres, porte en lui ce potentiel de réponse qui ne sera utilisé qu’après mise en service. Mais le fabricant, par la conception préalable qu’il a effectuée, doit avoir prédéterminé celles des exigences à la satisfaction desquelles son produit pourra concourir.
4° La capacité du produit à être mis en oeuvre sans modification.
L’EPERS doit pouvoir être incorporé à l’ouvrage sans modification au sens de la loi. Il en est ainsi lorsque le metteur en oeuvre intervient conformément aux règles qui doivent avoir été édictées par le fabricant.
Ces règles d’utilisation, qui deviennent des caractéristiques d’identification pour un usage précis de la construction visée, ne doivent pas être confondues avec une dénaturation du produit qui subirait des altérations. Le metteur en oeuvre n’a donc pas à effectuer d’études spécifiques pour une quelconque adaptation du produit à un usage déterminé.
Vous trouverez en annexe quelques exemples d’application des critères explicités ci-dessus.
ANNEXE
APPLICATION DES CRITERES RETENUS A QUELQUES EXEMPLES
I. – CELLULES TECHNIQUES, BANQUETTES TECHNIQUES, AUTREMENT DIT BLOCS SANITAIRES INTEGRANT DES APPAREILS SANITAIRES, DES CANALISATIONS, VOIRE DES REVETEMENTS.
De tels produits satisfont a priori à tous les critères EPERS :
– critère n° 1. – Faute d’utiliser un tel produit, le concepteur aurait dû faire un projet complet en vue de l’appel à la concurrence, dessiner un système de canalisations, choisir les matériaux, ou tout au moins en définir les spécifications ;
– critère n° 2. – La finalité spécifique d’utilisation d’une cellule technique est tout à fait évidente ; elle est parfaitement définie par le fabricant ;
– critère n° 3. – Le fabricant a donné à son produit des performances de diverses natures, explicitées dans le catalogue ou la notice, pour que le bloc sanitaire une fois mis en service satisfasse au moins aux exigences suivantes : exigence d’hygiène, exigence d’atténuation des bruits de fonctionnement des appareils et de circulation des fluides, exigence esthétique d’aspect, exigence de respect des normes dimensionnelles et ou d’assemblage, exigences de confort, exigences de ventilation, etc. ;
– critère n° 4. – Le fabricant a conçu son produit pour qu’il puisse être directement intégré à la construction par des opérations simples de raccordement, ne demandant aucune modification du produit. Il a clairement défini dans les instructions d’utilisation la manière dont doit être opérée la mise en oeuvre de son produit.
II. – BLOCS-FENETRES ET HUISSERIES
Il s’agit d’éléments de façades qui satisfont a priori à tous les critères EPERS :
– critère n° 1. – L’utilisation d’un bloc-fenêtre dispense le concepteur de définir les différentes parties qui composent la baie : vitrages, dormants et châssis, joints, modes de raccordement avec la façade. Il n’a pas à en choisir les matériaux ni à en définir les spécifications, ni à rechercher les différents fournisseurs ;
– critère n° 2. – La finalité spécifique d’utilisation d’un bloc-fenêtre se passe de commentaires. Il s’agit d’un produit d’usage parfaitement déterminé ;
– critère n° 3. – Le fabricant a étudié et testé son produit pour que ses performances de toutes natures lui permettent de contribuer, une fois qu’il sera en service, à de très nombreuses exigences : exigence acoustique, exigence hygrothermique (confort d’hiver, confort d’été, étanchéité), exigence de pureté de l’air, exigence de sécurité, exigence dimensionnelle, exigence de compatibilité avec les composants de façades, exigence de durabilité, exigence de comportement au feu ;
– critère n° 4. – Le fabricant fournit son produit avec une notice d’utilisation qui interdit rigoureusement toute modification. Il prévoit un mode d’assemblage plus ou moins élaboré, permettant une mise en oeuvre aussi commode que possible, avec des opérations simples.
III. – DES PRODUITS TELS QUE FILS RONDS, CABLES ET PROFILES, POUTRELLES, PLAQUES, Y COMPRIS PETITS ELEMENTS DE COUVERTURE ET DE REVETEMENT, GRILLAGE ET TREILLIS, BLOCS HOMOGENES, TELS QUE BRIQUES ET PARPAINGS, TUBES, TUYAUX, ETC.
Ne sont pas en général des EPERS ; s’ils peuvent satisfaire à l’un ou l’autre des critères retenus, ils ne répondent pas à tous :
– critère n° 1. – Il y a peu de conception incorporée à ces produits, de telle sorte que le travail du maître d’oeuvre ne s’en trouve pas allégé ;
– critère n° 2. – Une brique, par exemple, ou un rouleau de câble, ne répond pas à une finalité d’utilisation ;
– critère n° 3. – Les produits en question peuvent être utilisés dans des différentes parties de la construction, selon le projet du concepteur. Le fabricant ne peut donc pas déterminer a priori les exigences auxquelles son produit satisfera une fois en état de service ;
– critère n° 4. – Un câble devra être coupé, une plaque de plâtre sera mise aux dimensions, un tuyau sera coupé, cintré, soudé, percé, etc