Rapport de la commission au conseil, au parlementeuropéen, au comité économique et social européen et aux comités
des régions : Garantie financière dans le cadre de la directive sur la responsabilité environnementale(DRE)
Conformément à l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2004/35/CE sur la responsabilité
environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages
environnementaux, Bruxelles le 12 octobre 2010, COM (2010), 581 final ; Point N°4 :
Garanties financières dans le cadre de la DRE et Conclusion
4.1) Développement de produits de garantie financière
4.1.1) Produits de garantie financière adaptés à la DRE
4.1.2) Autres types de garantie financière
4.1.3) Produits de garantie financière: limites et divergences
4.2) Nécessité d’harmoniser la garantie financière obligatoire
4.3) Aspects de la garantie financière à considérer
4.3.1) Une approche progressive
4.3.2) Plafonds applicables aux garanties financières
4.3.3) Exclusion des activités à faible risque
4.3.4) Conclusions sur les aspects à prendre en considération aux fins de la garantie
financière
4.4) Conclusions et perspectives
4.1) Développement de produits de garantie financière
Aux termes de l’article 14, paragraphe 1, de la directive, les États membres sont invités
à encourager le développement d’instruments et de marchés de garantie financière. À ce jour,
les États membres n’ont pris que très peu de mesures dans ce sens, se limitant à des
discussions à ce propos avec les assureurs et/ou leurs associations professionnelles. Dans la
plupart des cas, les marchés nationaux de responsabilité financière se sont développés à
l’initiative des assureurs, y compris là où un système de garantie financière obligatoire avait
été mis en place.
4.1.1) Produits de garantie financière adaptés à la DRE
Pour couvrir la responsabilité environnementale, l’assurance se révèle être l’instrument
le plus privilégié, suivi par la garantie bancaire (Autriche, Belgique, Chypre, République
tchèque, Pays-Bas, Pologne, Espagne et Royaume-Uni) et d’autres instruments fondés sur le
marché, tels que les fonds, les garanties, etc. (Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Pologne
et Espagne). Il existe des groupements d’assurance en Espagne, en France et en Italie.
Une part importante des responsabilités induites par la DRE peut être couverte par les
régimes traditionnels d’assurance de responsabilité civile générale ou de responsabilité civile
«atteinte à l’environnement». Les (ré-) assureurs proposent actuellement des solutions
permettant d’étendre ces polices d’assurance, ainsi que de nouveaux produits autonomes
spécifiques.
Selon certains rapports établis au moment de l’adoption de la DRE en 2004, il
n’existait à l’époque quasiment aucun produit d’assurance permettant de couvrir des risques
dont les conséquences économiques n’étaient pas totalement prévisibles. Depuis lors, des
produits adaptés à ces situations ont fait leur apparition sur le marché de l’Union européenne.
Il demeure toutefois difficile de couvrir les dommages liés aux OGM. Ainsi, l’Espagne, qui a
mis en place un système de garantie financière obligatoire applicable aussi aux OGM, a
prévu, pour couvrir les éventuels dommages et pertes, une disposition spéciale dans le cadre
d’un régime de responsabilité civile et non pas au titre de la DRE.
Il n’est pas simple aujourd’hui de juger si la capacité actuelle du secteur des assurances
et de la réassurance est suffisante pour couvrir de manière efficace les responsabilités
découlant de la DRE. À mesure que la demande de produits de ce type augmente, cette
capacité évolue. La capacité peut également être accrue au moyen d’instruments de garantie
financière ne relevant pas de l’assurance.
4.1.2) Autres types de garantie financière
Il est majoritairement fait recours aux produits d’assurance pour couvrir les
responsabilités liées à la DRE, alors qu’il existe bien d’autres solutions. Dans d’autres
domaines de la législation sur l’environnement, tels que la gestion des déchets, on dispose
aujourd’hui d’une certaine expérience en ce qui concerne les instruments hors assurance
(garanties, garanties bancaires, fonds, «captives», etc.). Ces instruments ne nécessitent que
des adaptations mineures pour être applicables aux responsabilités découlant de la DRE. Il
convient toutefois de noter que certains de ces instruments conviennent davantage aux grands
exploitants qui effectuent de nombreuses opérations qu’aux PME.
L’adéquation des instruments de garantie financière dépendra de leur efficacité en
termes de couverture des frais de réparation et de prévention de la pollution ainsi que de
l’accès des exploitants à ces instruments. Comme aucun des instruments actuellement
disponibles ne semble remplir ces trois exigences pour l’ensemble des responsabilités liées à
la DRE et pour la totalité des secteurs concernés, le choix en la matière différera selon les
opérateurs.
4.1.3) Produits de garantie financière: limites et divergences
Les limites des produits d’assurance actuellement disponibles résident dans l’exclusion
des dommages graduels causés à l’environnement et de certains types de réparation, tels que la
réparation compensatoire. Ces limites sont liées au manque de données disponibles sur les
incidents relevant de la DRE et à l’impossibilité de quantifier les pertes potentielles. Ces
limites s’effaceront progressivement à mesure que le marché gagnera en expérience.
4.2) Nécessité d’harmoniser la garantie financière obligatoire
La Commission doit étudier la nécessité d’harmoniser les systèmes de garantie
financière obligatoire au niveau de l’UE. Du fait de la divergence des modalités de mise en
oeuvre à l’issue du processus de transposition de la DRE et étant donné que les États membres
ayant opté pour la garantie financière obligatoire ne disposent toujours pas d’un système
opérationnel, que ces approches de type «obligatoire» n’ont donc pu être évaluées et que de
nouveaux produits de garantie financière apparaissent sur le marché, la Commission estime
qu’il serait prématuré de proposer un système de garantie financière obligatoire à l’échelle de
l’UE.
4.3) Aspects de la garantie financière à considérer
Il n’existe pas de définitions communément admises pour les trois aspects que la
Commission doit examiner dans son rapport (l’approche progressive, les plafonds applicables
aux garanties financières et l’exclusion des activités à faible risque). Les différentes manières
possibles d’aborder ces questions ont été explorées en collaboration avec les experts des États
membres et les parties prenantes. Il ressort d’une évaluation des systèmes en place que pour
faciliter leur mise en oeuvre, tous les régimes de garantie financière obligatoire devraient être
introduits suivant une approche progressive, exclure de leur champ d’application les activités
à faible risque et prévoir des plafonds applicables aux garanties financières.
4.3.1) Une approche progressive
On entend par approche progressive l’introduction progressive de la garantie financière
applicable aux différents types de risques, secteurs industriels et responsabilités couverts.
Certains États membres l’appliquent notamment en limitant la garantie financière
obligatoire aux activités relevant de l’annexe III pour lesquelles un permis, une autorisation ou
un enregistrement est requis, tandis que d’autres ont imposé un système de garantie financière
obligatoire pour certaines de ces activités, à commencer par les plus à risque (système limité
en Hongrie aux installations IPPC).
4.3.2) Plafonds applicables aux garanties financières
Aucun système de garantie financière, qu’il s’agisse de l’assurance, de la garantie
bancaire ou du fonds fiduciaire, ne prévoit de responsabilité illimitée. De ce fait, les plafonds
s’appliquent à tous les systèmes de garantie financière, qu’ils soient facultatifs ou obligatoires.
Un tel plafond pourrait être établi à un niveau auquel le risque est faible, compte tenu du lieu,
du type et de la taille de l’opération, qu’un préjudice supérieur à ce plafond ne survienne.
L’Espagne a limité le plafond de la couverture de responsabilité nécessaire à ses exploitants à
5 millions EUR. Dans d’autres pays, ces plafonds sont convenus entre les assureurs et les
exploitants. Les compagnies d’assurance peuvent également appliquer des plafonds aux
responsabilités qu’elles souhaitent couvrir, plafonds qui valent pour les primes à payer mais
également pour la couverture qu’offre leur garantie. Ces premiers plafonds s’appliquent au
moment de définir la couverture maximale des polices d’assurance. Dans la pratique, il existe
également des plafonds de remboursement applicables aux polices relevant de la DRE,
lesquels varient de 1 à 30 millions d’euros.
4.3.3) Exclusion des activités à faible risque
Les activités à faible risque pourraient être exclues d’un système de garantie financière
obligatoire sur la base d’une évaluation des risques des dommages que pourraient causer à
l’environnement les activités relevant de l’annexe III(56). Dans le cadre de certains systèmes
obligatoires, les activités à faible risque sont aussi définies comme celles pour lesquelles les
entreprises disposent d’un système de gestion environnementale EMAS ou ISO(57); ce choix est
toutefois discutable car d’autres facteurs peuvent jouer un rôle plus important dans la
détermination des risques réels qu’un exploitant fait courir à l’environnement, comme la
nature de l’activité ou sa situation géographique. Les parties prenantes ont estimé que le fait
d’exclure des exploitants au motif que leurs activités sont perçues comme présentant de
faibles risques pouvait prêter à controverse, ces activités étant en réalité toujours susceptibles
de causer des dommages importants à l’environnement.
4.3.4) Conclusions sur les aspects à prendre en considération aux fins de la garantie financière
Une enquête sur la faisabilité, sur l’incidence et sur l’efficacité de la garantie financière
obligatoire permettrait d’illustrer en détail la façon dont ces systèmes pourraient être mis en
oeuvre sans réduire considérablement la couverture effective des responsabilités dérivées de la
DRE. Bon nombre de solutions possibles (approche progressive, plafonds applicables aux
garanties financières et exclusion des activités à faible risque) sont déjà appliquées par les
États membres.
Et si tout système de garantie financière obligatoire doit nécessairement comporter une
approche progressive sous une forme ou une autre, il ne doit pas forcément reprendre les deux
autres éléments. Le recours à l’une ou l’autre de ces options doit faire l’objet, au préalable,
d’une analyse approfondie, ces solutions pouvant certes faciliter la mise en oeuvre d’un
système de garantie financière obligatoire mais également en réduire l’efficacité.
4.4) Conclusions et perspectives
Le processus de transposition de la directive sur la responsabilité environnementale
s’est achevé le 1er juillet 2010. Les informations disponibles ne permettent pas encore de tirer
de conclusions concrètes sur l’efficacité de la directive en ce qui concerne la réparation des
dommages causés à l’environnement. En raison des trois années de retard prises dans la
transposition de la directive, l’expérience pratique acquise en ce qui concerne sa mise en
oeuvre est encore limitée. Dans bien des cas, les autorités n’avaient pas adopté en temps voulu
les règles exigées par la DRE. Les exploitants étaient généralement ignorants des obligations
légales dans ce domaine. Les assureurs et les autres institutions proposant des garanties
financières ne connaissaient pas suffisamment les exigences auxquelles leurs produits
devaient satisfaire pour être conformes aux dispositions de la DRE.
Au vu des résultats des études menées aux fins du présent rapport et de l’expérience
acquise dans la mise en oeuvre de la DRE, plusieurs mesures peuvent être prises pour
améliorer l’application et l’efficacité de cette directive:
1) Promouvoir l’échange et la communication d’informations entre les principales parties
prenantes (exploitants, autorités compétentes, organismes de garantie financière, associations
professionnelles, experts gouvernementaux, ONG et Commission européenne).
2) Inciter les associations professionnelles, les associations d’organismes de garantie
financière et les autorités compétentes chargées de la mise en oeuvre de la directive à
continuer, au moyen d’actions spécifiques, à sensibiliser les exploitants et les organismes de
garantie financière.
3) Développer de nouveaux éléments d’interprétation sur l’application de la DRE, et en
particulier de possibles lignes directrices à l’échelle européenne concernant son annexe II. Les
définitions et concepts fondamentaux, tels que «dommage environnemental» et «état initial»,
qui ont donné lieu à des divergences lors de l’application de la directive au niveau national,
feront l’objet de discussions au sein du groupe d’experts gouvernementaux sur la
responsabilité environnementale et devraient être clarifiés et harmonisés.
4) Recommander aux États membres de tenir des relevés ou des registres des cas relevant de
la DRE(58). Cela permettra de tirer des enseignements quant à la meilleure façon d’appliquer la
directive et d’encourager les parties prenantes. Cela aidera aussi les États membres à remplir
les obligations de rapport qui leur incombent en vertu de l’article 18, paragraphe 1, de la DRE
et permettra d’évaluer l’efficacité de la DRE sur la base de cas concrets.
Les faits laissent penser qu’en dépit de la crise financière, le marché de l’assurance de
l’UE dans le secteur de la responsabilité environnementale est en croissance et qu’il propose
un éventail de plus en plus large de produits. Une plus grande clarté juridique(59) devrait
conduire à une application plus prévisible et juridiquement plus sûre, de la part des autorités
compétentes et des exploitants, des critères établis par la DRE, lors du traitement des cas de
dommages relevant de cette directive.
Faute d’expérience pratique dans l’application de la DRE, la Commission conclut
qu’elle ne dispose pas d’éléments suffisants pour justifier à ce jour l’introduction d’un système
harmonisé de garantie financière obligatoire. Le suivi des progrès accomplis dans les États
membres qui ont opté pour la garantie financière obligatoire, et notamment l’approche
progressive, ainsi que dans ceux qui n’ont pas rendu obligatoire la garantie financière devra se
poursuivre, avant que l’on puisse en tirer des conclusions valables. La Commission surveillera
aussi attentivement les faits survenus récemment et susceptibles de justifier une initiative dans
ce domaine, comme la marée noire dans le Golfe du Mexique.
La Commission réexaminera l’option de la garantie financière obligatoire peut-être
même avant le réexamen de la directive prévu pour 2014, en liaison avec le rapport de la
Commission visé à l’article 18, paragraphe 2, de la DRE.
Le présent rapport a également relevé un certain nombre de points qui méritent d’être
traités dans les meilleurs délais. En ce qui concerne le réexamen général de la DRE prévu
pour 2013/2014, la possibilité d’introduire de manière anticipée les mesures correspondantes
suivantes fera l’objet d’une évaluation continue, qui sera lancée dès que possible:
– Le champ d’application de la directive: si la DRE couvre des dommages
environnementaux spécifiques, principalement sur la partie terrestre du territoire, elle
ne s’applique pas encore à tout l’environnement marin. La DRE s’étend aux eaux
côtières et aux eaux territoriales pour ce qui est des «dommages causés à l’eau» (par
l’intermédiaire de la directive-cadre sur l’eau), ainsi qu’aux espèces marines protégées
et aux sites du réseau Natura 2000 relevant de la juridiction des États membres (qui
s’étend à la zone économique exclusive et au plateau continental, le cas échéant), ce
qui ne permet pas de garantir actuellement la réparation intégrale des dommages
causés à l’environnement marin.
Les préjudices causés à l’environnement marin par les marées noires provoquées par les
activités de forage pétrolier ne sont donc pas totalement pris en compte par les
dispositions de la directive actuelle.
– La divergence des règles de transposition nationales peut être source de difficultés, par
exemple, pour les organismes de garantie financière, qui se trouvent alors contraints
de modifier leurs produits génériques pour les adapter aux exigences établies par
chacun des États membres dans lesquels ils sont distribués.
Les chances de succès d’un système harmonisé de garantie financière obligatoire à
l’échelon européen seraient plus grandes si les divergences entre les différentes modalités
nationales de mise en oeuvre n’étaient pas si importantes.
– L’application hétérogène par les États membres des moyens de défense que constituent
l’exonération liée à la possession d’un permis et l’exonération pour risque de
développement.
– L’extension hétérogène du champ d’application de la directive pour couvrir les
dommages causés aux espèces et aux habitats naturels protégés au titre de la
législation nationale.
– L’adéquation des plafonds financiers actuels fixés pour les instruments de garantie
financière existants en ce qui concerne les accidents de grande ampleur susceptibles de
se produire.
La capacité des instruments de garantie financière existants de couvrir les accidents de
grande ampleur doit être évaluée compte tenu des plafonds financiers applicables et du
potentiel inhérent aux différents types d’instruments (fonds, assurances, garanties, etc.).
En ce sens, le réexamen aura pour objet de mettre au jour les moyens les plus efficaces
d’assurer la mobilisation des ressources financières nécessaires en cas de survenue
d’accidents de grande ampleur dont les responsables ne disposent que d’une capacité
financière médiocre ou très limitée.
56 Le système de garantie financière obligatoire défini par l’Espagne exonère les exploitants dont les dommages
potentiels à l’environnement sont estimés à 300 000 EUR (ou entre 300 000 EUR et 2 millions EUR lorsque les
exploitants appliquent la norme EMAS/ISO 14001). Cela déchargerait un nombre potentiellement élevé
d’exploitants de l’obligation de garantie financière, rendant ainsi plus simple la mise en oeuvre d’un tel
système. Il faudrait toutefois pour ce faire analyser les dommages potentiels à l’environnement pour toutes les
activités relevant de l’annexe III
57 Il en est ainsi de l’Espagne (voir ci-dessus) et de la République tchèque
58 La Commission a conscience des efforts déployés dans ce sens par les États membres; certains d’entre eux
ont introduit des dispositions à ce sujet dans leur acte de transposition de la directive
59 Voir par exemple les deux arrêts rendus par la Cour de justice en réponse aux demandes de décision
préjudicielle dans l’affaire Rada de Augusta C-378/08 et dans les affaires jointes C-379/08 et C-380/08, dans
lesquelles la Cour clarifie les questions relatives au principe dit du «pollueur-payeur» et aux obligations qui
incombent aux autorités compétentes, telles qu’établir le lien de causalité, déterminer et modifier des mesures
de réparation, identifier les parties responsables, etc.