Institut numerique

AVANT-PROPOS

Bref rappel de la présence musulmane en France du début du siècle à nos jours.

Qui a dit que la France et l’Islam n’avaient pas une histoire en commun ?

Abderrhamane DAHAME rappelait dans Libération (1) , à l ’occasion des 70 ans de l’édification de la mosquée de Paris que cela :« résultait de la volonté politique de l ’empire colonial français de conclure un pacte entre les Musulmans, la Nation et la République après la grande fraternité de 1914-1918 et la mort partagée dans les tranchées de Verdun, de la Somme et du Chemin des Dames. Après les combats des Turcos à Sedan en 1870, et en préfiguration de ceux des tirailleurs de 1939-1945, puis des combattants de la Guerre de Corée. »

Il est très difficile de dater l’implantation d’une communauté islamique sur l’hexagone… Nous retrouverons les travaux de Bruno ÉTIENNE(2) et Jean-Jacques FRÉMEAUX(3) en ce qui concerne les rapports de la communauté musulmane avec l ’Etat. Quant à l ’implantation maghrébine, nous avons utilisé les ouvrages de Ralph SCHOR(4) , Saïd Bouamama et Hadjila Sad Saoud (5) ainsi que L a galerie des portraits que l ’on peut retrouver dans le volume de Jean ANGLADE(6) . Nous tenons à rappeler à nos lecteurs, comme l ’avait fait préalablement Jean-Jacques Frémeaux, que l ’enjeu de ce rappel n ’est pas de nourrir une quelconque idée politique en essayant de replacer l’actualité dans la durée de manière à substituer à l ’idée d ’un affrontement les souvenirs d’une longue histoire commune.

Jean-Jacques Frémeaux (7) nous rappelait le lien entre la France et l’Islam, montrant que celui-ci entre dans le cadre des relations et échanges qui unisse nt les pays arabo-musulmans du pourtour méditerranéen à la fin du XVIIIème siècle avec la France (liaison établie par des relations diplomatiques et commerciales avec l’empire ottoman). Puis, selon le même auteur, c ’est l’entrée de la France en terre d ’Islam (expédition en Egypte de Napoléon, la conquête du Maghreb) qui a de fait mené à la forte empreinte de la présence française dans les anciennes colonies. Jean-Jacques Frémeaux veut montrer que ces rapports avec l ’élément extérieur ont conduit à une intériorisation du phénomène. C ’est à dire qu ’à l ’instar d ’un effet boomerang, la longue présence et l ’intervention française dans les pays arabo-musulmans ont conduit à l ’émergence d ’une communauté musulmane sur le sol français. Les questions qui nous viennent à l’esprit sont alors diverses :

– Depuis quand l ’Islam et/ou la communauté musulmane se sont-ils installés en France ?
– Comment s’est structurée cette nouvelle religion ?

Cela revient en quelque sorte à décrire le processus d ’enracinement dans la duré e, dans l ’espace géographique et social de ce qui est devenu aujourd’hui la deuxième religion de France.

Afin d’éclairer notre « lanterne » sur le processus d ’enracinement de l’Islam en France, nous essayerons de voir dans un premier temps l’évolution de la communauté musulmane en France du début du siècle à nos jours à travers l ’immigration algérienne. Nous essayerons également de donner à notre lecteur un bref aperçu de la mosaïque de la communauté musulmane. Enfin, nous terminerons en montrant comment l ’Islam s ’est structuré et s ’est organisé sur le territoire; nous prendrons à titre d’exemple l’U.O.I.F.(8)

L’évolution de la communauté musulmane en France du début du siècle à nos jours (ex: l’immigration algérienne).

L’immigration algérienne commence a u début du siècle. Viennent d’abord « les marchands de tapis »( 9) et de multiples produits de l’artisanat nord-africain. Puis ce sont des contingents de manoeuvres qui s ’emploient dans les usines, les ports méditerranéens. Bruno Etienne fera remonter la présence musulmane en France jusqu ’au XVIème siècle; cette présence est attestée par les « Turcos » (10) dans le port de Marseille.

Les moments forts de l ’immigration algérienne, qui est parallèle à l’installation de l ’Islam en France (et que nous voyons sur le graphique ), fluctuent avec les grands bouleversements qui ont secoué la France tout au long du XXème siècle.

Nous avons une première vague en 1914-1918 au cours de laquelle la population est utilisée comme “chair à canon” et main-d’ œuvre, tout comme pendant la seconde Guerre Mondiale. La troisième vague, et la plus importante, reste la décolonisation durant laquelle arrivent successivement les harkis, de la main-d’ oeuvre, des commerçants, des étudiants, des réfugiés politiques et avec le rapprochement familial(11) , l’immigration va encore s’accélérer et conduire à l’idée d’immigrés dangereux et de danger islamique.

En analysant notre graphique, nous constatons qu’il y a plusieurs phases dans l’histoire ou dans l’historique de la présence islamique en France; nous en retiendrons cinq :

1°/ La phase I correspond aux années précédant la guerre 1914-1918 :

Les algériens venus en métropole sont encore peu nombreux. Ils étaient employés dans les docks et les industries marseillaises; quelques-uns se dirigeaient vers Paris. Cette population était constituée principalement d’individus venus chercher du travail en France. La majorité des immigrés étaient employés dans l’industrie où ils effectuaient une bonne part des tâches pénibles, dangereuses ou répétitives. Les Houillères du Nord commençaient aussi à appeler les Kabyles(12) .

En 1912, nous comptons quatre à cinq mille personnes sur l’hexagone:
– 2000 algériens Kabyles dans la région marseillaise.
– 1500 à 1700 dans les mines et sidérurgies du Nord / Pas-de-Calais.
– Le reste à Paris.

2°/ La phase II : La Première Guerre Mondiale.

La Grande Guerre mobilisa toutes les énergies, celles des nationaux et des étrangers. Ceux-ci, sous des formes diverses, furent affectés dans les unités combattantes ou à l’arrière. En matière d’emploi, la situation apparaissait critique et la présence des étrangers se révélait absolument nécessaire dans les industries extractives et l’agriculture vit partir tout au long de la guerre 3,7 millions d’hommes (soit 45% de la population agricole). En ce qui concerne les ponctions en hommes dans les colonies, ce fut d’abord et avant tout en Afrique du Nord et plus particulièrement l ’Algérie qui se trouva mise à contribution. Les “indigènes”(13) du Maghreb étaient repartis dans les corps d’infanterie (les tirailleurs) et de cavalerie (les spahis). L’Algérie qui fournissait les effectifs les plus importants était soumise à un système de recrutement particulier :

– Les engagés étaient attirés par des primes.
– Les appelés minoritaires ne représentaient que 3078 hommes.
– L’État passait des contrats avec des rabatteurs pour qu’ils fassent pression sur les communautés de manière à fournir des volontaires.

Puis, le 7 septembre 1917, un décret institua dans la pratique un service militaire obligatoire, sans remplacement ni dispense; l’Algérie fournit 172 000 hommes, la Tunisie, o ù la conscription fut instaurée, envoya 60000 hommes et le Maroc 37 000 volontaires. Ce qui nous donne un total d’environ 270 000 musulmans combattants au cours de la Première Guerre Mondiale.

Acheminés en France, les soldats coloniaux musulmans craignaient de consommer une nourriture non conforme aux prescriptions du Coran. Les autorités françaises s’attachèrent à résoudre les difficultés en se montrant sensibles aux particularités des coloni aux et en les traitant d’une manière paternelle. Ainsi, pour établir un climat de confiance, le commandement fut confié à des officiers connaissant bien les moeurs. Les fêtes traditionnelles furent respectées. Les musulmans reçurent une nourriture spécifique; des cafés maures et des salles de prières furent aménagés, les rites d’inhumation islamique scrupuleusement suivis.

L’intégration des musulmans dans l’armée montre qu’il y a eu quelques difficultés pourtant facilement surmontées et que l’Etat a fait preuve de grandes largesses à l’égard des musulmans. (Peut-être cela est-il lié au fait que nous sommes en guerre et qu’un refus face au respect de coutumes et religions aurait pu conduire à une mutinerie ?) Nous noterons que les mêmes problèmes se sont posés dans les années 80 concernant les “raquettes de combat” et les barquettes “hallal”. (14)

3°/ La phase III : L’entre-deux-guerres.

Comme nous pouvons le constater sur la courbe (annexe I), l’immigration algérienne connaît une flexion dans les années 20, cela est dû essentiellement aux retours dans les colonies des soldats après la Grande Guerre, comme le souligne Jean Anglade (15).

L’expérience de la guerre puis le maintien sur le sol français d ’une communauté islamique suscita l ’intérêt des autorités publiques; c’est à cette époque, en 1926, que fut décidée l ’édification de la mosquée de Paris. L ’Islam commence alors à s ’inscrire dans le paysage urbain. C’est en entreprise que les mentalités évoluent aussi très vite et la forte proportion de musulmans dan s l ’industrie va conduire, à titre d’exemple, des entreprises comme celle d ’Auby dans le Nord, à embaucher, via des services de recrutement, une importante main-d’oeuvre de confession musulmane. Les établissements La Vieille Montagne prirent relativement tôt conscience de la question de l’Islam, de sa place, de son importance au sein de l ’entreprise. C’est pourquoi elle prit l’initiative de mettre à la disposition des musulmans un local en 1926, qui fut installé d ’une part afin de permettre aux ouvriers de faire leurs prières et d’autre part afin d’assurer un rapport de proximité. L’encouragement du culte, pour l ’entrepreneur, était d’une certaine façon, un moyen de maintenir cette population en place et d’obtenir sa reconnaissance.

Ces initiatives privées et hétérogènes étaient certainement à l ’origine de l’inscription de l’Islam dans le tissu industriel français. L’Entreprise française a contribué à l ’instauration de l’Islam en France, en créant des pseudo-lieux de culte. L ’Islam se serait vraisemblablement installé en France grâce aux entreprises comme le précise SIDI KADA(16 ), c ’est surtout par paternalisme et dans le but d ’avoir un ascendant sur leurs ouvriers que ces initiatives furent prises.

4°/ La phase IV : la Seconde Guerre Mondiale.

Toujours utilisés comme main-d ’oeuvre, les nord-africains furent un enjeu dans la collaboration franco-allemande. Pour satisfaire leurs besoins grandissants en main-d ’oeuvre, les allemands demandèrent à leur partenaire français de puiser parmi les coloniaux. Au milieu de l’année 1941, les allemands demandèrent que de nouveaux contingents de travailleurs musulmans fussent acheminés en métropole; l’accord signé prévoyait l ’arrivée de 13000 algériens mais seuls 7500 d ’entre eux traversèrent la Méditerranée avant que le débarquement allié n ’interrompit en novembre 1942 les relations entre les deux rives. Un nombre indéterminé de musulmans fut dirigé vers l’Allemagne; d’autres furent mis au service de l’organisation Todt qui s ’activait à la fortification du littoral atlantique. Nous noterons également que les musulmans ont été des victimes de l ’idéologie nazie et du régime de Vichy, « se fondant sur la résurrection d ’une France mythique, épurée de tous ceux qui compromettaient son unité et sa pureté »(17) . Mais nous avons aussi le cas de musulmans qui ont collaboré. En effet, les allemands obtinrent le ralliement de quelques nationalistes nord-africains qui espéraient profiter de l ’écrasement de la métropole en 1940 pour libérer leur pays(18) .

Cependant les principaux dirigeants tels que Habib BOURGUIBA(19) et Messali HADJ(20) ont eux, repoussé l ’offre du Reich. Larebi FODEL, quant à lui, n ’éprouva aucune réticence et appela à la lutte armée contre les français avec l ’appui des nazis. C ’est ainsi que se créa le CARNA qui n’est autre q ue le fruit de quelques dissidents du PPA (21) et des services secrets allemands; encore une fois, cette faction ne représentait qu ’une minime partie de la position et de l ’opinion musulmane en France à l ’égard du régime de Vichy et de l ’idéologie nazie.

5°/ La phase V : de l’après-guerre à nos jours.

L’analyse de la courbe nous conduit à la diviser en trois parties :

a. 1945 – 1962 : on passe de 22 114 en 1946 à 350 000 en 1962.
b. 1962 – 1982 : de 350 000 à +/- 800 000 immigrés en 1982.
c. 1982 à nos jours : de 1982 à 1990, on passe de 795 920 algériens à 614 207; le nombre d ’immigrés a baissé mais pas le nombre de musulmans car nous avons une augmentation du nombre d ’enfants issus de l’immigration et qui, eux, ont la nationalité française.

D’une façon générale, la deuxième moitié du siècle a été marquée par une forte immigration maghrébine, gonflant le nombre de musulmans vivant déjà sur le sol national. Cette accélération a été favorisée par la reconstruction des Trente Glorieuses qui a exigé de la main-d’oeuvre, suite aux pertes humaines de la Seconde Guerre Mondiale puis de la Guerre d’Algérie avec le rapatriement des harkis; en 1962 on compte 350000 algériens (22) sur 400000 musulmans . Cette émigration a été aussi favorisée par les accords d ’Evian dans l’article 11(23). Le nombre des musulmans va encore accroître avec l’arrivée des familles (Cf. à cet égard, l ’entrée de personnes au titre du RI de 1947 à 1993 en annexe II) :

1952 : 3 400 femmes musulmanes en France 1960 : 17 000 femmes musulmanes en France Cependant les musulmans vivront dans des conditions sanitaires très réduites, avec un sentiment d ’isolement et de solitude spirituelle. C’est pourquoi il y eut la création d ’organismes pour améliorer leurs conditions de vie comme le FAS (24) en 1958, l ’action du Père GHYS(25) qui créa des bulletins d ’informations sur les immigrés d ’Afrique du Nord en 1950, Comprendre en 1956 afin de mieux faire connaître la religion musulmane. Comme le souligne Jean-Jacques Frémeaux, l’immigration va engendrer du racisme et c ’est de là que va naître l’amalgame entre immigration et Islam couplé avec une idéologie basée sur la lutte des classes aboutissant à l ’émergence d ’un complot immigro-islamique.
L’année 1973 sera terrible pour les musulmans en France, particulièrement pour la communauté algérienne (on citera ici la « rafle » de l’année 1961 des 17 et 18 octobre). Il naît à cette époque un véritable durcissement de la répression et une augmentation des agressions à l ’encontre des algériens : trente-deux meurtres et un attentat à la bombe contre le consulat algérien à Marseille qui fait quatre morts et vingt blessés.

En juillet 1974, le gouvernement décide d ’interrompre l ’immigration légale des travailleurs, action sans résultats car les regroupements familiaux connaissent une très forte croissance et cela n ’empêche pas d ’autres entrées (droits d ’asile, réfugiés politiques, étudiants). D’autre part, la composition et le comportement démographique des nouveaux venus impliquent une natalité beaucoup plus forte que celle de l’ensemble de la population française.
Au début des années 80, le quiproquo est fait entre l ’immigré et le musulman; cela correspond à la prise de conscience des migrants pour lesquels le retour au pays d’origine est impossible. On est passé d’une migratio n de travail temporaire à une migration d ’installation avec le rapprochement familial de 1973. On est passé du phénomène d’être des hôtes à l ’acceptation de la société française qui va se manifester par l ’augmentation des lieux de culte, de carrés musulmans dans les cimetières, etc. L ’Islam se fait entendre, il devient « visible » (26) selon l ’expression de Jocelyne Césari. Ben Mansour (27) pense, quant à lui, que cette sédentarisation de l’Islam en France n’a pas été programmée, choisie par les musulmans et pense plutôt à une évolution naturelle. Il lie cela aussi au renouveau islamique dans le monde (la révolution iranienne, la guerre Irak – Iran, etc.). Il constate donc que l’installation des musulmans en France est tout à fait normale et pas surprenante puisqu’elle correspond à une conjoncture internationale favorable à l ’Islam. L’élément moteur qui, selon lui, a conduit à cette soudaine émergence, c ’est l ’acceptation par les musulmans en France de la société française non pas pour les raisons évoquées plus haut mais pour des raisons théologiques. Plus explicitement, la terre est perçue comme une terre chrétienne donc « Dar al Rhâm » (28), or des théologiens, définissant le « Dar al Islam » (29) , apportent aux musulmans un réconfort spirituel car la terre d ’Islam est l ’espace où le musulman peut pratiquer sa religion. C ’est cette acceptation, cette prise de conscience de la possibilité de vivre en Dar al Islam dans un pays non musulman qui a permis la sédentarisation et l ’émancipation de la communauté islamique en France.

Cependant une autre question se pose à nous, à savoir : qui sont les musulmans en France et comment se sont-ils structurés ?

La « vaste mosaïque » (30) des musulmans en France.

Lorsqu’on étudie de près la communauté musulmane en France, on s’aperçoit très vite qu ’il s ’agit d ’un groupement très hétérogène qui n’est pas constitué que de maghrébins car ils ne représentent que 42% de la population étrangère en 1982. Il s ’agit de la deuxième communauté religieuse après les catholiques et avant les protestants, les juifs et les bouddhistes et qui compte 3 à 4 millions d’individus. On y trouve ainsi :

des afghans, des algériens, des camerounais, des libanais, des libyens, des malaysiens, des maliens, des marocains, des mauritaniens, des pakistanais, des sénégalais, des syriens, des tchadiens, des tunisiens, des turcs, des yéménites, etc.

La communauté la plus nombreuse est pour des raisons historiques, géographiques et économiques est celle des maghrébins.

Les chiffres de l ’INSEE, du recensement de 1990, estiment la population musulmane à 4 millions dont la moitié a la nationalité française, ce qui correspond donc à ceux que l ’on a « appelé très improprement », selon Jean-Jacques Frémeaux , « les immigrés de la seconde génération » , c ’est-à-dire les jeunes nés en France de parents immigrés.

On dénombre : 614 207 algériens

572 652 marocains } regroupés dans les régions du Nord.
206 336 tunisiens }Rhône-Alpes, Provence, Ile de France, …
197 712 turcs : surtout en Alsace – Lorraine et dans la région Rhône-Alpes.

N’oublions pas également les français convertis à l ’Islam pour lesquels les chiffres varient selon les uns , ils seraient 40 000 selon les autres ; ils sont entre 60000 et 90000.

À cette pluralité d ’appartenances ethniques va correspondre une diversité de courants religieux au sein de l’Islam. Les grands courants traditionnels sont :
(a) les SHIITES : « partisans »

La racine d ’où provient ce mot, c ’est à dire shi ’a connote l ’idée de suivre, d ’accompagner. La shi ’a est l ’ensemble des adeptes, de l’école. A ce sens strict du mot, la shi ’a, le schi ’isme s ’applique essentiellement aux fidèles qui professent la foi en la mission des douze Imams. Ce sont surtout les partisans d ’Ali Schon, l ’Imam et le prophète forment une loi-unité dont les deux termes so nt indissociables. Il faut que le muslim, dans sa shahadat, déploie une triple vérité :

– attestation de l’unité, de l’unicité de Dieu.
– attestation de la mission exotérique du prophète.
– attestation de la mission ésotérique des Imams.

Les figures d u prophète et de l ’Imam sont autant inséparables que l’exotérique de l ’ésotérique, attestées de plus par un hadith (43) du prophète : « le QORAN a un exotérique et un ésotérique; celui-ci à son tour a un ésotérique et ainsi de suite jusqu ’à sept profondeu rs ésotériques. »

C’est ce que le prophète Mohammad notifia à plusieurs reprises au premier Imam, Ali Ibn Abi Talib, dans le grand hadith de l ’investiture : « Tu es par rapport à moi comme Aaron par rapport à Moïse. »

De plus, les shiites veulent distingue r le khalifat de l ’imamat, c’est à dire la fonction politique de chef de la communauté, de la fonction religieuse, de guide des croyants. La conception shi ’ite de l ’imamat est une conception qui investit l ’imam d ’une fonction cosmique sacerdotale et fait d e lui le pôle mystique grâce auquel le monde de l’homme persévère dans l ’être. Certains estiment que Muhammed, n’ayant accepté d ’être qu ’un « serviteur prophète » et non pas un « roi prophète », ne pouvait transmettre aux imams, ses successeurs, qu’une royauté spirituelle et non pas temporelle.

C ’est la raison pour laquelle cette fonction religieuse ne peut être confiée qu ’à une personne de la famille du prophète ou issue de celle-ci. Sont ainsi exclusivement reconnus comme imams Ali, puis Hassan et Hussein , ses deux fils. L ’Islam shi’ite parle de l ’Imam caché. En effet, Ali a eu douze successeurs mais le douzième a disparu après son investiture alors qu’il était encore un enfant. C’est l’imam caché, toujours présent de façon mystérieuse. Son retour s’effectuera juste avant le jugement dernier. Sa présence occultée mais réelle, légitime le corps des docteurs (ayatollahs) dépositaires du pouvoir d ’interprétation et d’adaptation de la parole divine (ce que les musulmans appellent l’Ijtihad), guides éclairés de ceux qui exercent le pouvoir politique.

La nécessité d’interprétation permanente donne un pouvoir considérable aux « docteurs de la loi ». Le shi ’isme a ainsi un clergé avec une hiérarchie d’interprètes organisés.

Ce courant de l ’Islam se situe essentiellement en Iran, également en Syrie, au Liban, en Irak ainsi qu ’au Pakistan. On évalue les musulmans shi’ites à 80 millions.

(b) les KHARIDJITES :

Le kharidjisme remonte aux conflits d’ambitions qui éclatèrent dans la communauté musulmane dès la mort du prophète en 632. Le gendre de celui-ci, `Ali, avait été écarté et, de ce fait, la thèse d ’une succession fondée sur les liens du sang avait été rejetée. Les différentes improvisations qui présidèrent au choix des quatre premiers califes permirent de dégage r le principe d ’une désignation de type électif dont les modalités ont beaucoup varié dans la pratique quant au nombre et à la qualité des « électeurs »; ceux-ci finirent par se réduire au seul calife régnant qui choisissait son successeur. De plus, le calife devait appartenir à la tribu de QURAYSH, celle du prophète. `Ali fut le quatrième calife désigné selon ce système. Des divergences ont éclaté et l ’on reprocha à `Ali d ’avoir participer au complot qui avait abouti à l ’assassinat de `UTHMAN, son prédécesseur. MOAWIA, gouverneur de Syrie se dressa pour réclamer vengeance. Après la bataille de Siffin, Moawia fit admettre le principe d’un arbitrage. `Ali, ayant accepté cet arbitrage, voit certains de ses partisans le quitter. Ils furent à l ’origine du KHARIDJISME. Les Kharidjistes signifient « ceux qui sont sortis » ou tout simplement les « révoltés ». Ils ne reconnaissent que les deux premiers califes, ABÛ

BAKR et `UMAR. Contestant `UTHMAN et `ALI, ils prétendent que l ’imam ne doit pas être choisi en fonction du lignage mais en fonction de sa piété, de sa justice et de sa perfection personnelle. Les Kharidjistes se distinguent par un rigorisme moral et une intransigeance doctrinale; ils ne représentent que 0,5% des musulmans dans le monde. Ils se situent dans l’île tunisienne de DJERBA, dans le sud de l’Algérie et de la Libye.

(c) les SUNNITES :

Ils représentent l ’énorme majorité des musulmans à travers le monde, environ 86,5%. Ils sont désignés en arabe comme étant les hommes de la SUNNA et de la communauté. Après la crise de la FITNA qui, sous le calife `Ali, brisa définitivement l ’unité de la communauté islamique, le shi ’isme et le kharidjisme se constituèrent en partis extrémistes et opposés. Le premier que nous venons d’analyser estimait que le califat appartenait de droit aux descendants directs du prophète; le second professait une opinion contraire que Nabhani Kporibaa qualifie de « démocratique » : tout musulman croyant et pieux peut devenir calife. Le sunnisme, c ’est avant tout l ’acceptation du Coran, parole de Dieu, l ’imitation du prophète et l’acceptation de sa Sunna.

D’une manière générale, l ’esprit sunnite respecte le mystère de la science infinie de Dieu; il ne tente pas de la pénétrer et se contente de savoir ce que Dieu a voulu faire connaître aux hommes. Quant à la Sunna, tous ne sont pas d ’accord sur les traditions qui sont rapportées. Le sunnisme se montra très soucieux d ’établir l’authenticité des hadiths, qui donna lieu à la science du hadith. On constitua assez tôt des recueils de tr aditions admises comme authentiques dont les plus célèbres sont les Sahihde :

– BUKHARI (mort en 870)
– MUSLIM (mort en 874)

Des divergences de détail demeurent et un accord s ’est fait pour rejeter les hadiths shi’ites en faveur d’`Ali, de Fatima et de leurs deux fils. Les hadiths qui sont absolument sans rapport avec le Coran ne sont pas pris en considération.

En droit, le sunnisme admet quatre écoles différentes; leurs divergences portent sur les moyens à mettre en oeuvre pour vivre le Coran et la Sunna.
1) L’école HANIFITE : fondée par l ’iranien Abu Hanifa (699-767). C’est l’école la plus libérale qui insiste sur le jugement personnel du croyant, sur la recherche du mieux. Cette école a encore une influence en Turquie, en Syrie, en Afghanistan et en Inde.

2) L’école MALÉKITE : fondée par MALIK IBN ANAS (712-796) à Médine. On essaie de chercher le consensus des savants plutôt que de se fier à la libre opinion des croyants. La jurisprudence qu ’elle développe tient compte des coutumes locales des régio ns où elle s’est répandue, surtout en Afrique du Nord et en Afrique noire. La majeure partie des musulmans en France sont des Malékites.

3) L’école CHAFÉITE : fondée par Chafi’i (767-820), né à Gaza et mort au Caire. Cette école met en valeur le consensus de la communauté plus que celui des savants. Cette école s ’étend de l ’Egypte au Yémen, au Golf, à l’Afrique orientale et en Inde.

4) L’école HANBALITE : issue de Ibn Hanbal (780-855) qui vient d ’Irak. Cette école fait du taqlid la valeur essentielle. Ce qui est recherché, c’est le consensus des compagnons du prophète. Rigoriste et piétiste, cette école de jurisprudence domine aujourd ’hui en Arabie Saoudite.

(d) le SOUFISME :

D’origine arabe, le terme de soufisme sert communément à désigner la mystique islamique. Les précurseurs véritables de ce courant sont très minoritaires dans une société dont la pensée est tournée presque toute entière vers le juridisme, l’exégèse et les problèmes de direction de la communauté; autrement dit, les problèmes politiques. Il ne faut pas oublier que l’Islam a été très tôt la religion d’un état puis d’un Empire en quelques décennies. Face aux bouleversements, les mystiques adoptent une attitude de rupture. Ils prônent souvent le célibat, le végétarisme, un habillement luxueux ou alors aux antipodes, ils s ’habillent de la façon la plus modeste, prônent l’érémitisme, l ’errance, la mendicité … Jusqu ’au IXème siècle, les mystiques de ce type passeront pour des fous.

Les écoles soufis aiment à se recommander des premiers ascètes de l’Islam et surtout de deux compagnons du prophète : Abûl Darda et Dharr al-Ghifâri. Très vite, ils se regrouperont autour d ’un maître (SHAYKH). Le but premier est la recherche d ’une vie centrée sur la méditation du Coran, particulièrement les verset s où il est dit que Dieu aime ceux qui font le bien. Ils mettent aussi en valeur deux versets coraniques, c’est pourquoi naît en eux le désir de rencontrer intimement celui qui faisait don de cette parole. Le soufisme a toujours voulu tenir de façon paradoxale la distance et la proximité de Dieu dans l ’expérience spirituelle. Dieu reste inaccessible en son essence mais par la Révélation coranique, il révèle ses attributs par lesquels l’homme devient capable de saisir son existence. Au sein de l’Islam, il y a eu une vive opposition au soufisme :

Pour le sunnisme, le soufisme risquait de porter atteinte à la transcendance de Dieu. Comment l ’homme limité peut-il avoir en lui le désir de l ’Illimité ? De plus, le sunnisme considérait que ce que prétendait les soufis quant à la passion animée de Dieu pour l’homme était une atteinte à l ’Impassibilité divine. Pour le sunnisme, la relation entre Dieu et l ’homme ne peut être qu ’adoration et obéissance. Pour les shi ’ites, la tentative de pénétrer le mystère de la divinité est une tentative illusoire et blasphématoire. C ’est la raison de la lutte farouche contre ce courant mystique car il se pose en concurrence directe avec la fonction de l ’Imam, seul habilité à révéler le sens caché de la Révélation divine.

La crise culmine avec le célèbre HALLADJ qui avait eu le tort de rendre publics certains propos prononcés, tels que la fameuse locution théopathique : Ana al-haqq (« Je suis Vérité, c ’est-à-dire Dieu »). Accusé d ’avoir partie liée avec les chi ’ites extrémistes, il fut emprisonné une dizaine d ’années avant d ’être finalement jugé puis exécuté en 909. La fin tragique du martyr mettait un point final à la mystique de la rupture. Les survivants du mouvement, échappés aux persécutions, obtiendront le statut de mouvement reconnu et n’intégrerons l’orthodoxie sunnite qu’après modification infime de leur mouvement et une pratique dans la discrétion. Le soufisme a été connu en Europe et plus particulièrement en France à la suite de la thèse consacrée par Louis Massignon à Halladj.

Les musulmans de France connaissent aussi cette pluralité. Mais l’Islam, comme le christianisme ou le judaïsme, doit faire face à une société qui est en constante mutation, donc la religion de Muhammed se voit confrontée aux grandes questions modern es (les bouleversements culturels, les progrès techniques et scientifiques, etc.). C’est face à ces changements que vont émerger des courants nouveaux que nous allons rapidement évoquer.

(a) le WAHHABISME :

Ce mouvement est né en Arabie au XVIIIème siècle. Les idées réformistes de Abd el Wahhab (1703-1787) condamnent toutes les innovations apportées par les califes depuis les Omeyyades. Ce courant vise à instaurer dans l ’ensemble du monde musulman un Islam purifié, semblable à celui de l ’époque du prophète, prônant un retour à la société de Médine. Le Wahhabisme est en lutte contre ce qu’il appelle « innovations blâmables » . Ce courant est vigoureux en Arabie Saoudite, il est aussi dominant dans la Ligue Islamique Mondiale. Bon nombre de mosquées de Fran ce, financées par ce biais, se situent dans cette mouvance rigoriste et réformiste.

(B) le JÂMÂ’AT AL-TABLIGH :

Il a été fondé par MAWLANA MUHAMMAD ILYAS (1885-1944). Il a fondé en Inde, dans la région de Delhi, des petites communautés de prédicateurs qui se consacrent à fortifier la foi et la pratique des communautés. Le Jâmâ’at al-tabligh repose sur six principes :

1. La confession de foi.
2. EL SALAT; la prière.
3. La connaissance des hadiths, l ’imitation du prophète et le transmettre aux autres.
4. La bonté et le respect pour tous les hommes.
5. Sincérité et simplicité pour lutter contre la vanité et l’ostentation.
6. Le tabligh (ou prédication) exige que l’on donne quelques jours ou quelques semaines.
En France, ce mouvement est connu sous le nom « FOI et PRATIQUE », fondé en 1972. Ces musulmans recherchent une sincérité dans leur pratique religieuse et ont un réel souci missionnaire; ils prêchent dans les mosquées, les cafés, les commerces, les appelant à retrouver le chemin de la pratique de l’Islam.

(c) les MODERNISTES :

Il y a des mouvements qui cherchent l ’harmonie entre l ’Islam et la société moderne, ils font un réel effort d ’ouverture cependant occulté par l ’Islam négatif (que nous traiterons dans la troisième partie de notre mémoire). Il existe des intellectuels, des responsables religieux, des étudiants qui cherchent à faire coexister la tradition et les valeurs de la société moderne; débat que l ’on retrouvera d ’ailleurs lorsque nous étudierons les différentes affaires qui ont affecté l’Islam de 1989 à 1996. Les modernistes s ’opposent aux islamistes, à tout fondamentalisme et tout extrémisme. Cependant, ces « modérés » ne sont pas organisés en mouvement structuré. Ils sont partisans de la réouverture, l ’IJTIHÂD . Parmi eux, beaucoup recherchent le dialogue avec les autres religions.

Remarque : Nous ne nous attarderons pas davantage sur l’Islam actuel face à l ’Islam traditionnel que nous détaillerons plus dans le troisième volet de notre mémoire.

Comment se structure l’islam en France ?

L’ORGANISATION RELIGIEUSE DES MUSULMANS EN FRANCE

A la fin de la Première Guerre Mondiale, les autorités françaises avaient pris la décision de faire construire une mosquée à Paris afin de rendre hommage aux populations no rd-africaines pour leurs efforts de guerre. Les travaux se déroulèrent sous le contrôle d ’une société « les habous », fondée à Alger le 16 février 1917. Dans le droit musulman, un bien habous est l ’équivalent d ’une fondation et implique donc une donation a u profit d ’un bénéficiaire, public ou privé, sans recherche de profit économique. Elle se transforme en association loi de 1901 afin de bénéficier des subventions de l ’Etat et de la ville de Paris.

D’ores et déjà, nous pouvons faire plusieurs constatations :

– On part tout d’abord d’une initiative privée.
– Puis cette initiative va se transformer en fonction publique; c ’est à dire que l ’état français va accepter l ’émergence d ’une nouvelle religion sur son sol et va contribuer à son développement en l’absorbant dans son cadre administratif. (Passage d’une entreprise privée à une association régie par la loi de 1901).

Ayant l’appui de l’Etat, la mosquée de Paris va connaître une longue période hégémonique jusque dans les années 80 au cours desquelles apparais sent l’unification et le regroupement d’une multitude d’associations en union ou fédération afin de gommer une image faussée par certains groupuscules extrémistes qui y voyaient une croissance dangereuse et non contrôlée, la tentative ou la potentialité d’une prise de pouvoir. Ces ramifications et regroupements en fédérations ont été établies dans le but de se faire mieux entendre pour revendiquer des lieux de culte et être reconnus comme une religion à part entière sur le sol français (le port du voile, les régimes alimentaires, etc.).

Afin de mieux comprendre ces structures et associations, nous étudierons par exemple l’Union des Organisations Islamiques de France, l ’U.O.I.F qui a une forte assise nationale, essentiellement dans le Nord / Pas-de-Calais, à Lille et Valenciennes en particulier, où ils regroupent un grand nombre d ’adhérents et de partisans. En France, il existe de grandes organisations qui tentent de contrôler l’islam dans le cadre de leurs associations. Il est toujours très difficile de dire quelle mosquée est en collaboration avec tel ou tel type d’organisation. Ainsi, grâce à l ’étude de SIDI KADA CHADIA , on apprend que la mosquée de Lille Sud travaille en étroite collaboration avec l’U.O.I.F.

Cette dernière est une émanation de l ’U.O.I.E. (l’Union des Organisations Islamiques en Europe), fondée en 1983 par un groupe d’associations qui pensaient que leurs actions ne pourraient être significatives qu ’insérées dans une organisation centralisée. Cette union regroupe aujourd ’hui quelques deux cents associations à travers le pays. L ’union s ’organise comme n ’importe quelle association. Le comité de l ’association (bureau exécutif) représente presque toutes les associations ainsi que les membres de l’assemblée administrative qui la composent. Le comité regroupe onze personnes qui forment le conseil d’administration, élu pour deux ans lors de l ’assemblée générale. En 1990, le bureau était composé de quelques membres influents tels que :

– le docteur Ahmed TABALLAH; président de l ’union, de nationalité tunisienne.
– le professeur Abdallah BEN MANSOUR ; vice-président, secrétaire général et responsable de l’administration, de nationalité tunisienne.
– le professeur Saïd EL KAMLI ; trésorier et responsable du secrétariat.
– le professeur Abdelhamid BOUZOUITA; responsable de la cellule éducation, recherche et formation.
– Le CHEIKH Ani FARKAH; responsable de la division des Prêches.

Chaque cellule du bureau possède une tâche spécifique qui correspond à la politique menée par l ’union. Chaque associat ion de l’union propose à ses fidèles toute une série de services extra-religieux et religieux tels qu ’une aide juridique, une aide aux démarches administratives, épistolaires (documents, courriers divers), une aide aux démarches auprès des autorités. L ’union organise également des pèlerinages à la Mecque ou la OMRA . On note une forte implication des membres dans la vie de tous les jours; l’union se sent réellement concernée par les problèmes de son temps. Nous noterons à cet égard la position prise par l ’U.O.I.F. dans l’affaire du foulard en 1993 au sein de l ’école FAIDHERBE à Lille.

Le représentant de la mosquée était intervenu afin de faire prévaloir le droit des jeunes filles de porter le HIDJAB. Le président de l’association a quant à lui mis en évidence le droit de ces jeunes filles à avoir accès à l ’éducation : l ’union s ’est aussi positionnée en tant qu’interlocuteur et médiateur entre les jeunes filles et l ’administration scolaire, se substituant de la même manière à l’autorité parentale. On dénote ainsi une implication active en ce qui concerne les problèmes que connaît la jeunesse musulmane en France.

C ’est d ’ailleurs la raison pour laquelle certains projets sont en gestation, comme la volonté de créer une école privée musulmane . Les activités offer tes par l ’association sont multiples; on relèvera l ’exemple des écoles coraniques, l ’apprentissage de la langue et de la civilisation arabe dans les mosquées ou l ’organisation de camping d ’été pour les jeunes musulmans qui s ’apparente d ’une certaine manièr e au scoutisme.

Bien entendu, on dégage ici l’idée d’un islam bien structuré en union, fondation, fédération pour défendre le fait que le musulman, loin de faire du prosélytisme, demeure une personne fière de sa religion. On contredira ainsi la conception que se fait Bruno Etienne de l ’islam lorsqu’il nous dit, dans les années 60 : « Dans un premier temps, l’islam a été caché, honteux : quelques lieux de prières se sont d’abord développés dans des caves de H.L.M., dans des sous-sols ou des arrière-boutiques de garages ou de magasins… » (31) .

Dans les pays des droits de l ’homme et du citoyen, sur le sol des libertés de conscience, pourquoi devrait-on avoir honte et se cacher ?
Y aurait-il une entrave à la liberté de culte pour le musulman ? Non, cela restait et reste encore de nos jours une question de moyens; l’islam s ’est vu allouer et prêter des infrastructures, parfois offertes par l’Église catholique qui a ressenti et compris le manque de structures. Ce n’est pas une honte mais un manque d ’organisation, de démarches, de structurations d’une communauté nouvelle qui cherche ses marques.

Remarque : La lecture de cet épilogue nécessite pour une meilleur compréhension que le lecteur soit muni d ’un dictionnaire sur l ’islam. Nous vous conseillons L ’Islam : religion et civilisation, publié chez Albin Michel et Encyclopaedia Universalis ; Paris ,1997

1 Libération du 6.08.96
2 Bruno Etienne, La France et l’islam ; Ed. Hachette , 1989
3 Jean-Jacques Frémeaux ;Le monde arabe et la sécurité de la France depuis 1958 ; P.U.F, 1995
4 Ralph Schor, Histoire de l’immigration en France, Armand Colin, 1996.
5 Saïd Bouamama et Hadjila Sad Saoud, Familles maghrébines de France, Ed. Desclée de Brouwer, 1996.
6 Jean Anglade, La vie quotidienne des immigrés en France de 1929 à nos jours, Hachette 1996, p. 83 à 131.
7 J.J Frémeaux, La France et l’Islam depuis 1789, P.U.F, 1991, 291 pages.
8 U.O.I.F : Union des Organisations Islamiques de France.
9 Expression employée par J. Anglade, p.83 de l’ouvrage Op. Cit. L’expression n’a pas de connotation péjorative mais témoigne d’une réalité historique.
10 Expression employée par Bruno Etienne, qui désigne « ceux qui sont aux galères ».
11 La politique du regroupement familial s’étendit de 1969 à 1973. Nous sommes ainsi passés de 484 familles à
5421, en quatre ans. Cf. : l’ouvrage op. Cit. de Saïd Bouamama et Hadjila Sad Saoud.
12 La Kabylie est le terme qui désigne plusieurs massifs du Nord de l’Algérie. C’est aussi un peuple berbère, sédentaire dont la langue propre est le tamazight.
13 Expression in ouvrage de Ralph Schor, op. cit.
14 « Hallal » est ce qui est licite. Définition dans le Dictionnaire de l’Islam : Religion et civilisation, Ed. Albin Michel et Encyclopaedia Universalis, 1997.
15 In l’ouvrage op. cit., J. Anglade ajoute en page 83 : « Dans les années qui suivent, beaucoup passent la mer, attirés par les salaires métropolitains. Ils sont 100000 en 1925. En Algérie, les colons s’inquiètent d’une main- d’oeuvre qui se fait plus rare et plus exigeante. Ils pressent le gouvernement général d’entraver les départs, le mouvement reprend à partir de 1936, quand le régime du front populaire lui rend son entière liberté. Les algériens viennent s’embaucher dans les mines, les transports, mes travaux publics (…)
16 Sidi-Kada Chadia, L’enracinement de l’Islam dans le Nord-Pas-de-Calais : l’époque des mosquées érigées, Lille 1993, 165 pages. ( M. Martin). Ce mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine est disponible aux archives de la bibliothèque universitaire de Lille, sous la côte D. 193/174.
17 Ralph Schor, Opt.cit. p.167.
18 Ralph Schor, Opt.cit .p.180.
19 Bourguiba Habib Ibn Ali, homme politique tunisien, né à Monastir en 1903. Il fonda en 1934 le Néo- Destour moderniste et laïque. Président de la République tunisienne à partir de 1957 ; il est élu président à vie en 1975. Il a été destitué en 1987.
20 Messali Hadj Ahmed, né à Tlemcen en 1898. Il est le fondateur du Parti populaire algérien en 1937 puis du mouvement national algérien en 1954. Il meurt à Paris en 1974.
21 P.P.A : Parti du Peuple Algérien.
22 Les immigrés en France ; INSEE 1997, Collection Portrait Social.
23 Article 11 des Accords d’Evian : « Les ressortissants algériens résidant en France et notamment les travailleurs , auront les mêmes droit politique. Sauf décision de justice, tout algérien muni d’une carte d’identité est libre de circuler entre la France et l’algérie. ».
24 FAS : le Fond d’Action Sociale, il fut d’abord réservé aux algériens, puis aux étrangers en 1964 et aux harkis en 1966.
25 Le père Ghys, il est le fondateur d’associations pour l’alphabétisation(Amana 1947) à Tunis.
26 In Etre musulman en France aujourd’hui, Ed. Hachette , 1997
27 Président de l’U.O.I.F
28 C’est une terre impie, c’est un espace géographique non islamisé. « Dar », veut dire maison mais aussi la Cité
au sens Grec du terme. Cependant , une terre non musulmane , c’est à dire Dar al Rhâm peut accueillir des musulmans.
29 C’est l’espace géographique islamisé. Nous retiendrons que Dar al Rhâm peut devenir Dar Al Islam.
30 C’est le titre du chapitre III, de l’ouvrage de Paul Balta ; L’islam dans le monde, Ed. Le Monde, 1991
31 Bruno Etienne ; L’islam en France, Ed. Hachette , 1989.

Page suivante : PREMIERE PARTIE : L’AFFAIRE RUSHDIE OU LE REVEIL DE L’ISLAM EN FRANCE ?

Retour au menu : L’islam en France de 1989 à 1995 au travers du Journal Lacroix et le Journal L’Humanité : Naissance de l’Islamophobie