Le défaut d’information est sanctionné par la perte de chance. La jurisprudence considère en effet que le patient, s’il avait été correctement informé, aurait peut-être renoncé à recevoir les soins, subir l’opération dont a découlé un dommage. Le dommage final est celui de n’avoir pu éviter le mal, c’est donc le dommage corporel qui en résulte.
Pour mieux comprendre cette hypothèse, il est nécessaire de rappeler que l’une des règles traditionnelles pesant sur le médecin et plus généralement l’hôpital, est celle qui oblige le médecin à informer son patient et recueillir son consentement préalablement à toute intervention . Partant, cette obligation est susceptible d’engager la responsabilité pour faute du praticien. Elle découle des articles 7, 22, 37 et 42 du Code de déontologie et de l’article L. 710-2 du Code de la santé publique.
Les jurisprudences civiles et administratives se sont entendues pour considérer que le patient doit pouvoir donner à l’acte médical, un « consentement éclairé ». Cela signifie dès lors que pour toute intervention, l’information doit être préalable. Les juges partent du principe selon lequel il se forme entre le médecin et son patient un contrat avec l’engagement de donner des soins consciencieux, attentifs, et conformes aux données acquises de la science . A ce titre, puisqu’il s’agit d’un contrat, il y faut un consentement éclairé. L’information donnée doit être claire et loyale, même si elle est approximative .
Dans cette perspective, l’invocation du manquement du médecin à son devoir d’information a pu apparaître un temps comme un moyen d’étendre considérablement la responsabilité médicale, notamment en l’absence de faute technique prouvée. Certains auteurs ont même considéré que lorsque le patient n’a pas été informé par le médecin des risques de l’opération qu’il subit, faute d’acceptation des risques par le patient, le médecin devrait être rendu responsable de tous les dommages consécutifs à cette opération. Madame S. PORCHY a d’ailleurs fait une approche critique de cette position : « la théorie du transfert des risques nous semble très difficile à justifier d’un point de vue technique. Lorsqu’on affirme en effet que le défaut de consentement libre et éclairé opère une attribution des risques du traitement du médecin, on signifie que celui-ci est tenu d’une obligation de résultat dans l’exécution de l’acte médical ». Or il est admis depuis fort longtemps qu’il s’agit d’une obligation de moyen dans le droit médical.
Cependant, la Cour de cassation ne s’est pas engagée dans cette voie. Elle refuse en effet, de faire de la responsabilité issue du manquement au devoir d’information un substitut à l’absence de mécanisme d’indemnisation de l’aléa thérapeutique. Elle reste d’ailleurs fidèle au raisonnement qu’avait eu les juges dans l’arrêt rendu en date 7 février 1990 , selon lequel le médecin qui a manqué à son obligation d’éclairer le malade sur les conséquences éventuelles de son choix d’accepter l’opération proposée « a seulement privé ce malade d’une chance d’échapper, par une décision peut-être plus judicieuse, au risque qui s’est finalement réalisé, perte qui constitue un préjudice distinct des atteintes corporelles ». Finalement, la Haute juridiction admet que le manquement au devoir d’information est la cause seulement de la perte de chance d’éviter les complications consécutives à l’opération proposée, et non de ces complications elles-mêmes.
On le sait, la responsabilité des professionnels de santé se caractérise par sa complexité puisqu’elle se situe à la frontière de deux domaines, juridique et médical. Cette spécificité se traduit par la pérennisation de la dénaturation des principes de responsabilité civile lorsque se trouve appliquée la théorie de la perte de chance.
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