En raisonnant selon une stricte orthodoxie juridique, on ne peut aboutir qu’à cette conclusion : l’indemnisation opérée par le juge aboutit à la réparation intégrale du préjudice de perte d’une chance. Par l’établissement d’un lien de causalité certain, le préjudice peut être réparé, et comme tous les préjudices il l’est intégralement (1). Ce qui confirme que la perte d’une chance constitue un préjudice autonome (2).
1) L’affirmation de la thèse de la réparation intégrale
Cette thèse considérant que la réparation du préjudice de perte d’une chance est défendue par une partie de la doctrine, en témoigne les écrits de Madame VACARIE : « La règle est celle de la réparation intégrale du préjudice direct, la Cour de cassation veille au respect de cette règle »
Cette position se fonde sur l’établissement du lien de causalité et Monsieur BORE souligne cette problématique, « le préjudice résultant de la perte d’une chance est donc un préjudice raccourci a la mesure du lien de causalité probable qui unit le fait générateur de responsabilité au préjudice final ». Le préjudice de perte d’une chance est effectivement un préjudice, mais un préjudice qui serait alors raccourci. Seul le préjudice de perte de chance peut être réparé, or, ce préjudice va être affecté par l’aléa qui le qualifie. Selon Monsieur BORE, « si donc la réparation n’est que partielle, ce n’est point parce que le préjudice-décès serait lui-même partiel : un mort n’est pas un demi-vivant et la victime ou ses ayants droit ont subi le dommage dans sa totalité ; c’est parce que la réparation est pondérée a la mesure du lien de causalité probable constate entre la faute et le dommage final ». L’auteur argumente du point de vue du dommage final. A partir de là, il semble que les critiques ne se fondent pas sur le bon préjudice ou alors ne tiennent pas compte du préjudice de perte de chance et de la conception de la causalité qu’il génère.
Cette réparation intégrale induit inévitablement une consécration de la perte de chance en tant que préjudice.
2) La consécration de la perte de chance en tant que préjudice
Nous l’avons vu, la perte de chance est dépendante de l’état réel de la victime, et seul ce préjudice est véritablement certain. C’est au stade de l’indemnisation que ce préjudice est original puisque seule la perte d’une chance va être réparée. Dire que la réparation est intégrale confirme donc bien que seul le préjudice de perte d’une chance soit réparé, qu’il est indépendant du préjudice final dans le principe même de sa réparation
Finalement, la théorie de la perte de chance n’est pas si défavorable aux victimes. Alors même que la victime est frustré d’obtenir une indemnisation inférieur au préjudice final, elle peut s’estimer « chanceuse » d’être au moins indemnisée, car si ce dommage n’était pas pris en compte par les juges, elle ne pourrait prétendre à rien, le préjudice n’étant pas considéré comme certain. La théorie de la perte d’une chance permet donc aux victimes d’obtenir la réparation intégrale d’un certain préjudice subi, qui n’est pas le dommage final.
Les critiques relatives à l’indemnisation partielle du préjudice final paraissent donc infondées. Le quantum de l’indemnité étant évalué en fonction de l’état réel de la victime, il s’agit alors d’une réparation intégrale du préjudice.
En plus d’une logique d’indemnisation difficilement accessible pour les victimes, il semble que la Cour de cassation oscille entre rigueur et souplesse. On l’a vu, elle agit avec souplesse lorsqu’elle use abusivement de la théorie de la perte de chance pour une indemnisation à tout prix. Elle adopte une certaine rigueur lorsqu’elle reconnaît limitativement les préjudices subis par le patient consécutivement au non respect de l’obligation d’information. Ce dernier courant n’a pas manqué de soulever une partie de la doctrine favorable à l’indemnisation du préjudice moral qui résulte ispo facto pour un patient des lacunes de l’information donnée par son médecin.
Retour au menu : LA PERTE DE CHANCE EN MATIERE DE RESPONSABILITÉ MÉDICALE