Institut numerique

B– La répression internationale des violations graves du droit international humanitaire

Utiliser des substances chimiques comme moyens de guerre dans le cadre d’un conflit armé – quelle qu’en soit la raison et les parties au conflit – constitue une violation grave du DIH et un crime de guerre révoltant. Aucune impunité ne doit être tolérée par la communauté internationale, si toutefois cette dernière arrive à s’entendre sur la désignation des présumés responsables de l’attaque chimique du 21 août 2013.

Les services de renseignement étrangers ont conclu, à partir d’analyses des capacités militaires syriennes et de diverses informations(35), que le régime de Bachar el-Assad était responsable de l’attaque chimique menée contre des quartiers de Damas sous le contrôle de l’opposition syrienne(36). Or contrairement à la responsabilité des forces gouvernementales, celle de Bachar el-Assad n’est pas entièrement avérée.

Le gouvernement moscovite affirme, quant à lui, que les insurgés auraient également utilisés ces armes de destructions massives contre l’armée. Les questions de détermination des auteurs soupçonnés de crimes de guerre, et pouvant faire l’objet de poursuite, restent donc en suspend en attendant une véritable enquête internationale plus approfondie que celle dernièrement réalisée par l’ONU.

Au regard des bases juridiques relatives aux sanctions des violations commises le 21 août, c’est la Convention internationale sur les armes chimiques de 1993 qui s’applique en premier lieu dans un tel contexte. Sous pressions russes et pour éviter une frappe occidentale, la Syrie demanda aux Nations unies – début septembre – son adhésion à cette dernière qui fût officiellement acceptée le 14 septembre 2013 par Ban Ki-moon. Ainsi, l’application des termes de la présente convention est entrée en vigueur 30 jour après l’accord officiel, soit le 14 octobre dernier, ce qui permis à l’OIAC de collaborer rapidement avec le régime syrien.

Par ailleurs, le Protocole de Genève sur les gaz de 1925(37) prévoit également la prohibition de l’utilisation des armes chimiques et est donc opposable au régime syrien au regard de sa ratification en novembre 1968. Néanmoins, les méthodes et les moyens de combat décrit au sein de cette convention sont particulièrement incomplets contrairement à ceux décrit au sein de la CIAC.

La première convention permet donc une action dans le cadre onusien, contrairement à la deuxième qui évoluera dans celui de la CPI. Dans le cadre onusien – une telle violation du droit international – sous entend nécessairement l’application du Chapitre VII de la Charte des Nations unies. Mais là encore, il faut une résolution et donc une entente commune du CS pour pouvoir agir dans les frontières de ce Chapitre. Dans ce contexte, les vétos russes et chinois risquent de poser problème.

Pour éviter tout blocage et impunité, Ban Ki-moon proposa alors fin septembre, une solution subsidiaire qui consistait à punir les responsables de l’utilisation des armes chimiques en Syrie devant la CPI. Néanmoins, ne faisant partie des Etats membres de son statut, le président syrien ne peut donc pas faire directement l’objet de poursuites, sauf si une résolution du CS des Nations unies en décide autrement. C’est notamment ce qu’il s’est produit pour la Libye avec Kadhafi dans lequel le CS a pu outrepasser la non-ratification du statut par résolution, permettant la poursuite de l’un de ses fils.

Le CS peut donc demander à la CPI de se saisir du dossier syrien. Ce sera alors au procureur et non au Conseil de déterminer les présumés responsables qui doivent être poursuivis. Mais la Russie et la Chine continuent d’opposer leur veto aux résolutions onusiennes destinées à mettre en oeuvre des sanctions contre le gouvernement de Damas. Pourtant, cela va bientôt faire trois ans que les crimes de guerre ne cessent de se perpétrer en Syrie et ce, en toute impunité au risque de se généraliser si aucune initiative internationale concrète n’est prise.

35 DGSE/DRM, Programme chimique syrien. Cas d’emploi passés d’agents chimiques par le régime. Attaque chimique conduite par le régime le 21 août 2013. Synthèse nationale de renseignement déclassifié, 2 septembre 2013, 9 p.
36 KELLERHALS Merle David Jr., « L’attaque aux armes chimiques en Syrie massivement confirmée par le renseignement », IIP Digital, 13 septembre 2013.
Disponible sur : www.iipdigital.usembassy.gov/st/french/article/2013/09/20130913282872.html.
37 Voir Protocole concernant a prohibition d’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques, signé le 17 juin 1925 à Genève et ratifié par la Syrie le 29 novembre 1968.

Page suivante : Chapitre II- Les initiatives internationales contre l’utilisation des armes chimiques

Retour au menu : La prohibition de l’utilisation des armes chimiques au sein des conflits armés à travers l’exemple syrien : étude sur les règles et les principes relatifs aux moyens et aux méthodes de guerre en droit international humanitaire