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B. L’aménagement par le droit européen des conditions d’application des procédures allemande et autrichienne de vérification et de modification du rapport d’échange des actions.

Non classé

Les droits des sociétés allemand et autrichien prévoient une procédure baptisée
« Spruchverfahren », vocable que nous pouvons traduire par « procédure de vérification et de
modification du rapport d’échange des actions ». Cette procédure peut être mise en oeuvre par
les actionnaires de la société allemande ou autrichienne absorbante ou absorbée. Elle a pour
objet de faire vérifier judiciairement le caractère adéquat du rapport d’échange des actions
prévu au projet de fusion, et, le cas échéant, de le modifier. Cette procédure tend à protéger les
droits des actionnaires minoritaires qui n’auront pas été en mesure de s’opposer à
l’approbation du projet de fusion dans le cadre de l’assemblée générale. Elle est totalement
inconnue du droit des vingt-cinq autres États membres, ce qui pose la question de la
conciliation des différentes législations nationales impliquées dans la fusion transfrontalière.

Bien que le législateur européen accorde une valeur primordiale au résultat des
négociations précédant la signature du traité de fusion et manifeste, pour cette raison, un
certain scepticisme à l’égard de tout contrôle judiciaire(222), l’existence des « Spruchverfahren »
allemande et autrichienne a, à la demande de ces deux États(223), été prise en compte par la
directive : son article 10 § 3 joue un rôle de médiation entre les ordres juridiques nationaux
qui connaissent cette procédure pouvant aboutir à la modification de la parité d’échange des
actions, et ce qui ne la prévoient pas(224). En application de cette disposition, cette procédure ne
pourra être introduire qu’à la condition que les actionnaires de la société dont le droit ne
connaît pas une telle procédure en aient expressément accepté la mise en oeuvre par une
résolution spéciale(225), qui devra être prise aux mêmes conditions de quorum et de majorité que
la décision d’approbation de la fusion elle-même, c’est à dire à une majorité qualifiée des
deux tiers des droits présents et représentés dans le cadre d’une assemblée générale qui sera,
en droit français, de type « extraordinaire »(226).

L’article 10-3 de la directive a été transposé en droit français à l’alinéa 2 de l’article L.
236-28 C. Com. et en droit allemand au § 122h, al. 1er UmwG. Les transpositions allemande
et française n’appellent pas de commentaire particulier quant à leur conformité au texte
européen.

Il nous paraît en revanche opportun de nous pencher sur l’affaiblissement de la
protection des actionnaires des sociétés dont le droit connaît cette procédure. En effet, il
ressort de l’ensemble des développements ci-dessus que la protection de l’actionnaire d’une
société absorbée relevant du droit allemand ou autrichien sera affaiblie par rapport à celle dont
il jouit dans le cadre d’une fusion interne. En effet, alors que la procédure d’analyse et de
modification du rapport d’échange des actions lui est systématiquement ouverte en cas de
fusion interne, elle ne pourra être actionnée dans le cadre d’une fusion transfrontalière que
dans les hypothèses – extrêmement restreintes – visées ci-dessus. La protection des
actionnaires des sociétés soumises au droit allemand ou autrichien nous paraît d’autant plus
compromise qu’en l’état actuel de cette législation, la procédure ne présente que peu d’attrait
pour les actionnaires des sociétés non soumises au droit allemand ou autrichien : tout d’abord,
la parité d’échange des actions ne peut être révisée qu’en faveur des actionnaires de la société
soumise au droit allemand, une modification du rapport d’échange des actions en faveur des
actionnaires des autres sociétés fusionnantes n’étant, en l’état actuel de la législation
allemande, pas possible(227). Ainsi, l’éventuelle modification du rapport d’échange ne pourra
représenter qu’une charge financière pour les sociétés dont le droit ne prévoit pas la procédure
de réexamen, et ce d’autant plus que la modification à laquelle procéderont les juges n’est
encadrée par aucun plafond(228). Enfin, ces sociétés ne sont pas, en tant que telles, parties à
l’instance, mais seulement représentées par un représentant commun (§ 6 SpruchG)(229). Au
final, la seule – mais probablement décisive – raison qui incitera les actionnaires à consentir à
la mise en oeuvre de celle-ci en Allemagne sera d’éviter un long blocage du processus de
fusion, voire un échec total de celle-ci, qui pourrait résulter de l’exercice par les actionnaires
de la société allemande du recours judiciaire en annulation de la décision de l’assemblée
générale approuvant le projet de fusion, qui leur est ouvert par le § 14 UmwG(230).

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